L’huile d’olive, une denrée ancestrale à déguster comme un bon vin

© HEIKKI VERDURME
Bruno Vanspauwen Journaliste

Celle qu’on surnomme parfois l’or liquide a de nombreux points communs avec le vin, à commencer par ses régions d’origine, là où le climat est propice à la vigne et aux oliviers… mais aussi son mode de dégustation.

Habituellement, l’huile d’olive se déguste dans de petites cuillères, mais les connaisseurs prétendent que le verre permet d’en exacerber les arômes, les goûts et la texture. « Il faut idéalement qu’il soit coloré, souvent bleu foncé et de forme différente que celui où l’on sert le vin », précise Wilma van Grinsven-Padberg, qui y voit néanmoins un lien avec la dégustation du jus de treille, qui se fait aussi dans des contenants foncés, voire noirs, afin de ne pas se laisser influencer par la robe. Cette Néerlandaise, titulaire d’un diplôme de sommelière en huile d’olive, est copropriétaire de la chaîne Oil & Vinegar. Après une solide formation de quatre ans, elle est également devenue goûteuse professionnelle. Lorsqu’elle expérimente une nouvelle huile, tout comme les oenologues, elle aspire de l’air afin de mieux distinguer toutes les nuances du liquide.

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Une même histoire

Les points communs entre le vin et l’huile d’olive commencent avec leur origine. « Le plus vieil olivier du monde se trouve en Crète. Personne ne connaît son âge exact, mais on l’estime à environ 3000 ans. Et il porte toujours des olives », raconte notre interlocutrice. Tout comme la vigne, l’arbre qui symbolise la paix dans le monde est en effet une espèce millénaire. Et il fut un temps où ces deux cultures représentaient la seule source de revenus pour les habitants de régions infertiles, car ces végétaux fructifient aisément en sol pauvre.

C’est au Moyen-Orient que l’on a retrouvé les plus anciennes traces d’oliveraies. De là, l’oléiculture s’est répandue en Grèce, puis en Italie, en France et en Espagne. Un parcours semblable à celui de la viticulture. « Ce n’est pas un hasard, explique Wilma, car ces deux activités ont besoin d’un climat méditerranéen. C’est la raison pour laquelle 80% de la production mondiale d’huile d’olive provient encore de ces pays. Ainsi, l’Espagne est de loin le plus grand producteur, deux fois plus important que l’Italie, qui se trouve en deuxième position du classement. La Grèce, quant à elle, est le principal consommateur. » Progressivement, d’autres nations ont découvert ces produits. A l’époque coloniale, de nombreux Européens ont en effet émigré en Amérique, en Australie et en Nouvelle-Zélande et ont introduit oliviers et vignes sur leurs terres. Aujourd’hui encore, le « Nouveau Monde » talonne l’Europe dans ces secteurs.

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Autre similitude frappante: l’huile d’olive et le vin occupaient autrefois une place importante dans les rituels religieux. De plus, des poètes ont fait l’éloge de ces deux substances, notamment Homère, qui qualifiait l’huile d’olive d' »or liquide ». Dans l’Antiquité, ces deux denrées étaient toutefois réservées à une élite. Et on considérait qu’elles avaient des qualités en termes de santé. Si l’huile d’olive a gardé cette réputation, le vin moins, puisque de nos jours, l’accent est mis sur les risques liés à l’alcool. « L’huile d’olive se compose essentiellement d’acides gras polyinsaturés et d’antioxydants, qui contribuent au bon fonctionnement du système cardio-vasculaire et réduisent les risques de cancer », résume la goûteuse sur le sujet.

Une fabrication lente

Il est également intéressant de constater que, comme pour les raisins, il existe plusieurs variétés d’olives. L’Espagne produit notamment l’arbequina, la cornicabra, l’hojiblanca, la manzanilla et la picual. L’Italie est connue pour la frantoio, la leccino, la coratina, la nocellara et la taggiasca, et la Grèce pour la koroneiki, la kolovi, l’athinolia et la manaki. « On dénombre 2.600 variétés et, comme pour les raisins de cuve et de table, on distingue les olives à huile et de table. S’il est possible d’extraire de l’huile de ces dernières, certaines variétés, peu oléifères et au goût trop prononcé, ne conviennent pas », ajoute la sommelière.

Le processus complet de transformation étant long et complexe, une huile de qualité ne peut jamais être vraiment bon marché. Ce principe vaut aussi pour le vin, non?

Les olives contiennent seulement 20 à 25% d’huile, le reste se constituant d’eau et d’autres composants. Afin de prévenir leur oxydation, la transformation doit avoir lieu dans les plus brefs délais, tout comme celle des grappes. Dans un premier temps, elles sont pressées et mixées. Ensuite, l’huile est séparée des autres éléments dans une centrifugeuse.

L’huile de première pression et de pression à froid, commercialisée sous la qualification « vierge extra », est plus pure et a un goût plus suave, celle de catégorie directement inférieure étant appelée « vierge ». « Malheureusement, ce produit fait aussi l’objet de fraudes, déplore notre experte. Le prix anormalement bas d’une bouteille qualifiée de vierge extra en est un indicateur. Le processus complet de transformation étant long et complexe, une huile de qualité ne peut jamais être vraiment bon marché. Ce principe vaut aussi pour le vin, non? »

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Des gages de qualité

Les deux secteurs venus du Sud se distinguent néanmoins sur un point: presque toutes les huiles d’olive sont biologiques, ce qui n’est pas le cas des vignobles, dont l’équilibre est fragilisé par toutes sortes d’insectes, de maladies et de moisissures. « Comme les oliviers sont robustes, les maladies contagieuses représentent rarement une menace pour eux: leur plus grand ennemi est la mouche de l’olive. Par conséquent, on recourt peu aux pesticides dans les oliveraies. »

