Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

(*)  » Déshabillez-moi. Psychanalyse des comportements vestimentaires « , éd. Hachette Littératures.

Bas résille, talons hauts… jeans, baskets. Deux images pour une même femme. Deux univers pour une seule silhouette. Mais qui en disent long. Provoquer ou camoufler ? La question est loin d’être futile. Au contraire. Du moins si l’on en croit les psychiatres et psychanalystes Catherine Joubert et Sarah Stern, qui ont retourné notre garde-robe sous toutes les coutures et pointé nos faux plis (*). Pour elles, pas de doute possible : la mode révèle bel et bien  » les mouvements intimes et méconnus des désirs des femmes « .

Voilé-dévoilé.  » Le vêtement exprime si l’on est dans une dynamique de cacher ou de montrer. Les vêtements passe-partout trahissent un désir de se planquer. Les vêtements voyants, un désir d’être aimé « , expliquent-elles. On en fait trop peu ? Notre modestie nous trahit. On en fait trop ? Tapie dans l’ombre… maman ! :  » Accorder trop d’importance à sa tenue dissimule une faille narcissique qui peut venir de la toute petite enfance, des premiers regards que notre mère a portés sur nous, par exemple « , épinglent nos deux psys. Frissons garantis. Mais au-delà des mystérieux ressorts psychologiques, l’habit se mue, aussi, en véritable marqueur social. Impossible d’avancer masqué. Car il livre sans ambiguïté l’appartenance à un milieu. Véritable seconde peau, il en dit vraiment beaucoup. Y compris le mal fagoté, le débraillé, tout aussi cousus de fil blanc. Enfin, ne protège-t-il pas à la fois notre espace intime, tout en ouvrant sur l’espace relationnel, traçant ainsi une frontière ténue entre nous et le monde ?

Mieux.  » La manière de se vêtir est à la fois un choix personnel et surdéterminé. Elle indique la marge de liberté de l’individu par rapport aux siens, à sa famille, à ses pairs, à ses relations sociales « , poursuivent les psys. Mais l’habit ne fait pas pour autant le tout moi. Car la personnalité sociale, toute de froufrous vêtue, n’est qu’un leurre, une modeste parcelle de nous à décortiquer au-delà des apparences. L’être est complexe. C’est bien pourquoi, affirment nos psys, pour vivre heureux, changeons régulièrement de look ! Adieu donc l’uniforme, vive la multiplication des styles, du plus accrocheur au plus singulier ! Un jeu inattendu de cache-cache, et un signe de bonne santé. Un jour femme fatale, le lendemain poupée russe, le troisième néo-britchic, le quatrième Petit Bateau… De quoi déboussoler, même les plus perspicaces. Mais qu’importe ! L’habit fait l’ivresse. Pile-poil dans l’egowear, avec gain narcissique immédiat.

Mais attention aux abus ! D’accessoires, par exemple. En overdose, il paraît que nos bijoux, nos sacs, nos chaussures ne prouvent pas une coquetterie très fashion victim, mais bien un esprit conquérant doublé d’un désir de toute-puissance. A afficher donc avec discernement.

Christine Laurent

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