Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

(1)  » Le Poids des apparences « , éd.Odile Jacob. (2)  » Jusque-là, tout allait bien en Amérique « , éd. de L’Olivier. (3)  » Maigrir, c’est dans la tête « , éd. Odile Jacob. (4)  » La Tête en bas « , éd. du Seuil.

On ne prête qu’aux beaux. C’est pas juste… mais c’est ainsi. A l’école, déjà, les petits au minois craquants sont les chouchous de la maîtresse. Plus tard, au coeur de l’entreprise, les mignonnes perchées sur des talons aiguilles ou les mâles aux allures de Gérard Lanvin mâtiné d’un zeste de George Clooney grimperont plus vite et plus haut que les moches qui n’ont pas la cote. C’est du moins ce que révèlent différentes enquêtes réalisées en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne et aux Etats-Unis et publiées dans les revues scientifiques les plus pointues comme  » Nature « . Une tendance confirmée par le sociologue français Jean-François Amadieu.  » Aux Etats-Unis, une belle apparence peut donner l’équivalent, en salaire, d’une année et demie d’études supérieures « , note-t-il (1). Résultat, comme le rapporte l’écrivain Jean-Paul Dubois (2),  » une femme sur deux, outre-Atlantique est terrorisée par la vieillesse « . Le corps en parure? Derrière les mensurations, cherchez la femme… ou désormais aussi l’homme. On bricole son corps pour bricoler son identité, en se soumettant au scalpel bien effilé de la chirurgie. Histoire de mieux se couler dans les voies impénétrables des nouveaux canons esthétiques. Ou peut aussi se consoler en se répétant que trop de beauté peut nuire et ne rend pas nécessairement heureux.  » De tout temps, la beauté a été ressentie par certains comme une secrète insulte « , soulignait le compositeur Claude Debussy. Elle fait peur aux personnes dites normales et attire, selon le psychiatre Gérard Apfeldorfer, les manipulateurs (3). Il n’empêche. Mieux vaut se montrer lucide. Tout au fond de nous, nous savons que nous sommes bien davantage que ce dont nous avons l’air. Mais en ignorant la discrimination liée à l’apparence, en la sous-estimant, nous nous berçons d’illusions. Certes, accepter la dictature de l’image est la pire des soumissions. Mais en prendre conscience, c’est aussi la combattre, voir différemment pour laisser primer d’autres qualités. Comme le recommande avec finesse et intelligence l’écrivain Noëlle Châtelet:  » C’est accepter la non-conformité, la compassion, un regard d’amour sur l’altérité dérangeante  » (4).

Christine Laurent

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