Vison sur bikini, les garde-robes d’hiver et d’été se mélangent. Chez les créateurs comme dans les boutiques.

Hier, c’était simple : l’hiver, on portait de gros pulls ; l’été, on s’habillait léger. Le froid gonflait la silhouette de parkas moelleuses qui fondaient tout aussi sec aux premiers soleils printaniers, pour laisser place à un souffle d’étoffe. En 2004, rien ne va plus ! En témoignent les fourrures présentées sur des jeunes filles en maillot de bain par John Galliano, lors de son défilé printemps-été chez Dior.

Les couturiers seraient-ils devenus givrés ? Chez Gucci ou Paul Smith, la femme de cet été s’emmitoufle, elle aussi, dans de volumineux manteaux gonflés, à bloc, de plumes. Tenterons-nous le coup sur la plage, quitte à fondre sous la canicule ? Peu importe, puisqu’on nous dit qu’il s’agit d’abord de style et de création.  » Il y a cinquante ans, la haute couture suivait le rythme des saisons, souligne Pascal Morand, directeur général de l’Institut français de la mode. Aujourd’hui, elle relève, avec le prêt-à-porter de luxe, d’un axe de communication qui privilégie le travail du créateur et la dimension médiatique de son défilé.  » Chez Dior, on ne dit pas mieux :  » Galliano ne s’embarrasse pas des codes. Il s’ingénie plutôt à les casser, confie l’une de ses proches collaboratrices. Il voulait, cette saison, traduire sa vision du glamour hollywoodien, et cette image passait notamment par la fourrure. De toute façon, les filles qui ont de l’argent achètent sur un coup de c£ur, quelle que soit la saison.  » La preuve : les fourrures de la collection d’hiver sont en réalité commercialisées, avec un certain succès, dès le mois de juillet…

Pour autant, le phénomène ne se limite pas aux toquades des fashion victims argentées. Pour Bengt Jacobsson, responsable du style au bureau de tendances Carlin International, s’il n’y a plus de saisons dans la mode, la faute en revient à la climatisation :  » A force de vivre dans des atmosphères thermorégulées, à la maison et au bureau, les consommateurs ont besoin, à n’importe quel moment de l’année, de petits tops comme de lourds manteaux.  »

 » Comme les voyages se sont démocratisés, constate aussi Crstof Beaufays, créateur de la jeune griffe Auguste, la clientèle peut également être à la recherche de vêtements d’été en hiver, et vice versa.  » Cette saison, il présente donc des tenues à capuche (en voile) non pas pour contrer quelques coups de chaud, mais afin de donner à sa collection un style streetwear. Ralph Kemp s’est inspiré, pour sa part, des périples réalisés dans les années 1920 et 1930 et n’a pas hésité à concevoir ses tenues d’été dans d’épais cotons du Guatemala. Pour l’hiver prochain, il prévoit en revanche quantité de mousseline… Fi des saisons, vive la création !

Quant aux grandes chaînes du textile, telle H & M, la notion de saison y semble extensible. On y trouve toujours quelques débardeurs, même en hiver, et une poignée de pulls à col roulé, même en été. Mais ce qui caractérise ces enseignes, c’est leur extrême réactivité climatique.  » Nous avons demandé à nos fournisseurs de s’adapter, relate Aline Caillat, porte-parole de la marque. Autrefois, ils travaillaient avec huit semaines d’avance ; désormais, c’est avec quinze jours. Et, au cas où une commande ne pourrait être annulée, nous avons la possibilité de l’orienter vers d’autres magasins dans le monde. Pendant la canicule de l’été dernier, nous avons ainsi envoyé des modèles de demi-saison prévus pour la France vers des pays plus froids, comme la Scandinavie. Avec 900 magasins sur la planète, nous avons le choix !  »

Catherine Maliszewski

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