Délavées, recolorées et agrémentées d’une flopée de broderies et de perles, nos vieilles fripes usées s’offrent de nouvelles vies textiles. Mieux, ces pièces d’époque passionnent et inspirent nos créateurs belges avec ce petit air de déjà-vu qui font tout leur charme.

Carnet d’adresses en page 166.

Renouveler l’ancien et vieillir le neuf. Récupérer pour recréer. Que ce soit les jeans déjà usés, les manches effilochées ou encore les sacs qui semblent tout droit sortis du grenier de grand-mère, le passé est au goût du jour. Dans une société de consommation placée sous le règne de la nouveauté, la tendance use et abuse du désir de retrouver des matières d’autrefois, de renouer avec le tendre plaisir de la nostalgie. Mais bien plus qu’une mode, le vintage est avant tout un état d’esprit, une façon d’être résolument moderne.

Si les marques vintage possèdent chacune leur univers et cultivent leur propre  » way of life « , elles s’inscrivent toutes cependant dans une logique de recyclage. Qu’il s’agisse de vêtements d’époque retravaillés et customisés ou des matières modernes taillées dans des modèles d’autrefois, le concept, sorte de trait d’union entre le passé et le présent, se décline en une infinité de possibilités.

Première cible : les stocks américains, véritables cavernes d’Ali Baba pour les mordus de vieilles fripes. Les sacs et les vestes de l’armée sont en effet particulièrement propices à la mutation.  » Ce sont les premiers vêtements et accessoires que j’ai utilisés parce que leurs coupes et leurs matières sont vraiment bien fichues, explique Sandra Wauquaire, ancienne styliste pour Les Zèles du désir, qui inaugure aujourd’hui sa propre marque, La Fille en question. Ils se transforment et se réinterprètent facilement.  » Edwidge Debeule, créatrice de  » Guapissima « , une autre marque belge labellisée vintage, a également fait de ses produits, un objet de prédilection.  » J’ai toujours adoré les sacs de l’armée parce qu’ils possèdent un aspect intemporel en décalage par rapport à la mode, avoue-t-elle. Ils ne sont pas conçus dans un but esthétique mais bien pour leurs capacités fonctionnelles et pratiques. Ce sont vraiment des matières imbattables qu’on retrouve dans les sacs d’aujourd’hui. En fait, ce qui rend ce type de création passionnante, c’est le plaisir que procure justement la découverte d’un simple morceau de tissu, d’un laçage ou d’une pièce de dentelle d’époque. Et puis se lever tôt pour aller aux puces, pouvoir chiner et acheter au coup de c£ur, c’est un véritable bonheur !  »

Ancienne décoratrice de décors pour le cinéma, Edwidge Debeule a toujours eu l’amour du  » chipotage « . Elle rafistole et rapièce sacs, vestes, ceintures et bijoux en assemblant bout à bout étoffes, cuirs et vieilles  » breloques « .  » J’aime les modèles que l’on peut porter en toutes circonstances et durant toute l’année, poursuit-elle, car on a toujours besoin d’une veste, d’un sac ou d’une ceinture ! Mais comme je travaille à l’intuition, je ne sais jamais à l’avance ce que cela va donner. C’est en faisant et défaisant que je fini par tomber sur la bonne combinaison.  » La créatrice de La Fille en question, Sandra Wauquaire, partage le même enthousiasme pour les matières d’antan.  » Je suis comme un animal lorsque je peux entrer dans un conteneur remplis de bric-à-brac ! s’exclame-t-elle. Le fait de pouvoir toucher, fouiller et dénicher la perle rare est pour moi, une véritable émotion.  » Déjà lorsqu’elle fabriquait des costumes pour le théâtre, Sandra aimait travailler les vieilles pièces pour les transformer au gré des représentations. Depuis, elle revisite, dans son  » laboratoire de la récup  » ( sic), vestes et pantalons de l’armée, jupes et jupons d’époque, sacs et accessoires en tout genre. Elle partage également aujourd’hui son expérience dans un atelier de customisation, aux Galeries Lafayette à Paris, où elle divulgue ses trucs et ficelles pour rafistoler soi-même ses anciens vêtements.  » Il existe un engouement extraordinaire pour cette pratique, affirme la jeune femme. Pour certaines personnes, c’est même une sorte de thérapie, car travailler de ses mains et confectionner quelque chose de personnel permet de faire le vide et de se relaxer après une journée stressante.  »

C’est avec un souci davantage écologique que Michaël Glupczynski, créateur du label belge R-Cycle, s’est lancé lui aussi dans la production vintage.  » Aujourd’hui, la société doit faire face à une énorme pollution textile, déclare-t-il. C’est un problème dont on ne parle jamais, mais il existe des entrepôts entiers de vêtements dont on ne sait pas quoi faire et qui pourrissent sur place. C’est devant un tel constat que j’ai entamé cette démarche de recyclage.  » Le vintage exploite, il est vrai, des ressources de matières premières quasiment inépuisables.  » Les vêtements collectés par différents organismes pour les pays défavorisés sont acheminés vers des centres de tri, enchaîne Michaël. La marchandise est en réalité revendue au poids à des fripiers parce que la plupart des pays d’Afrique et d’Asie en ont simplement marre d’être la poubelle de l’Occident ! Et c’est précisément dans ces centres de tri que nous nous approvisionnons. On y trouve tout ce que l’on veut et dans des quantités importantes. Il y a vraiment de quoi faire le plein d’inspiration !  »

Outre les traditionnelles vestes et combinaisons de l’armée, Michaël fait ainsi revivre d’authentiques kimonos japonais, de vieilles étoffes confectionnées pour de grandes maisons de haute couture ou encore les célèbres polos Lacoste qui renouent, grâce à quelques broderies, avec la mode vintage. Refabriquées en Pologne, toutes les pièces de R-Cycle sont faites à la main et traitées de manière écologique.  » Même si nous nous situons dans une démarche commerciale, nous mettons un point d’honneur à respecter les valeurs du travail et nous veillons à payer honnêtement nos employés, conclut Michaël. Produire en Pologne, c’est évidemment une manière de faire des économies mais nous profitons également d’un savoir-faire extraordinaire qui a complètement disparu en Belgique.  »

Autre représentant de la vintage attitude, Sissi Kolins a, elle aussi, choisi de remonter le temps, même si sa démarche est tout à fait  » contraire « . Utilisant des matières d’aujourd’hui, elle réplique en effet des modèles d’autrefois. Produite en série en Extrême-Orient, la marque belge  » Sissi Ko  » peut donc se permettre de s’aligner sur les dernières tendances de la mode et de vendre ses modèles à un prix accessible à tous.  » Je ne fais ni du Prada ni du H&M, déclare d’emblée la créatrice. J’ai toujours aimé les influences gipsy, bohème-chic ou ethniques. Je crée dès lors des modèles qui tentent de mélanger l’autrefois et l’ailleurs.  » Jouant sur l’harmonie des couleurs, Sissi Kolins propose des total look qui comportent jupes, pulls, tops et une panoplie de sacs, besaces ou pochettes à assortir selon l’humeur du moment. Tapisseries, froufrous, broderies, pierres et perles s’affichent sans modération, rendant à ses pièces modernes un petit cachet d’autrefois.  » Je m’amuse beaucoup à combiner les époques et les influences, avoue la créatrice. Mais jouer sur les cycles de la mode n’est absolument pas un phénomène nouveau ! De tout temps, on s’est toujours inspiré du passé. C’est bien connu : la mode est un éternel recommencement.  » Une façon d’être vintage sans en avoir l’air…

Myriam Banaï

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