Entre forêt tropicale et civilisation, la capitale de l’État de l’Amazonas, au nord-ouest du Brésil, invite au voyage et à la découverte d’une histoire riche en rebondissements. Visite d’une ville qui vit et s’embellit au centre même du poumon de la planète et dont le coeur bat au rythme du marché local.

Une ville de près de deux millions d’habitants au milieu de la forêt : c’est ainsi que l’on décrit généralement Manaus, la capitale de l’Amazonas, le plus grand État du Brésil. Avec ses 1 570 947 km2, ce territoire couvre la partie supérieure du bassin hydrographique de l’Amazone. De Manaus partent encore aujourd’hui de nombreuses expéditions scientifiques permettant de sonder les mystères de la forêt tropicale. Car au fil du fleuve, on peut encore dénicher de nouvelles espèces de mammifères, oiseaux, poissons, insectes et végétaux. Dans la forêt amazonienne poussent aussi des plantes très importantes pour l’économie mondiale ; l’hévéa (l’arbre à caoutchouc), le manioc ou le cacaoyer et ses cousins de la famille des Theobromas. Des scientifiques brésiliens ont par exemple répertorié plus de 3 000 Theobromas, parmi lesquels le cupuaçu, dont la pulpe du fruit est utilisée dans des jus, glaces, confitures et même dans une variété de chocolat.

UN MARCHÉ RICHE ET VARIÉ

Entre février et avril, le fruit long et brunâtre du cupuaçu est l’un des aliments qui se vendent le plus sur le marché municipal de Manaus. La halle, véritable lieu historique, en réfection aujourd’hui, fut inaugurée en 1883. Et copie fidèlement les anciens pavillons des Halles de Paris. Sa structure métallique réalisée à Liverpool, évoquant l’Art nouveau du style Baltard, fut amenée par bateau depuis le port de Belém, sur l’Atlantique. Cette construction ambitieuse répondait à l’extraordinaire essor de Manaus, au début du XIXe siècle, lorsque, grâce à ses plantations d’hévéa, elle devint capitale mondiale du caoutchouc durant plusieurs décennies. 1842 : Charles Goodyear découvre la vulcanisation du caoutchouc, 1887 : Dunlop invente le pneu. Un commerce qui permit l’explosion démographique et culturelle de ce qui fut longtemps une bourgade paisible entourant un fort construit par les Portugais en 1669 jusqu’à ce que les premières plantations du sud-est asiatique, plus rentables, entrent en production. Autre souvenir de cette âge d’or : le Teatro Amazonas, un opéra à la décoration magnifique où se côtoient marbre de Carrare, miroirs de Venise ou encore marqueterie venue de France. Toujours aussi somptueux, l’édifice paraît aujourd’hui bien incongru planté au milieu de la ville trépidante, le long de l’Amazone sauvage.

Le commerce de l’or mou n’a plus cours depuis bien longtemps le long du rio Negro et dans le port de Manaus. Des centaines de bateaux colorés livrent désormais sur la jetée centraledes biens de première nécessité tandis que les paysans des environs, eux, échangent en retour leurs récoltes. Un trafic qui ne se compte pas en minutes, mais bien en heures et en jours pour les cultivateurs dont les champs se situent parfois à 5 heures de barque. Le voyage en bateau vers Belém – 1 700 km – nécessite quant à lui au moins 5 jours à l’aller et 7 jours pour le retour à contre-courant…

Autre endroit de commerce intense : la Feira Moderna, la halle aux poissons où l’on propose une variété d’espèces insoupçonnées sous nos latitudes et dont certaines, comme le pirarucu, atteignent facilement 100 kg. Dans un coin de la halle, un petit groupe d’hommes prépare un des ingrédients emblématiques de la cuisine amazonienne : le tucupi, un jus épais et jaunâtre extrait des racines du manioc puis bouilli de longues heures afin d’éliminer les composés cyanogènes toxiques de la plante. Il peut être utilisé comme jus de cuisson pour les viandes. Plus loin, place aux fruits et légumes. Une fois encore, la surprise est totale pour nous Européens car peu de ceux cultivés ici nous sont connus. Le visiteur averti reconnaîtra cependant quelques agrumes, courges et potirons, noix de coco, patates douces ou encore des piments, la plupart très relevés… Il sera au contraire surpris par certaines particularités végétales comme les grosses grappes colorées de pupunha, le fruit du pêche-paume, palmier local que l’on consomme cuit dans l’eau salée et que l’on transforme aussi en farine ou en huile.

On ne peut quitter Manaus sans prendre un petit bateau pour aller au large observer un phénomène naturel spectaculaire : la rencontre entre les eaux brunes du rio Solimÿes et celles, noires, du rio Negro. Durant plusieurs kilomètres, celles-ci se côtoient sans se fondre l’une dans l’autre. L’explication de ce phénomène repose sur la force du courant, l’acidité et la température de chaque eau, le rio Negro enregistre une température moyenne de 28 °C et coule à une vitesse de 2 km/h tandis que le rio Solimÿes affiche 22 °C pour un rythme de 4 à 6 km/h. Les eaux plus chaudes du rio Negro sont aussi plus acides que celles du Solimÿes, tout simplement parce que le bassin du premier se développe au nord du fleuve et irrigue des sols forestiers riches en humus, donc acides eux-mêmes. Avant de rentrer à Manaus, l’embarcation empruntera quelques petits bras de fleuve, pour vous faire admirer les immenses feuilles circulaires de la victoria d’Amazonie, une espèce de la famille des nymphéacées. Atteignant parfois 3 mètres de diamètre, elles flottent à la surface des eaux calmes pour composer des tableaux oniriques.

Carnet pratique en page 90.

PAR JEAN-PIERRE GABRIEL

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