Catherine Pleeck

C’est l’histoire d’une belle endormie. D’une maison de haute cou-ture disparue juste avant la Seconde Guerre mondiale, et réveillée en douceur dans les années 2000. Après un premier soubresaut en 2006, sous les doigts de la créatrice Sophia Kokosalaki, Vionnet renaît véritablement de ses cendres, ce printemps-été 2010. Une collection tout en drapés et asymétries. Des couleurs primaires, de la soie, des volants, des robes foulards, des constructions sans détails superflusà Pour des silhouettes qui prennent vie une fois le vêtement moulé sur le corps. Parfaitement en phase avec l’esprit de Madeleine Vionnet.

Quand une femme sourit, sa robe doit sourire aussi. Ainsi s’exprimait la créatrice, née en 1876 et décédée en 1975. D’après elle, un vêtement doit s’adapter à la personnalité de celle qui le porte, épouser son corps, faire écho à ses mouvements. En ouvrant sa maison en 1912, Madeleine Vionnet et ses robes à la grecque, ses coupes en biais et ses drapés révolutionnent la mode. Tout est dans le dépouillement, l’épure, la simplicité. Ce n’est pas pour rien qu’on la surnomme la géomètre, la conceptuelle : selon elle, une robe se conçoit d’abord mentalement. Et ce n’est que lorsqu’elle l’a achevée en rêve qu’elle prend sa poupée en bois de 80 centimètres, pour laisser ses mains traduire sa pensée, avec une précision redoutable.

La reine du biais. On dit souvent que Madeleine Vionnet a inventé le travail du biais. Si la technique existait déjà bien avant elle, elle était cantonnée aux cols, bas de manches et garnitures. Là où la créatrice innove, c’est en étendant cette idée à la robe tout entière. Elle joue avec les trois sens du tissu (la chaîne, la trame et le biais), pour en exploiter toutes les possibilités. D’un monde en deux dimensions, fait d’un haut et d’un bas, d’un devant et d’un derrière, on passe à une structure souple et fluide, qui épouse et s’adapte au corps de la femme. Une découverte qui a changé la face de la couture, et que l’on compare souvent à celle des cubistes en peinture.

Trois Italiens, une Française. Madeleine Vionnet a fait carrière à Paris. Ce n’est pas le cas des trois hommes qui se cachent derrière le renouveau de cette grande maison. Des Transalpins pur souche. Matteo Marzotto (businessman ayant sorti Valentino du rouge, par ailleurs ex de Naomi Campbell) rachète la griffe en février 2009. Il demande à son ami Gianni Castiglioni (mari de la créatrice de Marni) de prendre en main le développement stratégique, tandis que Rodolfo Paglialunga, ancien de Romeo Gigli et Prada, est en charge du côté créatif. Un résultat qui séduit déjà plusieurs stars adeptes des tapis rouges.

Catherine Pleeck

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