L’imposante ferme de La Baillerie à Bousval vient d’être revalorisée grâce à un projet agricole et de coopérative, mené par cinq couples et couronné par le prix en rénovation Energy to Build, salon satellite de Bois & Habitat. Visite chez l’architecte Sébastien Cruyt, l’un des artisans de cette ingénieuse reconversion.

« Deux de mes copains sont à l’origine du projet, raconte Sébastien Cruyt. Ils voulaient reproduire un modèle de coopérative agricole qui existe déjà en Flandre et dont le but est de promouvoir une agriculture plus autonome et durable.  » Ingénieurs agronomes, Christophe Col et Johanne Dupuis dénichent la ferme de leurs rêves près de Lasne, à deux pas d’une colline coiffée par la chapelle du Try-au-Chêne, édifiée en 1608. Tout autour, des paysages magnifiques et vallonnés se déploient sur 14 hectares. L’ensemble du site est classé. La ferme est trop grande et trop chère, la plupart des bâtiments se trouvent dans un état lamentable. Bref, elle n’intéresse pas les agriculteurs. En revanche, elle suscite l’intérêt de Christophe et Johanne… qui se montrent suffisamment convaincants pour entraîner dans l’aventure quatre couples d’amis. Les cinq familles décident donc de s’y installer en divisant la ferme et en y investissant chacune un corps de bâtiment.

Les nouveaux propriétaires sont de vrais citadins. Ils ont des métiers prenants et passionnants. On compte parmi eux un astrophysicien, un réalisateur et un entrepreneur de jardins. Sébastien, lui aussi, a toujours vécu et travaillé à Bruxelles. Gaël Diercxsens, sa femme, dirige la galerie d’art bruxelloise de l’Américaine Barbara Gladstone.  » Cela dit, la localisation nous a beaucoup séduits, explique l’architecte. Le projet de vie à la ferme nous a paru intéressant pour nos enfants, âgés de 4 et 6 ans. Nous avons décidé de tenter l’aventure d’autant plus que nous ne nous retrouvons pas tout seuls. Par exemple, on n’aurait jamais quitté Bruxelles pour une maison isolée dans les bois. On peut dire que nous avons  » changé de vie  » à moitié. « 

Une superbe charpenteà

Les couples occupent les bâtiments et sont coopérateurs mais restent autonomes par rapport au projet pris en charge par Christophe et Johanne, secondés par deux personnes extérieures travaillant à mi-temps. Les deux ingénieurs agronomes, qui souhaitaient maintenir le caractère agricole du site, ont un élevage de chèvres et quelques vaches. Les animaux sont abrités dans les deux hangars et fournissent 100 000 litres de lait par anà transformés en 20 tonnes de différentes variétés de fromage, vendues sur les marchés. La nourriture des animaux est produite sur place. Le projet agricole est autonome à 100 % dans la mesure où il ne reçoit aucun subside.

La répartition des différents corps de bâtiments, tous différents en taille et en prix, s’est faite très naturellement. La famille de Sébastien a  » hérité  » d’une étable de 140 m2. A l’intérieur de l’imposante bâtisse il n’y avait rien, juste une superbe charpente, quelques box pour chevaux età des montagnes de fiente. Abandonnée depuis des décennies, l’étable a été squattée par des centaines de pigeons.

Mais l’architecte devine instantanément l’immense potentiel du volume et décide d’installer tous les espaces de vie au premier étage avec, à la clé, le bénéfice de profiter d’une vue exceptionnelle.  » Des ouvertures supplémentaires ont été percées dans les murs. Au centre du bâtiment, j’ai fait construire deux murs porteurs qui apportent l’inertie ainsi que la stabilité technique et thermique. Ils prennent en sandwich l’escalier et réduisent ainsi les portées existantes. Ce noyau central très lourd garde aussi la fraîcheur en été. J’ai eu également l’idée de faire venir la lumière par le centre en faisant placer quelques verrières dans la toiture. « 

Le bâtiment a été isolé par l’intérieur avec de la cellulose de bois : une couche de 30 cm dans les murs et une couche de 40 cm dans la toiture. Le coût élevé de l’isolant représente le même investissement qu’une installation de chauffage. Ensuite, l’architecte a fait construire à l’intérieur  » une coque  » en bois et en cellulose. L’ensemble a été peint en blanc.  » Le niveau d’isolation correspond aux normes d’un bâtiment passif. En revanche, nous avons renoncé aux triples vitrages. Le nombre de baies et de fenêtres nécessitait un investissement supplémentaire de 50 000 euros. Le bâtiment est donc équipé de châssis en bois standard et de doubles vitrages. Ce qui nous empêche d’obtenir le label de maison passive. « 

Il n’y a pas de chaudière, juste un poêle à bois placé au rez-de-chaussée face à la porte d’entrée. Un système de ventilation à double flux évacue en permanence l’humidité. En été, il n’y a pas beaucoup de surchauffe.  » Cet hiver a été exceptionnellement rigoureux, souligne l’architecte. A l’intérieur, il y avait une température de 18 °C. Elle montait légèrement lorsqu’on allumait le poêle. On s’habitue. C’est parfaitement supportable, il suffit d’ajouter un pull. Le soir, quand on regarde la télé, on se glisse sous une couverture. Je pense qu’il est nécessaire de repenser nos modèles de confort. « 

à pour une  » low technology « 

Le rez-de-chaussée est réservé aux ateliers. Dans ses rares moments de loisirs, Sébastien y expérimente, pour son plaisir, de nouveaux concepts de mobilier qui tiennent compte du développement durable. Le premier étage s’apparente à un loft. Pas de cloisons, pas de séparations. La circulation, très fluide, s’articule autour de l’escalier central. Dans le salon, une bibliothèque coulée en béton se prolonge par des banquettes qui servent de canapés. Le mobilier se veut utile et fonctionnel, tout comme les fauteuils en carton, créés par l’architecte. L’anecdotique et le superflu n’ont pas leur place ici. La cuisine minimaliste et ergonomique est placée devant un mur  » tableau noir  » où les enfants dessinent chaque jour de nouvelles £uvres d’art.

Au second étage, l’espace est divisé en chambres, sans oublier la salle de bains. Cette dernière, installée sur une surface relativement petite, est tapissée de miroirs qui procurent une sensation d’espace. Partout, la même simplicité.  » C’est une maison « low technology », conclut Sébastien. Son concept technique est très simple : je l’ai abordée comme une expérience.  » N’empêche. Y règnent une intense qualité de vieà et beaucoup de charme.

Par Barbara Witkowska / Photos : Renaud Callebaut

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content