L’artiste

Yoshitaka Amano est un dessinateur japonais. Il est né en 1952, à Shizuoka, près du mont Fuji. Essentiellement connu pour ses illustrations de mangas (dont Vampire Hunter D., série commencée en 1983), ses films d’animation et surtout la modélisation en tant que  » character designer  » des personnages du jeu vidéo Final Fantasy, il fait l’objet d’un véritable fanatisme geek. Adepte de l’art sans frontières ni £illères, ce touche-à-tout décomplexé décline ses couleurs oniriques et ses atmosphères fantastico-symbolistes en une foultitude d’expressions, du décor de théâtre à l’ornementation de vitraux, de la gravure à la bande dessinée en passant par la joaillerie. Au carrefour si densément créatif de l’Orient et l’Occident, son £uvre digère les influences en un équilibre particulièrement séduisant. Comme le remarque pertinemment le dessinateur belge François Schuiten, dans la préface du catalogue d’exposition de la Maison Autrique :  » Les recherches graphiques d’Amano nous montrent de multiples influences. Si l’utilisation des textures et des matières évoque l’art symboliste, la noirceur du trait fait référence à la bande dessinée américaine et à sa force.  » Sa délicatesse, apprise à l’école de l’estampe japonaise, complète subtilement le tableau.

L’expo

Depuis la cure de rajeunissement qu’elle a subie en 2004, la Maison Autrique (1893), une des toutes premières réalisations de Victor Horta (1861 – 1947) à Bruxelles, célèbre régulièrement le travail d’artistes contemporains en transformant ses murs en cimaises. Après la photographe Marie-Françoise Plissart ou le peintre Alexandre Obolensky, Yoshitaka Amano se fond dans l’espace 1900 imaginé par le grand architecte belge avec une singulière harmonie – on sait ce que l’Art nouveau, saisi de japonisme, doit à l’empire du Soleil-Levant. En collaboration avec la galerie Petits Papiers (qui a organisé une expo-vente des portraits d’Amano, au début de cet automne), la Maison Autrique intègre effectivement l' » £uvre totale  » du dessinateur de Final Fantasy dans sa scénographie vintage sans que rien ne jure. Amano est venu repérer les lieux et ça se sent. On s’arrêtera particulièrement dans la chambre, où une lithographie noire, blanche, rouge, à l’érotisme latent, répond à merveille à la vidéo de femme au bain diffusée dans la salle d’eau adjoignant la pièce. Une série de gravures de la même veine occupe tout l’étage. À l’orée de l’estampe japonaise, des aplats matissiens et du primitivisme allemand à la Kirchner (surtout dans les motifs de tissus), on adore. Au dernier étage, les crayonnés, très burtonniens par endroits, transportent effectivement le trait d’Amano chez l’Oncle Sam, pour reprendre l’équivalence stylistique soulignée par François Schuiten. À des milliers de miles de là, des petites natures mortes légumineuses, empruntant au dessin d’enfant son tachisme naïf, sont accrochées dans les cuisines de la maison. Elles confirment que le sieur Amano maîtrise la carte, de l’entrée au dessert.

Rêves et portraits-Yoshitaka Amano, à la Maison Autrique, 266, chaussée de Haecht, à 1030 Bruxelles. Jusqu’au 31 janvier prochain. www.autrique.be

Chaque mois, Le Vif Weekend vous propose le décryptage d’une exposition. Parce que l’art contemporain est souvent taxé d’hermétisme, nous vous donnons les clés de lecture pour passer les portes des galeries et apprécier le meilleur de l’art vivant.

Baudouin Galler

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