Adama Ndiaye, infatigable entrepreneuse du made in Africa

© Renaud Callebaut

Fondatrice de la marque Adama Paris, de la Dakar Fashion Week, puis de la Black Fashion Week qui se tient chaque année à Paris, la Fanco-Sénégalaise Adama Ndiaye (43 ans) est une infatigable entrepreneuse. Elle a inauguré l’an passé un concept store baptisé Saargale afin de promouvoir la création  » made in Africa « . La prochaine étape ? La mise en place, dans la capitale sénégalaise, d’une usine textile réunissant le meilleur des artisans locaux.

Je défends la multitudedecultures qui est en moi. C’est lié à mon vécu et ma façon de vivre. Je suis née au Congo de parents sénégalais et j’ai vécu la majeure partie de ma vie en Europe. Avec ma famille – j’ai sept frères et soeurs -, on a beaucoup voyagé grâce à mon père qui était diplomate. Je m’intègre facilement là où je suis. Je passe de la langue française à l’espagnol ou à l’anglais sans problème. Ça ne fait pas de moi pour autant quelqu’un qui oublie ses racines.

En Afrique, il y a des créateurs de grand talent mais il manque un écosystème

Ma mère est une élégante, elle m’a donné le goût de la mode. On était souvent en conflit toutes les deux mais on se réconciliait autour de sa vieille machine à coudre qu’elle nous laissait utiliser, ma soeur jumelle et moi, quand nous étions enfants. A 9 ans, j’ai assisté avec mes parents à un défilé de Monsieur Saint Laurent à Paris. Une révélation. Je me rappelle de lui avec ses grandes lunettes saluant le public à la fin du défilé. J’ai dit à ma mère :  » C’est ça que je veux faire.  »

L’Afrique ne fait pas confiance à la jeunesse, c’est ça son vrai problème. Les hommes politiques africains doivent faire leur job. Il y a des créateurs de grand talent mais il manque un écosystème. Et les banques sont frileuses. Il faut créer des structures mais pas seulement. Il faut aussi développer un espace de créativité pour écrire une autre histoire qui puisse inspirer les nouvelles générations. Pouvoir rêver de belles choses, juste parce qu’elles sont belles. J’entends bien qu’il y a des problèmes plus essentiels que l’art, la poésie ou la mode, mais ce n’est pas une raison.

Il suffit d’une belle personne pour que les choses changent. Moi musulmane pratiquante, j’ai réussi à organiser un défilé de mode dans une église catholique, à Montréal grâce à un prêtre qui a adhéré à mon projet. Les rencontres sont déterminantes. La vie de mon père a changé grâce à un oncle qui l’a sorti de la pauvreté et l’a pris sous son aile. Il s’est battu pour arriver là où il est. C’est pour cela qu’il voulait que je fasse des études. J’ai décroché, en France, une licence universitaire en sciences éco, option bancaire. J’étais assez bonne parce que j’avais envie de finir vite. Mon père pensait que le stylisme n’était qu’un hobby qui me passerait. J’ai travaillé sept mois dans une banque, le temps de lancer Adama Paris, et je suis partie.

Montrer des corps dévêtus n’a jamais été un problème à Dakar, quand bien même l’islam y est la religion dominante. Il y a une réelle liberté d’expression. J’y organise des défilés depuis dix-sept ans, sans inviter aucun ministre. S’ils viennent, tant mieux, sinon tant pis. Je n’ai aucun compte à leur rendre. J’aime la dolce vita qui règne à Dakar. J’y suis revenue après mon premier divorce, à 22 ans, pour panser mes plaies. J’ai découvert véritablement ma mère à ce moment-là et j’ai redécouvert Dakar par la même occasion. Je n’avais jamais coupé les ponts avec la ville mais je n’y revenais que pour les vacances et je la snobais un peu, après avoir passé plusieurs mois à New York et Los Angeles.

La mode estampillée black peut être portée par une brune, une blonde, une Japonaise ou une Chinoise, peu importe. Lorsque Dior fait un défilé avec du wax bariolé, l’imprimé sous cire, tout le monde pense que c’est un hommage à l’Afrique. Mais le wax n’a jamais été africain. C’est un tissu importé par les colonies, et dont le marché est aujourd’hui entre les mains des entreprises néerlandaises. Je ne me plains pas, c’est comme ça, mais il y a encore beaucoup de travail. Je suis une activiste peaceful qui essaie de se frayer un chemin pour montrer une Afrique différente, mais malheureusement, les clichés sur le continent persistent.

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