Arconati Visconti, la marquise humaniste

La marquise Marie Arconati Visconti, 1870, collection du Château de Gaasbeek. © MAD PARIS / JEAN THOLANCE

Ne vous fiez pas à son air sage sur ce portrait fin de siècle intensément conventionnel. La marquise Arconati Visconti (1840-1923) aimait les livres, de même l’art, la politique, les cigarettes roulées par ses soins et son père, Alphonse Peyrat, journaliste, député républicain puis sénateur de la Troisième République.

Elle s’appelait Marie, avait hérité de ses idéaux et de son anticléricalisme fervent, été élève en auditrice libre à l’Ecole nationale des chartes. Elle y avait rencontré Gianmartino Arconati Visconti, qui lui donnera son nom, sa fortune, ses demeures, disparaissant au bout de trois ans de mariage vaincu par la fièvre typhoïde et la laissant gérer en femme parfaitement indépendante une vie d’engagements, de mécénat, de passions. Elle partagea alors son temps entre son château de Gaasbeek qu’elle avait redécoré néo-renaissance et Paris, où elle tenait salon dans son hôtel particulier de la rue Barbet-de-Jouy – on y croisait toute l’intelligentsia de l’époque, le jeudi, avec en tête, Jean Jaurès et Léon Gambetta, qui la surnommait « L’ange du libéralisme », d’autres, moins élégamment, lui donnaient du « Marquise rouge ».

Agrafe, Chine. Règne de Qianlong (1736-1796), XVIIIe siècle.
Agrafe, Chine. Règne de Qianlong (1736-1796), XVIIIe siècle.© MAD PARIS / JEAN THOLANCE
Bague feuilles Paris, René Lalique, vers 1900.
Bague feuilles Paris, René Lalique, vers 1900.© MAD PARIS / JEAN THOLANCE

Ses choix politiques et sa longue correspondance avec le capitaine Dreyfus ne l’empêchèrent pas de s’adonner à ses collections d’oeuvres d’art, accompagnée dans ses découvertes par l’antiquaire Raoul Duseigneur, qui fut aussi le compagnon d’une vie – elle repose près de lui, dans le cimetière de Rives, sous une tombe ornée de ce vers de François Villon: « Deux étions, n’avions qu’un coeur » et d’une plaque posée là par l’Université de Paris qui honore ainsi « la mémoire de sa bienfaitrice » et prouve « sa vénération et sa reconnaissance ». Car la marquise mit son temps, son énergie, son érudition et son argent au service des bibliothèques, des musées et des écoles, c’était cadeau.

Déjeuner solitaire, Manufacture de Meissen, 1780-1790.
Déjeuner solitaire, Manufacture de Meissen, 1780-1790.© MAD PARIS / JEAN THOLANCE

Avant de mourir, elle eut la diligence de léguer ses oeuvres au Louvre, son château de Gaasbeek à l’Etat belge et le reste en partage aux musées qu’elle aimait. Les Arts décoratifs exposent pour la première fois ses trésors qui disent son intérêt pour le Moyen Age, la Renaissance, le XVIIIe siècle et la Révolution française, les arts asiatiques et islamiques. Des goûts éclectiques mais sûrs, sous-tendus par son humanisme et les valeurs qu’elle n’eut de cesse de partager. Que son écho perdure.

Marquise Asconati Visconti. Femme libre et mécène d’exception, musée des Arts décoratifs, à 75001 Paris. www.madparis.fr Du 13 décembre au 15 mars prochain.

Médaillon portant les initiales du marquis Gianmartino Arconati Visconti et contenant une photographie de Raoul Duseigneur, XIXe siècle.
Médaillon portant les initiales du marquis Gianmartino Arconati Visconti et contenant une photographie de Raoul Duseigneur, XIXe siècle.© MAD PARIS / CHRISTOPHE DELLIETE
Médaillon portant les initiales du marquis Gianmartino Arconati Visconti et contenant une photographie de Raoul Duseigneur, XIXe siècle.
Médaillon portant les initiales du marquis Gianmartino Arconati Visconti et contenant une photographie de Raoul Duseigneur, XIXe siècle.© MAD PARIS / CHRISTOPHE DELLIETE

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