Cela fait près de quarante ans que le Samouraï restitue la lettre et l’esprit de la gastronomie japonaise, avec précision et justesse. A l’occasion de l’ouverture d’un nouveau bar à ramen, toujours à Bruxelles, l’enseigne livre trois recettes en exclusivité.

La Galerie de la Monnaie est sans doute l’un des endroits les plus commercialement ingrats de notre capitale. Situé à deux pas de la rue Neuve, cet antre de pierre en forme de U végète à l’ombre de l’artère si chère au Monopoly.  » Les nouveaux magasins ne tiennent pas six mois « , commente Hugues Polart, l’un des deux associés actuels du Samouraï. C’est pourtant dans ce recoin oublié de la ville qu’en 1975, Teruo Sasaoka et Saito Harumi (photo) décident d’ouvrir l’un des premiers restaurants japonais de Bruxelles… dont le nom rend hommage au film Les Sept Samouraïs d’Akira Kurosawa. Ils ont alors peu de moyens mais partagent une vraie passion pour la gastronomie nippone. Dès le départ, les rôles sont clairement établis : Teruo s’occupera de la salle, tandis que Saito officiera derrière les fourneaux, lui qui est déjà passé par plusieurs établissements réputés à Bruxelles, comme la Maison du Boeuf ou la Maison du Cygne. Les débuts sont pénibles, l’engouement pour ce type de cuisine se limitant aux voyageurs, peu nombreux à l’époque, et aux quelques expatriés nostalgiques de la mère-patrie. Malgré l’adversité, le Samouraï va tenir le cap, s’appuyant sur une recette toute japonaise : fraîcheur irréprochable des produits, constance et modestie. Au fil des années, l’endroit va gagner ses lettres de noblesse. Pour beaucoup d’amateurs, c’est à n’en pas douter le  » meilleur japonais de Bruxelles « . Le plat culte ? Le Nasu-Den, soit une aubergine grillée nappée de sauce miso. Une tuerie à laquelle Marie Gillain, Alain Bashung ou Catherine Deneuve n’ont pas résisté, sans pour autant que Teruo Sasaoka n’en fasse la publicité. En 1994, Hugues Polart rejoint le tandem comme garçon de salle. Mi-japonais, mi-coréen, cet autodidacte amoureux de l’empire du Soleil levant possède le profil idéal pour monter à bord du sampan : il ne la ramène pas et a pour ambition ultime de satisfaire le client, soit deux vertus cardinales au Japon. Au fil du temps, Hugues Polart va se rendre indispensable, devenant le bras droit de Teruo Sasaoka. En 2012, lorsque ce dernier décide de retourner dans son pays natal pour une retraite bien méritée, la succession est toute tracée.

UNE AFFAIRE PÉRENNE

La force du Samouraï a été de traverser avec constance le désert et les périodes d’abondance. Hugues Polart explique :  » Le succès qu’a connu la cuisine japonaise à travers deux de ses facettes les plus spécifiques, le sushi et le sashimi, n’a pas été un cadeau pour nous. Quand tout le monde fait du poisson cru, le risque est de provoquer la lassitude – c’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer – mais également de dénaturer l’approche. Au Japon, le sushi est un repas de fête, pour les chefs consciencieux, il est inconcevable qu’il se déguste autrement que lorsqu’il vient d’être préparé.  » Raison pour laquelle le Samouraï n’a jamais proposé et ne proposera jamais ses sushis en version à emporter.

Ce n’est d’ailleurs pas son seul principe. Ainsi, pour l’amateur qui désire accéder au menu Omakasé, l’équivalent d’une formule  » Je me laisse faire  » à la faveur d’un repas 8 services reposant sur la créativité du chef…  » Chez nous, on ne peut commander un Omakasé que si l’on a déjà testé le menu Kaiseki qui repose sur le même principe, si ce n’est que la liste des mets est préétablie. Il y a là un véritable cheminement. Ce n’est qu’à partir du moment où l’on connaît le style d’un chef que l’on est en droit de découvrir son talent d’improvisation… « , détaille le boss.

Avec le succès, une autre tentation a consisté à résister à l’appel des sirènes.  » De nombreux hommes d’affaires séduits par notre approche nous ont demandé de nous lancer dans l’aventure avec eux par le biais d’un immeuble possédé à Londres ou à New York. Nous avons invariablement refusé : nous préférons un petit chez nous qu’un grand ailleurs. Ce n’est ni le développement, ni l’innovation qui nous intéressent mais bien la régularité « , commente Hugues Polart.

ET DE DEUX

Est-ce pour autant que le Samouraï est à jamais gravé dans le marbre ? Non, il vient de le prouver en faisant place au Samouraï Ramen, un bar à ramen japonais inauguré dans la plus grande discrétion en décembre dernier, dans le même périmètre que le restaurant initial. Ramen ? Il s’agit d’un mets japonais constitué de pâtes dans un bouillon auquel on ajoute des condiments. Pour les puristes, on signalera que  » ramen  » se prononce en fait  » lamen « , le son  » r  » n’existant pas en langue japonaise. La version du Samouraï se décline sur une base de trois bouillons différents : miso (des graines de soja fermentées), shoyu (sauce soja) et tonkotsu (os de porc). Après avoir choisi son type de bouillon, on peut y ajouter des garnitures : rôti de porc cuit à la japonaise, scampis panés, beignets de pintade ou gyôza (raviolis japonais). Sans oublier le fameux tamago, un oeuf cuit 7 minutes dans le vinaigre, écalé et mariné dans le sucre et la sauce soja pendant 24 heures.

 » Comme il s’agit de l’image du Samouraï, nous mettons un point d’honneur à n’utiliser que des matières premières de grande qualité et surtout à ce qu’un énorme travail se cache derrière ces bouillons d’apparence simple, insiste Hugues Polart. Chacun d’entre eux nous prend une journée de travail. Nous confectionnons également les pâtes nous-mêmes et les garnitures sont préparées minute.  » Pour ce faire, Saito Harumi, le chef, a livré à son second, Duc Bang Ve, les arcanes du ramen. C’est ce dernier qui est en charge au quotidien du nouvel espace dédié à ce bouillon typique.

 » A la place du Samouraï Ramen se trouvait une sandwicherie qui marchait bien de par le fait que de nombreux bureaux sont situés dans le coin, raconte Hugues Polart. Les gens faisaient la queue pour y prendre leur déjeuner. En la rachetant, nous avons voulu transposer cette offre selon les codes japonais de la restauration rapide. Si l’on se trouvait à Tokyo, on y ferait un bar à ramen. Notre idée est de restaurer un grand nombre de personnes de façon efficace et accessible financièrement. Et notre ambition est qu’un jour, les gens fassent également la file, comme c’est le cas dans les meilleures adresses de la capitale japonaise, là où 3 ou 4 cuisiniers envoient jusqu’à 3 000 bols par jour.  »

Actuellement, ce concept de  » fast good  » à la japonaise prend place sur deux étages et dispose d’une trentaine de couverts. Sur la vitrine, un logo – deux plumes de paons – inspiré par le blason d’une famille de samouraïs. Le tout sans états d’âme –  » Bonjour, mangez, au revoir et merci « , comme le résume Hugues Polart -, dans un décor contemporain fonctionnel qu’éclairent des luminaires Katatsumuri signés par Issey Miyake.

Samouraï et Samouraï Ramen, 28b et 28a, rue du Fossé aux Loups, à 1000 Bruxelles. Tél. : 02 217 56 39. www.samourai-bruxelles.be

PAR MICHEL VERLINDEN / PHOTOS : FRÉDÉRIC RAEVENS

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