L’Airspace, la déco mondialisée garantie 100% anti-dépaysement

Le siège de Google à Amsterdam, l'une de ces sociétés qui donnent le ton en matière de déco mondialisée. © ISOPIX

Une nouvelle esthétique mondialisée habille les enseignes horeca branchées. Il est désormais possible de voyager d’Amsterdam à New York, en passant par Bali, sans jamais être dépaysé.

Murs immaculés, aménagement des plus épurés, bois brut, marbre blanc, cactus, ampoules à filament ou encore chaises chinées… Les bistrots, hôtels et restaurants du monde entier semblent aujourd’hui opter pour une déco similaire. Le Café du Sablon, à Bruxelles, ressemble au Silo, à Berlin, qui est lui-même le frère du Streamer Coffee Company, à Tokyo, et du Sweatshop, à Brooklyn, voire de La Brume dans mes lunettes, à Montréal. Et on y exerce d’ailleurs le même  » latte art  » dans des tasses identiques. Ce phénomène, le site d’info américain The Verge l’a baptisé  » Airspace « , à savoir un ensemble de lieux qui affichent un même look, peu importe leur situation géographique.

Chaises de récup', murs clairs et bois : la déco du Café du Sablon, à Bruxelles, se rallie à cette esthétique Airspace.
Chaises de récup’, murs clairs et bois : la déco du Café du Sablon, à Bruxelles, se rallie à cette esthétique Airspace. © LE CAFÉ DU SABLON

Ce concept traduirait ainsi la manière dont les nouvelles technologies façonnent notre environnement. D’un côté, la mondialisation et la vitesse à laquelle les images se transmettent ont créé des tendances planétaires, que ce soit en mode ou en design. Il suffit de flâner sur Instagram ou Pinterest pour s’en rendre compte : le  » bon goût  » est le même partout et au même moment.  »

C’est le lot de l’ultracommunication, relève l’architecte d’intérieur Lionel Jadot, à qui on doit notamment l’hôtel Jam et le nouveau glacier Gaston, à Bruxelles. Tout se diffuse très vite, les images qui circulent sont fortes et influencent les gens, surtout que ce style est plutôt simple et dès lors facile à copier.  »

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© LE CAFÉ DU SABLON

D’un autre côté, des sociétés telles que Facebook, Google et autres Apple ont également développé leur propre esthétique, qui a fini par s’imposer partout.  » Il y a quelques années, le mode de vie de la Silicon Valley (NDLR : le berceau des industries technologiques, au sud de San Francisco) a été repris par les incubateurs de start-up, les structures de coworking, etc. avant de se propager dans tous les domaines « , observe Baudouin de Troostembergh, co-fondateur du hub entrepreneurial bruxellois Co.Station et à la tête de l’accélérateur de projets Startup Factory. On retrouve dans ces endroits un aspect brut, industriel, des surfaces non cloisonnées, le même type de mobilier décontracté et un petit côté bricolage. Ces éléments sont repris pour créer un univers rapidement reconnaissable par les visiteurs :  » Le client se dit « Ça y est, je suis dans l’écosystème start-up ! » et ressent une inclusion sociale.  »

Clichés imposés

Le même mécanisme d’identification se produit lorsqu’un touriste passe la porte d’un coffee shop trendy à Toronto ou Milan : il identifie immédiatement l’atmosphère et se sent proche de la communauté qui y est liée, pour finalement être rassuré par la familiarité du lieu. Dans la foulée, il dégaine son smartphone pour immortaliser son cappuccino et le poster sur Instagram, ce qui contribue à propager le genre.

De l'autre côté de l'Atlantique, on retrouve une même tendance, à Montréal, au bar La brume dans mes lunettes.
De l’autre côté de l’Atlantique, on retrouve une même tendance, à Montréal, au bar La brume dans mes lunettes. © JEREMY DION

Airbnb a bien compris le processus. Fondée en 2008 à San Francisco, la plate-forme qui permet la location de logements de particulier à particulier a pour slogan  » Vivez là-bas, comme chez vous  » et propose donc des habitations alliant à merveille singularité et conformisme. Car à y regarder de plus près, de nombreux biens sont aménagés pareillement.  » C’est vrai que les appartements se ressemblent quand on parcourt le site « ,confirme Julie Landrieu, une photographe indépendante qui travaille pour ce réseau depuis 2011. Régulièrement, Airbnb offre en effet à ses  » hôtes  » une séance photo professionnelle afin de mettre le logement en valeur et c’est là que Julie intervient.  » Leurs lignes directrices ont évolué depuis quelques années, souligne-t-elle. Aujourd’hui, le flash est déconseillé. Nous devons privilégier la lumière naturelle, la clarté. Il est en outre interdit de prendre des vues de haut en bas.  »

En conséquence, on retrouve un fameux air de famille parmi les biens présentés, même si beaucoup de ces maisons et appartements ont, en réalité, leur propre cachet. Il arrive aussi que, puisque ce type de visuels attire plus de clients, ceux qui louent un intérieur le façonnent spécifiquement pour qu’il plaise sur la plate-forme : espaces clairs, dégagés, etc. Ce n’est pas par hasard que l’Airspace tire son nom… d’Airbnb.

 » Les gens bougent de plus en plus et communiquent davantage, partagent de nouveaux concepts, le tout renforcé par les réseaux sociaux, conclut Baudouin de Troostembergh. Mais lorsque chacun aura imité le modèle A, on optera pour le modèle B. Cela ne va pas rester figé, les cycles de tendances sont de plus en plus courts. « 

PAR LOUISE JAMAR

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