A Melin, dans le Brabant wallon, Eric le HardY de Beaulieu a doté sa ferme du XVIIe siècle de tous les atouts d’une belle demeure de plaisance. Découvrez tous les charmes de la Cense du Seigneur.

Carnet d’adresses en page 71.

Comme en témoigne le corps de logis principal, daté du xviie siècle, la propriété devait, en ces temps-là, appartenir à un notable, sans doute un personnage clé dans la région, puisque le lieu-dit a conservé le nom de Cense du Seigneur. Et c’est dans le cadre merveilleux de cette ancienne ferme en carré du Brabant wallon, que le paysagiste Eric le Hardÿ aménage patiemment son petit royaume depuis vingt ans.

En pénétrant dans la cour intérieure pavée, on est immédiatement envoûté par la pureté de l’édifice, situé juste à côté de l’église de Melin. Sa beauté lui vient de la pierre de Gobertange, un matériau noble extrait d’une carrière située à deux kilomètres à vol d’oiseau. Un constat s’impose cependant : la notion de construction au carré pour mieux se protéger et sauvegarder l’intégrité de ses biens, a ici perdu une partie de son sens.  » Effectivement, précise Eric le Hardÿ. Les précédents propriétaires ont été contraints d’abattre le quatrième côté, constitué d’anciennes étables qui menaçaient ruine. Dans la foulée, ils ont aussi supprimé quelques annexes peu esthétiques ; d’anciennes porcheries, par exemple. Mais ils ont eu la bonne idée de conserver en partie certains murs. Ce qui m’a permis de créer une différence de niveau. Il m’a suffit d’adjoindre un escalier en pierres pour assurer une communication avec l’espace qui est devenu aujourd’hui une terrasse d’agrément.  »

Effectivement, celui qui emprunte ces quelques marches est immédiatement séduit par le spectacle qui s’offre à lui. Il dispose à la fois d’une vue  » élevée  » qui permet d’embrasser la superbe cour et son centre planté de broderies de buis, et d’une vue  » ouverte  » sur le paysage du Brabant wallon et ses douces ondulations.

 » Les plantes constituent la partie ultime de la création d’un jardin, souligne Eric le Hardÿ, reconnu pour la qualité de ses borders de vivaces. D’abord, il faut raisonner en termes de structures, d’axes, de vues, décider de ce que l’on veut mettre en évidence ou mettre à l’abri des regards.  » Les axes de son jardin ont été superbement mis en valeur. Ils ne sont, toutefois, que deux et perpendiculaires.  » Le premier s’est imposé naturellement par deux éléments existants : le clocher de l’église et le porche d’entrée monumental de la ferme, explique Eric le Hardÿ. J’ai donc décidé de tracer une allée, ponctuée par un troisième point, la grille qui conduit aux parties inférieures, puis à la prairie pâturée, jusqu’à la limite de la propriété, l’ancienne mare devenue étang.  » Pour accentuer l’effet majestueux de cette grille et bien souligner la différence de niveau, le paysagiste a dessiné un escalier en moellons d’une dizaine de marches dont l’embase semi-circulaire s’amplifie au fil de la descente. Il s’agit d’un modèle emprunté à la Renaissance italienne, référence à la Renaissance flamande, période durant laquelle fut construit l’édifice principal.

Au bas de l’escalier naît le second axe. Côté grange, il mène à un gazebo (pavillon de jardin) en charme. En empruntant son parcours sur quelques dizaines de mètres, on croise tour à tour une roseraie, un jardin d’annuelles émaillé de quelques topiaires, des parterres de vivaces… avant de rejoindre le poulailler au toit de terre, devenu tapis de verdure.

Mais ces belles structures permanentes ne suffisent pas au bonheur de Eric le Hardÿ. Chaque année, il crée donc de toutes pièces un jardin qui ne dure que le temps de l’été : un potager décoratif, mélange de fleurs et de légumes. Les seuls éléments permanents sont deux grosses boules, deux buissons de Choisya, l’un du cultivar  » Aztec Pearl  » et l’autre, au feuillage doré, Choisya ternata  » Sundance « . Ils sont ici bien protégés des vents d’hiver qui pourraient leur causer des dégâts.  » Pour le reste, je change chaque année de plan, souligne Eric le Hardÿ. J’effectue mes semis en caissettes et, au gré de leur réussite, je vais utiliser davantage certaines plantes. La canicule de l’été dernier m’a par exemple offert des résultats spectaculaires avec le ricin.  »

Mais la Cense du Seigneur recèle d’autres merveilles encore. Dans un autre potager se dresse une serre horticole flanquée de deux grands arbustes d’Acer negundo  » Flamingo « , formant de spectaculaires boules claires. A l’entrée de l’été, les rosiers lianes envahissent les arbres fruitiers.  » J’en ai utilisé une quantité, dont les plus connus :  » Kiftsgate « ,  » Wedding Day « ,  » Seagull « ,  » Bobbie James « … Cela donne un côté un peu fou au jardin. Et puis, on jouit de deux floraisons sur un même arbre, la sienne au printemps et celle des rosiers, deux mois plus tard. Je ne nierai pas toutefois que toutes ces tiges et leurs épines posent quelques inconvénients lors de la récolte des fruits.  »

Près de la piscine, on remarque un petit canal. Dans l’eau s’épanouit une abondante végétation, dont des nénuphars. Mais c’est son liseré qui accroche le regard : il est composé d’une belle combinaison de formes rondes en terre cuite et de boules similaires en buis taillé.  » J’ai, bien entendu, emprunté cette idée à l’Italie, qui m’a beaucoup inspiré, ici comme dans la cour, confie Eric le Hardÿ. Vous savez, on n’invente rien. Chacun effectue sa récolte personnelle, consciente et inconsciente. Puis vient le temps de la composition.  »

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

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