Meurtre de Myriam Ullens de Schooten: portrait d’une entrepreneuse philanthrope et globe-trotteuse
La baronne Myriam Ullens de Schooten, entrepreneuse belge – fondatrice de la marque de vêtements de luxe Maison Ullens – a été tuée mercredi par balle devant sa maison de Lasne, par Nicolas Ullens, le fils de son mari. Retour sur la vie d’une entrepreneuse philanthrope et globe-trotteuse.
La femme d’affaires et baronne Myriam Ullens de Schooten, âgée de 70 ans, a trouvé la mort ce mercredi 29 mars, alors qu’elle se trouvait dans sa voiture au côté de son mari, Guy Ullens de Schooten, devant leur résidence d’Ohain (Lasne).
Le fait-divers
Myriam Ullens aurait été abattue aux alentours de 10 heures du matin, de plusieurs balles à bout portant par Nicolas Ullens (57 ans), son beau-fils. À l’arrivée des secours, la septuagénaire était déjà décédée. Guy Ullens de Schooten qui était assis côté passager aurait lui aussi été blessé à la jambe.
Nicolas Ullens de Schooten, fils de Guy et beau-fils de Myriam, ancien agent de la Sûreté de l’État, s’est rendu de lui-même à la police. Il a été inculpé pour « assassinat » et « infraction à la loi sur les armes », et placé en détention provisoire. Il « explique son geste dans le contexte d’un conflit familial, notamment d’ordre financier ». Plus précisément des problèmes d’héritage, une question conflictuelle entre Nicolas Ullens de Schooten et sa belle-mère depuis plusieurs années.
Guy Ullens de Schooten Whettnall, aristocrate et homme affaires
La famille Ullens de Schooten est bien connue dans le monde des affaires belge mais aussi international. La baron Guy Ullens de Schooten Whettnall, époux de feu Myriam, a été à la tête du groupe industriel familial d’abord actif dans le raffinage du sucre pendant quarante ans, – la célèbre raffinerie de sucre Tirlemont. La revente de cette entreprise en 1989 à un groupe allemand, est selon les experts, le point de départ de la constitution de la fortune de Guy Ullens de Schooten. Il s’allie à son cousin Eric Wittouck et devient co-actionnaire du géant américain des régimes amincissants Weight Watchers, via la holding Artal. Les seuls dividendes de cet investissement leur auraient rapporté à chacun d’eux 20 millions d’euros annuellement, et ce pendant 15 ans.
En 1991, le baron et homme d’affaires milliardaire rencontre Myriam Lechien, alors âgée de 39 ns. Celui-ci se sépare de son épouse d’alors, Micheline Franckx, avec laquelle il a eu quatre enfants, et dont il a partagé la vie pendant 44 ans. Myriam Lechien épouse Guy Ullens de Schooten Whetnall en 1999. Quelques mois plus tard, monsieur prend sa retraite, et le couple entame une nouvelle vie, faite de philanthropie et de voyages.
Le second mariage, la nouvelle vie
Retraité depuis 2000, il investit alors dans une fondation établie en Suisse, qui se consacre au soutien des artistes contemporains chinois, via le Ullens Center for Contemporary Arts. Le couple partage sa vie entre Verbier, station chic helvète où le couple possède une demeure de quelque 1200 m2 et le Brabant wallon. Le baron belge fait partie depuis 2011 du club fermé des milliardaires installés en Suisse. Sa fortune était alors estimée entre 2,5 et 3,3 milliards d’euros.
Guy Ullens est aujourd’hui largement distancé au classement et ne disposerait “que » de 200 à 300 millions de francs suisses (202 à 302 millions d’euros) pour une 261e place au classement helvétique. Un patrimoine relativement confortable mais qui a fondu en quelques années.
Son cousin Eric Wittouck est lui considéré souvent comme l’homme le plus riche de Belgique notamment pour le magazine américain Forbes.
