Le costume classique de plus en plus raffiné reste le pilier de la garde-robe masculine. Mais les codes du sport s’infiltrent partout. Le pantalon en cuir et le manteau oversized s’imposent comme les must-haves de la saison.

SURVÊT’ DE LUXE

Preuve que la frontière entre loisirs et travail devient de plus en plus ténue, le sportswear ne reste plus cantonné à la salle de gym et dicte les règles du jeu dans les pièces majeures du vestiaire masculin. Les pantalons, chez Bottega Veneta ou chez Neil Barrett notamment, se resserrent à la cheville façon jogging. Les pulls en laine courts et larges à cols ras se profilent comme des sweatshirts premium. La palme du détournement revenant toutefois à Riccardo Tisci, qui n’hésite pas à mettre à la sauce Givenchy tous les attributs stylistiques des basketteurs – casquette, longs tee-shirts sans manches, sweats et sneakers – mixés avec des pièces plus tailoring, comme des costumes et des manteaux en laine foncés.

DE L’ART À REVENDRE

Les collaborations entre la mode et l’art sont devenues monnaie courante. Longtemps confinées à la mode féminine, ces rencontres se produisent désormais aussi chez les hommes. Ainsi, le couturier belge Raf Simons s’est associé à son ami de longue date, l’artiste Sterling Ruby, avec lequel il avait déjà collaboré par le passé, l’Américain ayant notamment aménagé la boutique du styliste à Tokyo, avant de créer pour lui des imprimés. Cette fois, les deux complices ont cosigné un vestiaire complet où se mêlent à la fois des coupes assez classiques et des imprimés violemment colorés, la surprise provenant aussi de collages de photos plaqués sur les manteaux portés avec des pantalons près du corps et des bottines aux volumes disproportionnés. Alors que le duo néerlandais Viktor & Rolf poursuit cette saison encore sa collaboration avec l’illustrateur Piet Paris, le jeune créateur français Julien David s’est quant à lui acoquiné avec l’artiste et réalisateur new-yorkais Antoine Wagner. Sur le catwalk, cela s’est traduit par une silhouette à la fois streetwear et rangée des voitures, pour jeunes urbains en quête de ces  » classiques  » que sont aujourd’hui les chemises en jeans, les parkas et les longs manteaux bien coupés.

PRISON BREAK

Alors que les jumeaux canadiens Dean et Dan Caten, fondateurs de la griffe Dsquared2, avaient choisi de faire franchir à leurs mannequins les portes d’un pénitencier imaginaire, le spectre d’un séjour en tôle autrement musclé planait aussi au-dessus de la scénographie du défilé de Givenchy. Riccardo Tisci, directeur artistique de la maison française, s’est dit inspiré par les gangs des cités pour justifier le choix de ce terrain de basket grillagé tout autour duquel s’installaient les invités, les modèles eux – à l’exception notable de la muse du créateur, Mariacarla Boscono – défilant tous le visage recouvert d’un filet noir. Chez Prada aussi, il fallait accepter de se laisser enfermer dans une cage monumentale et même de prendre place dans des fosses d’orchestre, du fond desquelles on pouvait voir passer les mannequins en contrechamp.

CLÉMENT QUI ?

Attention les yeux ! A 24 ans, Clément Chabernaud, surpris ici dans les backstages de Gucci, est désormais de tous les défilés qui comptent. S’il fait ce métier depuis huit ans déjà, sa carrière semble avoir pris un nouveau tournant après une apparition dans un clip de Sébastien Tellier, aux côtés d’Anna Mouglalis, et un shooting torride pour V Magazine le présentant comme le toy boy d’une Cindy Crawford au meilleur de sa forme. L’hiver dernier, le mannequin français était aussi l’un des visages de la campagne Isabel Marant pour H&M. Depuis, Clément est partout, à se demander s’il ne pourrait pas devenir un jour l’équivalent masculin d’une Cara Delevingne ou d’une Kate Moss.

COMFORT ZONE

Vestiges portables de la tendance sleepwear de la saison dernière, les maxi-cardigans en mohair, aperçus entre autres chez Giorgio Armani et chez Canali, confirment l’émergence d’une mode réconfortante qui propose avant tout des pièces classiques dans lesquelles il fait bon vivre. Par-ci, par-là, on a même vu surgir des capes, des ponchos, voire de longues couvertures jetées sur les épaules chez Missoni. La préférence est clairement donnée aux matières nobles et douces comme le velours, la laine, le feutre ou le cachemire. Dans le même esprit, en marge d’une palette extrêmement sobre privilégiant les bleus et les gris, apparaissent aussi quelques touches tendres de rose pastel.

FORMELLEMENT DÉSIRABLES

En s’emparant du costume comme jamais jusqu’ici, Kris Van Assche, à la tête de Dior Homme, a réussi l’exploit de rendre ce qui en apparence pourrait paraître ennuyeux éminemment désirable. Tout ici se joue dans le détail. Les rayures se déclinent à l’infini, tantôt fines, tantôt larges, tantôt asymétriques. Mais surtout, on retrouve, subtilement distillés, tous les codes de la maison Dior : les étoiles, les pièces de monnaie, les roses – au graphisme retravaillé -, sans oublier le muguet porte-bonheur brodé sur la veste. Un jeu de trompe-l’oeil que l’on a pu apprécier aussi chez Kenzo, où les deux créateurs Humberto Leon et Carol Lim n’ont pas hésité, pour rajeunir le complet gris, à raccourcir la veste. L’une des tendances majeures de la saison.

