La kebaya, vêtement emblématique d’Asie du Sud-Est, en quête de reconnaissance
Dans une boutique de Malaisie, des couturières brodent minutieusement des fleurs et des feuilles sur des « kebayas », d’élégants corsages portés par les femmes à travers l’Asie du Sud-Est depuis plusieurs siècles.
« La kebaya est spéciale parce qu’elle peut être portée par tous » dans une région de grande diversité ethnique, souligne Lim Yu Lin, qui dirige un commerce familial fondé par sa grand-mère en 1955. « Ce n’est pas seulement pour une culture », dit-elle à l’AFP.
Le mois dernier, la Malaisie, l’Indonésie, Singapour, Brunei et la Thaïlande ont proposé conjointement la candidature de la kebaya à la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
Adaptée au climat tropical, le corsage orné de broderies a souvent des manches longues et est tantôt semi-transparent, ou opaque.
Les kebayas peuvent coûter un prix modique de 7 dollars pour les modèles fabriqués à la machine, jusqu’à 1.200 dollars pour les pièces les plus haut de gamme cousues à la main.
Le kebaya, un symbole national
L’Indonésie a adopté la kebaya comme costume national après son indépendance en 1945.
Elle a été popularisée par des actrices de cinéma malaisiennes au milieu du XXème siècle.
Les compagnies aériennes nationales de Singapour, de Malaisie ou d’Indonésie se sont aussi inspirées de la kebaya pour les uniformes des hôtesses de l’air.
Dans la région, elles étaient surtout portées pour les grandes occasions ou les mariages, mais certaines fashionistas les portent à nouveau dans la vie de tous les jours.
Charmaine Neo, une Singapourienne de 36 ans qui porte cette tenue pour les évènements familiaux estime que c’est un vêtement adapté à toutes. « Ce n’est pas seulement pour les plus âgées. Vous voyez aussi beaucoup de jeunes porter la kebaya ». « Ca met vraiment en valeur la silhouette ».
En Indonésie, Telly Nathalia s’est prise de passion pour les kebayas lors de vacances au centre de l’île de Java en 2014, et peu après s’est mise à en porter tous les jours.
Aux yeux de cette femme de 49 ans, porter la kebaya est une façon de se reconnecter à l’histoire de son pays. « Nous ancêtres aimaient porter la kebaya », dit-elle à l’AFP. « Les gens me demandent: tu vas à une fête ou un mariage? ». « Parce qu’en Indonésie quand on porte une kebaya, les gens pensent que c’est pour une occasion spéciale ».
Notre culture, notre identité
Ce vêtement serait venu du Moyen Orient et était porté autrefois aussi bien par les hommes que les femmes.
Plus d’une dizaine de styles différents de kebayas ont vu le jour à travers l’Asie du Sud-Est, surtout en Indonésie et Malaisie.
« C’est un vêtement traditionnel féminin qui a évolué avec le temps », relève Yeo Kirk Siang, directeur du Bureau national du patrimoine de Singapour, qui a organisé une exposition consacrée à cette tenue, en liaison avec sa candidature à l’Unesco.
« Il y a eu comme une fusion de cultures et d’influences, avec les différentes communautés qui ont créé leurs propres kebayas ».
Dans l’île hindouiste de Bali, elle est en dentelle et portée avec une ceinture, à Singapour elle est souvent décorée de broderies d’influence chinoise.
Les kebayas de l’île de Java étaient autrefois ornées de dentelles hollandaises, et peuvent aujourd’hui avoir une coupe plus large pour satisfaire le goût des clientes musulmanes.
Oniatta Effendi, une créatrice de Singapour qui revisite ce corsage traditionnel, la voit comme un symbole d’héritage culturel.
« Beaucoup d’entre nous avons vu des kebayas portées par nos mères et nos grand-mères. Cela représente notre culture, notre identité », dit-elle, citée par le bureau du patrimoine singapourien.
« La kebaya peut avoir une apparence différente selon les pays. Son importance peut aussi être différente pour chacun, mais une chose est certaine: la kebaya nous rassemble grâce à une identité partagée ».
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