Myriam Ullens de Schooten, l’entrepreneuse exigeante
Elevée à la rigueur militaire de son père et à l’exigence du pensionnat des Ursulines à Namur, elle développe rapidement un esprit d’entrepreneuse. Après deux aventures dans le secteur de la restauration avant sa rencontre avec celui qui deviendra son époux, Myriam Ullens décide à la fin 2009, de lancer son label de mode que l’on pourrait qualifier de casual très très chic à la toute. Globe trotteuse notoire, son mode de vie lui inspire sa ligne de vêtements. Ou comme l’écrivait notre journaliste en 2014, lors d’une rencontre avec la femme d’affaires, « un vestiaire idéal, réversible souvent, un travel chic en cachemire, en cuir, perforé ou non, un prêt-à-voyager de luxe, c’est le néologisme qui résume parfaitement cette garde-robe ».
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Elle se confiait ainsi il y a quelques semaines au Knack Weekend : «J’ai beaucoup voyagé. Je faisais ma valise 300 fois par an. Mais mon mari trouvait que mes tenues laissaient à désirer quand nous prenions l’avion. J’étais toujours mal à l’aise et les vêtements que j’avais prévus sortaient froissés de mes bagages. C’est comme ça que j’ai eu l’idée de lancer une petite ligne «voyage». En 2010, c’était chose faite.».
Pour cette marque, MUS rebaptisée quelques années plus tard Maison Ullens, elle place l’exigence d’une qualité irréprochable au cœur de ses activités. C’est là un principe qui lui vient de sa vie d’avant Guy, une autre vie, elle se lança dans la pâtisserie, « il fallait que je travaille, vite, j’adore faire des gâteaux et je trouvais plus sensuel de pétrir de la pâte que de tremper les mains dans le pâté ». En guise de viatique, un livre de recettes de Gaston Lenôtre, qu’elle finira par rencontrer, « un homme hors du commun » qui lui donna ce conseil : « Myriam, quoi que vous fassiez dans la vie, ne trichez jamais avec la qualité, ne faites jamais de compromis. » » Une exigence qu’elle appliqua au textile.
Elle développe au fil des années cette entreprise en en conservant la taille humaine, mais accessible pour ses clientes globe trotteuses comme elles, ayant leurs habitudes dans les boutiques de Paris, New York et Aspen.
Philanthrope passionnée d’art
Après avoir lutté et vaincu le cancer au début des années 2000, Myriam Ullens décide de créer une fondation, baptisée Mimi Fondation, active dans la recherche dans 8 hôpitaux (en Belgique, France, Suisse) dont le but est « d’améliorer la qualité de vie des patients souffrant d’un cancer ».
Mais outre la mode, la passion qu’elle partage avec son mari est bien l’art, qu’elle assouvit à travers leur fondation à Pékin, mais aussi à travers leur vie quotidienne, faisant de leur résidence lasnoise un véritable écrin pour leur collection personnelle, où l’on croise des œuvres d’Ansih Kappor, Sterling Ruby Jonathan Horowitz ou encore Refik Anadol, pour ne citer que quelques artistes présents dans cette maison exceptionnelle. Le couple a également constitué au fil des ans, une collection d’art numérique, possédant des œuvres de 1962 à aujourd’hui .
Quand on lui demandait quels étaient ses rêves, sa réponse était à son image un mixe de femme d’affaires et de mère/grand-mère investie dans sa vie de famille : « Développer davantage Maison Ullens, tout en restant une marque exclusive. Nos clientes n’aiment pas les logos et ne veulent pas voir apparaître des boutiques Maison Ullens dans chaque ville. Je veux également voyager davantage avec mes petits-enfants, voir comment ils grandissent et trouvent leur propre voie. Dans le monde dans lequel nous vivons, il est difficile de savoir où nous serons dans dix ans. Je suis donc déjà heureuse d’être ici aujourd’hui, en bonne santé. »
Des mots qui résonnent étrangement au lendemain du drame familial qui semble l’avoir emporté.
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