Barbara Witkowska Journaliste

Ses bodys argentés, ses robes en chrome et aluminium sculptent la silhouette et illuminent la peau. Le créateur franco-suisse Jean-Luc Amsler réinvente un chic très moderne. Sculptural et anticonformiste.

Moquette rouge, canapé rouge, murs rouges… Dans l’appartement parisien de Jean-Luc Amsler, dépouillé et épuré à l’extrême, règne pourtant une ambiance forte et tonique. Le créateur apparaît, vêtu d’un tee-shirt bleu ciel, barré d’une inscription  » Red « .  » Le rouge ? C’est beau, c’est chaud, s’enflamme Jean-Luc Amsler. C’est une couleur terriblement visuelle et présente, torride, aphrodisiaque et vampirique. Et puis, elle donne l’opportunité de créer de beaux contrastes. » D’où des mariages très réussis, dans sa dernière collection, avec le noir ou le bleu marine. Les lignes sont simples, vigoureuses et architecturées. Les tissus, malgré leur aspect futuriste et métallique, séduisent par un toucher doux et confortable. Des détails chromés, couleur d’aluminium, coulent sur la silhouette comme du métal liquide, scintillent de mille éclats et annoncent l’élégance de demain.

Puissance, innovation, contrastes et nouvelle vision de la mode… Le ton est donné immédiatement. Le parcours de ce créateur talentueux et atypique est rythmé par des expériences musclées et insolites. Sa formation ? Un bref passage à l’école de stylisme Esmod.  » Du stylisme industriel, pas vraiment mon truc…  » A l’âge de 18 ans, les hasards de la vie le mènent à Istanbul. Là-bas commence son vrai apprentissage de la mode, bien singulier. Une  » dame turque  » lui fait copier, pour sa clientèle chic, des robes de couture, parues dans différents magazines. Une bonne école, car « il n’est pas aisé de faire une imitation d’une robe de Givenchy ». Abandonnant les strass et les paillettes, Jean-Luc Amsler travaille ensuite dans un atelier de confection à grande échelle où l’on fabrique des tee-shirts, destinés à l’Allemagne. Autre univers,  » super-glauque et violent « , autre facette du métier…

Retour à Paris. Jean-Louis Scherrer l’engage comme styliste débutant. Jean-Luc Amsler peaufine sa formation, en étudiant l’art de la coupe à l’école de la Chambre syndicale de la couture. Des expériences éclectiques s’enchaînent. Le jeune créateur met en scène les pendules mystérieuses de Cartier lors de la grande exposition organisée à l’occasion du centenaire du joaillier, gagne un concours organisé par la Fédération française du prêt-à-porter, dessine des uniformes des hôtesses Renault pour la formule 1, voyage, fait de la peinture. Il expose, il est  » un homme à tout faire « .

En 1992, Jean-Luc Amsler a 29 ans. La maturité et la sagesse sont au rendez-vous. Il s’investit définitivement et à fond dans la mode, tout en la considérant comme un moyen d’expression et non comme une industrie.  » Mon point fort est le tailleur. Je ne suis pas bon dans le flou. Je crée des tenues architecturales, rigoristes et cintrées. Elles gainent et suivent les lignes du corps, soulignent les hanches et la taille. C’est du sculpté sur mesure. Tel est mon idéal esthétique.  » Sa muse ? Une femme  » menant une vie totalement imaginaire, n’acceptant de s’habiller que d’une façon personnelle « . Autre caractéristique ? Jean-Luc Amsler se moque des tendances et refuse d’entrer dans le système  » commercial « . Quand tous les créateurs plébiscitent le noir, par exemple, il dessine des tenues éclatantes de couleurs, ou encore propose une collection toute blanche. Au milieu des années 1990, lorsque démarre la vague minimaliste, il complète ses tenues d’accessoires et de bijoux volumineux, baroques et exubérants, en résine chromée.

Dernier point fort ? Les matières. Avec la complicité des tisseurs lyonnais, Jean-Luc Amsler met au point des matériaux techniques, d’avant-garde, jamais utilisés dans la mode. Un fil dérivé des ordinateurs, tissé de manière spécifique, donne l’apparence d’une  » feuille d’aluminium « , très brillante. Les fils de métal mêlés à du polyester forment un tissu  » anti-agressions « , indestructible, indéchirable, néanmoins très confortable. Lorsqu’il s’attaque à des matériaux classiques, comme la laine ou le denim par exemple, il les améliore à sa façon, en y ajoutant des motifs sérigraphiés, en les  » bombant  » de peintures siliconées. La collection d’été 2001, conçue comme une série de tableaux abstraits, parsemés de coups de pinceaux vigoureux, se décline en bleu et en rouge. Les coupes sont ultra-sobres, pour laisser la place aux peintures métalliques.

Bien installé dans la mode, Jean-Luc Amsler s’attache, à présent, à construire son univers. Il vient d’accessoiriser ses vêtements avec des bijoux en argent, de formes simplissimes, presque androgynes. A la rentrée de septembre sortira une ligne de lunettes. Une ligne de maroquinerie, en cuir laqué, est à l’étude. Une parfaite synergie avec la mode sera évidente. On peut donc s’attendre à de véritables objets d’art, prêts à séduire les femmes cherchant à se démarquer, tout en fuyant l’univers standardisé des  » fashion victims « .

Barbara Witkowska

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