Ce qu’il faut savoir de Tadao Ando, l’un des plus grands architectes contemporains
Le Japonais figure parmi les plus grands concepteurs de notre temps. Au centre de son oeuvre : la lumière, les formes géométriques, le béton… et surtout l’humain. Ce qu’il faut savoir de Tadao Ando, au moment même où le Centre Pompidou à Paris lui consacre un rétrospective.
Il n’a jamais suivi de cours d’architecture
Il devait être boxeur, mais sa détermination l’a poussé sur un autre chemin. A 15 ans, le jeune Tadao Ando se rêve architecte, mais les finances familiales ne lui permettent pas d’accéder à cette formation. Qu’à cela ne tienne, le Japonais, né en 1941 à Osaka, se donne un an pour lire tous les manuels qu’il trouve sur la discipline. Il enchaîne les petits boulots, prends des cours par correspondance… Et se rend vite compte que ce qui lui manque, c’est l’expérimentation. En 1965, il prend donc la route et rejoint Paris, avec une idée en tête : rencontrer Le Corbusier et visiter sa Villa Savoye. Mais en arrivant, il déchante : le maître du modernisme vient de décéder et son chef-d’oeuvre lui apparaît comme un bâtiment » usé par le temps « … » Plus je marchais, moins je trouvais les réponses que je cherchais ; au contraire, mon questionnement sur l’architecture ne faisait que s’intensifier « , raconte l’autodidacte. Il retournera pourtant plusieurs fois voir cette maison, finira par mieux en cerner le concept et poursuivra son périple à travers le globe… Puis, fort de ce circuit, il rentrera sur son île et ouvrira son agence, s’inscrivant loin des tendances du moment, déjà orientées vers la technologie. Il développera sa propre grammaire, sobre et minimale, faite de formes géométriques élémentaires, de jeux d’ombres et de lumière… et de béton lisse, une matière qui ne le quittera plus. » Les gens du monde entier utilisent ce matériau inventé en France à la fin du xixe siècle. Mais je veux créer un espace que personne d’autre ne serait capable de créer. Un espace qui pousserait à s’interroger : comment est-il possible d’ériger cela avec le même béton ? « , commente celui qui décrochera en 1995 le Pritzker Prize, récompense planétaire ultime dans le secteur.
Il se distancie des modes
Son premier projet fera figure de manifeste : » La superficie était de 100 mètres carrés et le budget, de trois millions de yens. Malgré ces conditions difficiles, je me suis totalement investi et en moins d’un an, j’ai réalisé une maison qui ressemblait à une caverne verticale, aux côtés entourés de murs, avec un éclairage zénithal. Elle privilégiait la fermeture plutôt que l’ouverture et l’obscurité plutôt que la lumière et était diamétralement opposée au » modern living « , à la mode à l’époque. J’ai eu l’occasion de la présenter dans une revue. Le titre était » Urban Guerrilla Houses « . J’avais choisi ce nom comme ça, inspiré par Trotski et Che Guevara. Je me présentais comme un guérillero affrontant la puissante ville et qui allait construire un bastion de l’opposition destiné à ceux qui luttaient pour vivre dans cette ville. Jusqu’ici, du moins au Japon, seuls les bâtiments publics – bibliothèques, gymnases… – étaient considérés comme de l’architecture. On pensait qu’il n’était pas possible de faire de l’architecture avec des constructions de petite taille. » Une démarche qu’on retrouve dans la maison Azuma (5.), construite plus tard.
Il sculpte la nature
Parmi ses oeuvres emblématiques, on compte ses diverses interventions, depuis 1987, sur l’île de Naoshima, au sud du pays, où il a remodelé la topographie du site, pour créer » un paysage renaturalisé « , sans schéma directeur préalable. Il a notamment conçu un musée d’art en bonne partie enterré dans la colline (4.). Une manière de jouer avec les éléments naturels qu’on retrouve encore dans son traitement de la lumière, particulièrement visible dans l’église d’Ibaraki (1.), près d’Osaka. Le soleil y pénètre par une croix, de façon très subtile. » S’il y a trente personnes, il faut que la lumière entre de manière à être ressentie de trente façons différentes. Et en même temps, il faut que les trente personnes ne fassent qu’une, décrit le concepteur qui dit s’être inspiré des églises romanes. J’ai créé ce lieu en me demandant si le symbole de la communauté, ce n’était pas la lumière justement. »
Il reste à la page
Si l’homme fait partie des grands bâtisseurs du xxe siècle, il n’en reste pas moins présent sur le devant de la scène internationale et le sera particulièrement à Paris ces prochains mois. D’abord au travers de la rétrospective que lui dédie le Centre Pompidou et qui rassemblera septante maquettes originales, ainsi que des dessins, photos et documents retraçant la carrière de ce ténor de l’espace. Tadao Ando achèvera aussi, en 2019, dans le ier arrondissement, la réhabilitation de la Bourse du Commerce en musée (3.), pour la Fondation Pinault. C’est le Nippon qui avait déjà signé, il y a quelques années, la Punta della Dogana (2.), à Venise, abritant une partie des collections du fondateur du groupe de luxe Kering, François Pinault. Pour son projet dans la capitale française, l’architecte a imaginé un cylindre en béton, inséré dans la rotonde classique existante, et marquant » l’épicentre du bâtiment, qui est l’épicentre du centre culturel de Paris qui est lui-même l’épicentre de la culture dans le monde « .
Tadao Ando, Le Défi, Centre Pompidou, à 75191 Paris. Du 10 octobre au 31 décembre prochains. www.centrepompidou.fr
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici