Brut, pratique, porteur de sens: le vêtement de travail est de retour
Désormais, le workwear – initialement conçu pour bosser – ne se limite plus seulement au bleu de travail. Gilets de chasseur, uniformes d’ouvrier communal et combinaisons de mécanicien se frayent un chemin jusqu’aux podiums et descendent même dans les rues.
Depuis quelques années déjà, le bleu de travail connaît un beau succès auprès des jeunes branchés. Et, ce printemps-été, la petite veste en moleskine devient définitivement un indispensable du vestiaire masculin. Au Pitti Uomo – salon de référence du menswear qui se tient de façon semestrielle à Florence -, elle s’est présentée dans des coloris vifs : jaune vitaminé pour Le Mont St Michel et vert forêt ou corail chez l’italien Oof. Verdict : les créations se sont arrachées comme des petits pains…
Plus largement, les vêtements utilitaires réapparaissent en force pour cette belle saison. » C’est cyclique, précise Xavier Chaumette, historien de la mode. Cela revient lorsque les gens ont un désir de démocratisation, de simplification, de liberté et de confort. Le workwear rapproche, s’oppose à une tendance élitiste qui va refuser la majorité n’ayant pas les moyens financiers ou intellectuels. Il est aussi historiquement porteur de messages : il a, par exemple, été récupéré par les socialistes, les communistes et les hippies. Notons le retour de ce mouvement brut et ultrasimple alors que nous vivons actuellement dans une société très violente – notamment d’un point de vue économique. »
Du côté des podiums parisiens, même observation. On a pu entrevoir des pompistes en combinaison et des balayeurs en salopette indigo sur le podium d’Agnès B. Pour Lanvin, le directeur artistique Lucas Ossendrijver a, quant à lui, aboli les frontières entre tenues de travail et du soir en proposant une garde-robe hybride, métissée. Dans un garage à métaux, l’Américain Heron Preston a, lui, demandé à ses mannequins de défiler le long d’établis, veste d’éboueur sur le dos. » Tous ces looks proviennent d’idées stéréotypées de la virilité. Un concept qui inspire encore beaucoup les créateurs aujourd’hui « , poursuit Xavier Chaumette.
Si le workwear plaît autant, c’est également grâce à sa praticité. » Avec une seule pièce forte, il est possible de se constituer une tenue versatile, intemporelle et radicale, explique le styliste bruxellois Didier Vervaeren. C’est un bon investissement ! » Réapproprié par les citadins, l’habit du prolétariat semble surtout fleurir dans les grandes villes, donc loin des milieux ruraux où il est pourtant né. Soit. La mode n’est plus à un paradoxe près…
Combinaison gagnante
Délicieusement vintage, l’overall fait son grand come-back. Dès lors, on joue le jeu à fond : on l’accessoirise d’une casquette plate, d’un sac banane ainsi que d’un bandana noué négligemment autour du cou. En mode mécanicien sexy. Pas certain d’assumer ? La salopette ou l’ensemble en denim est envisageable. Mais c’est nettement moins fun !
Début de chantier
Orange fluo et bandes réfléchissantes s’invitent dans le dressing de ces messieurs. Avis aux plus téméraires : le total look est une option vivement recommandée. Effet haute visibilité. » Attention, on est dans du workwear hardcore « , prévient Didier Vervaeren. Tant mieux ! » Go big or go home « , comme disent les anglophones.
Chasse et pêche
Si on ne devait choisir qu’une seule pièce du vestiaire utilitaire, ce serait le gilet de chasseur – ou de pêcheur – qu’on s’empresserait d’enfiler. Sans la moindre hésitation. De Junya Watanabe à Louis Vuitton, en passant par Sankuaz, la veste sans manches et aux mille poches semblait posséder le don d’ubiquité. On l’associe à un pantalon cargo afin de bénéficier d’une infinité de rangements et de deux mains constamment libres.
Back to the seventies
La combi a connu une première période faste dans les années 70, lorsqu’elle est devenue plus qu’un simple équipement pour ouvrier. » C’était un incontournable, pour homme comme pour femme, explique Emmanuelle Dirix, historienne et professeur à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers notamment. L’offre était très variée : combis baggy, tirées directement des stocks de l’armée et qui reflétaient votre appartenance à la gauche, ou bien moulantes en matière synthétique, pour affirmer votre amour du disco. Pensez à John Travolta dans Saturday Night Fever, à Elvis ou encore à David Bowie dans sa période Ziggy Stardust. C’était un moyen pour eux de mettre leur corps en évidence et de l’assumer, ce qui était assez rebelle pour l’époque. »
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