DU POIL DE LA BÊTE

Décomplexée, la fourrure, restée longtemps l’apanage des vestiaires féminins, s’impose comme l’une des tendances lourdes de l’automne prochain, squattant les cols et les doublures des manteaux, les toques et les gants pour apporter un je-ne-sais-quoi de fantaisie à des collections qui, dans leur ensemble, ont plutôt brillé par leur simplicité et leur sobriété. Issue de vraies peaux de lapins, marmottes ou vison comme chez Fendi, qui avait même recouvert son podium d’un tapis en longs poils noirs de chèvre, elle joue aussi la carte de l’imitation pour contrer les défenseurs de la cause animale, notamment chez Emporio Armani où un manteau en laine prenait des allures d’astrakan.

L’AFFAIRE EST DANS LE SAC

Conscients de la force de frappe de l’accessoire dès que l’on parle de chiffre d’affaires, les créateurs n’hésitent pas à mettre des sacs plein le dos et/ou les mains de leurs mannequins, en caressant l’espoir secret que l’un d’entre eux devienne un it bag universel. S’il existe des modèles mixtes – le Keepall de Vuitton en est le parfait exemple -, on n’avait à ce jour jamais entendu parler d’un sac féminin qui se rêverait tout à coup best-seller du rayon homme. Lancé en 2008 et aussitôt devenu iconique, le Peekaboo de Fendi était pourtant l’invité surprise du défilé automne-hiver 14-15 de la célèbre maison romaine, volant presque la vedette aux vestes en cuir et autres manteaux de fourrure. Plus grand que la version féminine, ce nouveau design peut lui aussi se porter ouvert ou fermé – avec en prime un fermoir plus discret -, sa poignée s’inspirant de celle des sacs de médecins. Côté couleurs, Fendi mise sur la sobriété en choisissant des nuances de gris, de noir et de bleu, même s’il existe aussi des versions croco plus bling. Aujourd’hui, difficile de parier sur le fait que l’on verra ou non beaucoup de Peekaboo aux mains des hommes. En revanche, il pourrait bel et bien séduire les femmes par la sobriété de sa ligne et sa taille XXL.

LES LONGS MANTEAUX

S’il ne fallait investir que dans une pièce forte l’hiver prochain, ce serait bien celle-là. Qu’il soit ceinturé à la taille comme un peignoir, large de carrure et oversized, uni ou à motif, de couleur sobre ou vive, le manteau est devenu le terrain de jeu de tous les créateurs, bien décidés à le revisiter sans que celui qui le porte n’aie pour autant l’air déguisé.

CUIR À GOGO

Qu’il soit en peau de vache véritable ou en Skaï, le pantalon en cuir ou assimilé, présent aussi bien dans les grandes maisons comme Gucci, Fendi ou Hermès que chez les jeunes créateurs comme Cedric Jacquemyn, Phillip Lim ou Juun.J, sera la pièce pointue à apprivoiser l’hiver prochain. Pour ne pas tomber dans le piège de l’interprétation trop textuelle à la Village People, on l’associera plutôt à un pull en cachemire, de préférence à col roulé – l’autre must-have de la saison – et à un caban de marin.

COW-BOY VERSUS INDIEN

Aux mauvaises langues qui affirment que les défilés Homme n’ont jamais le panache des shows féminins, on ne pourra que conseiller un petit détour par la case Philipp Plein. Dans un décor de saloon conçu et réalisé par l’architecte gantois Glenn Sestig, des cow-boys tatoués, précédés sur le podium par deux cavaliers se tirant dessus à bout portant, arboraient finalement l’une des collections les plus sobres du créateur allemand, où jeans et cuir se taillaient la part du lion. Face à une certaine idée du far west, évoquée aussi chez Versace même si ces cow-boys-là avaient davantage des airs de motards que de pionniers, les hauts chapeaux noirs chez Les Hommes, les couvertures posées sur les épaules des mannequins de Burberry Prorsum, conjuguées aux images de désert californien qui accompagnaient le retour aux affaires de Roberto Cavalli, suffisaient pour nous assurer que, dans la guerre des looks, l’allure Navajo chic était prête à contre-attaquer.

SOME PEOPLE ARE PEOPLE

Qui dit Fashion Week dit forcément présence front row de superstars. Certaines d’entre elles étant plus génératrices de buzz que d’autres, la palme revenait incontestablement cette saison à l’acteur américain Will Smith, repéré chez Dior, Louis Vuitton et Berluti (trois marques du groupe LVMH) mais aussi chez Valentino et Lanvin. Chez Gucci, c’est Alain-Fabien Delon, le cadet du comédien français, qui a fait crépiter les flashs en montant sur le catwalk vêtu d’un smoking à revers en cuir et d’un pull à col roulé noir. Chez Cerruti, le parterre était résolument bobo puisque s’y côtoyaient Lambert Wilson, Thomas Dutronc et Vincent Perez, alors que Sylvie Testud se faisait discrète chez Agnès b. mais pas autant toutefois que Wes Anderson et Kanye West chez A.P.C.

UN CHÂTEAU EN ITALIE

Si le décor moyenâgeux pouvait laisser penser, à première vue, que Domenico Dolce et Stefano Gabbana s’étaient enfin décidés à chercher l’inspiration ailleurs que dans leur Sicile natale, c’est pourtant un des épisodes de son histoire mouvementée – l’invasion des Normands en 1061 – que l’on retrouvait en toile de fond de cette collection dans laquelle cagoules et pull-overs avaient des petits airs de cottes de maille. Du côté des imprimés, toujours très présents chez les deux créateurs, les références à l’architecture normande, via ses églises et ses cathédrales, apparaissaient jusque sur les vestes de costumes. Une armée de chevaliers au service de sa majesté la mode.

PAR ISABELLE WILLOT

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