Pierre Oteiza a remis au goût du jour les charcuteries de porc basque, une variété rustique. Et l’une de ses spécialités – le jambon des Aldudes – a aussi inspiré le chef belge Pascal Devalkeneer.

Recettes en pages 84.

Carnet d’adresses en page 96.

A mi-chemin entre Bayonne et Pampelune, la vallée des Aldudes déploie un magnifique paysage de collines et de verdure de 17 km de longueur et 15 de largeur. Ici, la nature est reine… et inspire, aussi, le goût des saveurs vraies. En 1970, Pierre Oteiza, fils de paysan, monte à Paris. Il a 15 ans et veut devenir boucher. Cinq ans plus tard, il rentre au pays pour reprendre en main la ferme de son père. Il ouvre ensuite un atelier de charcuterie, à côté de sa maison natale. Mais c’est en 1988, au Salon de l’agriculture de Paris que se révélera sa véritable vocation. Venu pour y faire déguster ses premières productions charcutières, il visite les pavillons consacrés à l’élevage. C’est là qu’il redécouvre une race porcine, déclarée en voie d’extinction par le ministère de l’Agriculture depuis 1981 : le porc basque, typique pour sa robe pie noire. La tête et l’arrière-train de l’animal sont noirs, séparés par une grande bande couleur chair. Autre caractéristique, ses oreilles se croisent sur sa face, cachant presque son groin.

 » En 1929, on dénombrait 138 000 reproducteurs dans les Pyrénées, explique Pierre Oteiza : 12 000 juste après la Seconde Guerre mondiale et 50 seulement au moment où l’Institut technique du porc décide de mener un programme de conservation de la race.  » Le jeune homme rentre aux Aldudes avec une idée en tête : faire revivre cette race rustique.  » La seule chose qui m’intéressait alors, martèle-t-il, c’est que le cochon était basque, bien de chez nous.  » Il achète les quelques porcelets qu’il a vus au salon et d’autres qu’il se procure ailleurs en France :  » En fait, on ne trouvait plus de porcs basques, sauf dans les zoos et parcs animaliers.  »

Pierre Oteiza se souvient de la constitution de son premier fichier d’adresses, de ces centaines et centaines de kilomètres parcourus pour aller chercher les futures mères reproductrices. Rapidement il se rend compte, toutefois, qu’il ne peut réaliser seul son projet. Il persuade donc d’autres éleveurs de prendre quelques porcs, de se lancer dans l’aventure. En contrepartie, il leur garantit d’acheter leurs animaux gras. Et de payer le prix fort, soit trois à quatre fois le prix accordé pour le porc blanc industriel aujourd’hui.

 » Le porc basque est un dur des durs, souligne Pierre Oteiza. Il est capable de résister au froid, à la pluie, à la neige. Il valorise nos estives, nettoie les sous-bois sur son chemin. On reboise aujourd’hui avec des essences feuillues à fruits secs (hêtres, châtaigniers, chênes…) On a repris une culture traditionnelle : la fauche des prairies naturelles de fougères qui, séchées, servent de litière et permettent d’isoler les cabanes dans lesquelles les porcs s’abritent toute l’année en forêt. Et puis, dans toutes les cultures du sud de l’Europe, le porc est un produit typique de moyenne montagne, qu’on transforme en jambons et charcuteries, tout simplement parce qu’il fallait trouver un moyen simple de conserver la viande. Les choses sont bien faites puisque l’air de cette montagne permet d’aboutir à un séchage optimal.  »

Produire et transformer ne suffisent pas. Encore faut-il commercialiser. Pierre Oteiza a donc établi un solide réseau de distribution, basé sur le contact direct avec le consommateur. Il avale ainsi des dizaines de milliers de kilomètres par an pour organiser des buffets basques. On y déguste le saucisson des Aldudes, le jésus du Pays basque, le chorizo au piment d’Espelette, le boudin basque, le jambon des Aldudes et quelques autres délices comme la ventrêche de porc basque frottée au piment d’Espelette. Son réseau de distribution en France est basé sur neuf boutiques Pierre Oteiza, dont une à Paris. Elles présentent non seulement les charcuteries et salaisons mais aussi toute une gamme de conserves, essentiellement basées sur des recettes traditionnelles du pays basque, comme la piperade, le salmis de palombe, l’axoa (à base de viande hachée), la garbure û une soupe traditionnelle du Pays basque û ou le marmitako de thon. L’assortiment est étoffé de quelques délicieux foies gras des Landes toutes proches.

Aujourd’hui, les charcuteries de porc basque de Pierre Oteiza sont aussi prisées des gourmets que le jambon ibérique. De grands chefs parisiens, comme Hélène Darroze ou ceux du Lutetia et du Plaza Athénée sélectionnent le porc basque pour leur carte. A Bruxelles, Pascal Devalkeneer du Chalet de la Forêt, par exemple, est un inconditionnel de son jambon séché au piment d’Espelette.  » C’est une viande incroyablement fondante, douce, souligne le chef belge. Elle est parfumée à souhait. On peut l’accompagner de champignons, d’£ufs brouillés. Je me sers du jambon pour aromatiser un bouillon de pommes de terre. J’assaisonne souvent ces plats de piment d’Espelette (qui provient d’un village voisin des Aldudes).  »

Pour partager avec vous ces savoureuses recettes et en exclusivité pour Weekend Le Vif/ L’Express, Pascal Devalkeneer a préparé quelques pintxos, ces tapas du Pays basque, à servir en petites portions au moment de l’apéritif.

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

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