Wilma souligne encore que l’appellation d’origine protégée « AOP », qui est connue dans le cas du vin, s’applique aussi aux olives. Ce terme est traduit différemment selon le pays. « Il est également obligatoire d’indiquer l’origine de l’huile: si elle provient d’un seul pays, le nom de celui-ci doit figurer sur l’étiquette. Si ce n’est pas le cas, c’est qu’il s’agit d’un mélange d’huiles d’origines différentes », complète la spécialiste, qui rappelle que les bouteilles en verre foncé ou les bidons en fer-blanc sont de rigueur – « Il s’agit de protéger l’huile d’olive de la lumière, qui altère rapidement sa qualité. » La spécialiste souhaiterait que davantage de règles soient imposées: « Certes, la date de péremption est déjà obligatoire, mais je voudrais aussi que, comme pour le vin, la date de récolte soit indiquée. Cela réduirait le risque d’acheter un article de mauvaise qualité. »

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Une dernière différence mérite également d’être pointée: si l’Hexagone est généralement considéré comme le pays viticole par excellence, ce n’est pas, selon Wilma, le meilleur producteur d’huile d’olive. « Sa culture d’olives n’est pas suffisante pour justifier de gros investissements dans la production d’huile. Jouissant d’une renommée mondiale pour ses vins, la France affecte une grande part de ses terres à la viticulture, laissant peu de place à l’oléiculture. Et n’oublions pas que les Français sont friands de beurre », rappelle-t-elle.

Reste à savoir si comme pour le vin chaud, qui se prépare avec un vin de table bon marché, il est préférable de choisir une huile différente pour la cuisson. « La recherche a démontré que l’huile d’olive vierge extra est la plus adaptée et la plus sûre pour la pâtisserie et la cuisson. La saveur de l’huile d’olive n’imprégnera pas vos aliments, car lorsqu’elle est chauffée, son goût caractéristique disparaît. En revanche, comme pour toutes les autres huiles, il est déconseillé de la chauffer à plus de 180 °C. De plus, l’huile d’olive étant coûteuse, ce serait du gâchis de l’utiliser pour la cuisson. Personnellement, j’ai recours à de l’huile vierge moins chère pour cuisiner et à une huile vierge extra de meilleure qualité pour assaisonner les salades. »

Huile d’olive, le manuel de référence, par Wilma van Grinsven-Padberg, éditions Lannoo.

Traité de qualité

  • Une huile d’olive qualitative ne peut jamais être vraiment bon marché, c’est le premier indicateur.
  • Elle doit provenir d’un seul pays, plutôt qu’être constituée d’un mélange d’huiles d’origines différentes.
  • Sa date de péremption a son importance car le goût s’estompe vite.
  • Sa couleur n’est pas un indicateur: le parfum et le goût sont les éléments déterminants.
  • Elle sent l’herbe. Si tel n’est pas le cas, elle ne peut pas être de bonne qualité.
  • Son parfum et son goût sont purs: les notes de ranci, de sueur, de bétail, de moisissure, de vernis à ongles et de métal sont de mauvaise augure.
  • Elle est à la fois fruitée, amère et âcre (touche poivrée), bien qu’un seul élément puisse dominer.
  • Elle laisse toujours une légère sensation piquante dans la gorge. Cela fait parfois toussoter, mais c’est bon signe.
  • Elle n’apporte pas une texture graisseuse en bouche.
  • « Vierge extra » est une indication de qualité. En revanche, « pression à froid » et « première pression » ne le sont pas, car la qualification « vierge extra » englobe d’office ces caractéristiques.

Testées et approuvées

1. Carles Andreu, Catalogne, Espagne. C’est la moins chère de notre sélection. Elle porte le nom de cette bodega spécialisée dans le cava. 8,75 euros les 50 cl, sacacorchos.be

2. Oli, Catalogne, Espagne. Elle est issue du célèbre domaine Mas d’En Gil de Priorat et est aussi bonne que les vins qui y sont produits. 12,54 euros les 50 cl, labuenavida.be

3. Lavinyeta, Alt Empordà, Espagne. Pure et aromatique, elle provient d’une région de Catalogne située à la frontière française. 12,95 euros les 50 cl, wijnen-dekok.com

4. Cantaores, Jumilla, Espagne. Le beau résultat d’un partenariat entre un importateur belge et la maison Juan Gil, située dans le sud de l’Espagne. 12,95 euros les 50 cl, adbibendum.be

5. Aubocassa, Majorque, Espagne. Un coup de coeur parmi les huiles d’olive espagnoles du domaine viticole Roda de La Rioja. A partir de 13,99 euros les 50 cl, labuenavida.be

6. Agricola Cottini, Valpolicella, Italie. Aussi raffinée que les vins produits dans ce domaine familial. 14,95 euros les 50 cl, adbibendum.be

7. Poggiotondo, Chianti, Italie. Un produit de haute qualité issu des magnifiques paysages vallonnés de Toscane. 17,60 euros les 50 cl, adbibendum.be

8. Joseph, McLaren Vale, Australie. Grâce à l’huile d’olive, le viticulteur Joe Grilli (d’origine italienne) a introduit une nouvelle référence en Australie. 26,50 euros les 50 cl (en bouteille de 75 cl, 17,66 euros les 50 cl), adbibendum.be

9. Palagio, Toscane, Italie. Une excellente huile du domaine viticole du musicien Sting. 20 euros les 50 cl, châteauxvini.be

10. Assuli, Sicile, Italie. Onéreuse, mais une des meilleures. Une combinaison extraordinaire de trois types d’olives locales. 26,85 euros les 50 cl, wijnhuisvandenbulcke.be

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