Chanel et les neiges éternelles

Au Grand Palais, les pieds dans la poudreuse immaculée, Chanel a dit adieu à Karl Lagerfeld. « The beat goes on ».

Il a neigé cette nuit, la poudreuse a tout recouvert, une couche épaisse forme un cocon sur les sapins, les sentiers, les cimes et les toits de douze chalets grandeur nature, alignés en une ruelle villageoise qui se clôt sur le plus beau, le chalet Gardénia, avec ses volets verts ornementés et calligraphié, un A pour Automne, un H pour Hiver et la date 2019-2020, la première saison que Karl Lagerfeld ne verra pas.

Chanel et les neiges éternelles
© REUTERS

On est en altitude, l’air est cristallin, il y a des rideaux à volants de dentelle aux fenêtres, la cheminée fume, la luge, posée là, à côté des trois marches de bois, attend ceux qui aiment s’adonner aux plaisirs de la glisse, ils reviendront dans un instant, pas de doute, ils doivent avoir été goûter au chocolat chaud savouré dans les rires. Des clochettes tintinnabulent, le ciel est bleu, il y a de la bruyère dans les balconnières, le show peut débuter, mais pas avant d’entendre la voix du créateur qui oeuvra chez Chanel durant 36 ans et qui a eu la mauvaise idée de ne pas être immortel.

Chanel et les neiges éternelles
© AFP

Sa voix résonne dans ce Grand Palais devenu montagnard, elle n’a rien d’outre-tombe, il s’agit d’un souvenir-confidence, il y raconte avec sa faconde qu’on lui avait vivement conseillé de ne pas aller chez Chanel, il avait hésité, malgré qu’il trouvât le personnage de mademoiselle fascinant, et que la deuxième fois, qui se fit insistante, il accepta. « Parce que tout le monde me disait : « Ne le faites pas, cela ne marchera pas ». Mais c’est la première fois où une marque est redevenue un truc de mode, apparemment qui donne envie. Même à la Reine Mère d’Angleterre. Quand elle est descendue de la voiture, on avait soigné le décor, je peux vous dire, on avait dépensé une fortune en fleurs, elle a dit : « Oh, this is like walking in a painting ». Et ça, je ne l’oublierai jamais. »

Chanel et les neiges éternelles
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Vient ensuite l’invitation à observer une minute de silence, quand 2 600 invités, parfois chanelisés de la tête au pied baissent légèrement la tête ou se perdent dans l’immensité de la voûte et dans leurs pensées, la densité de cette paix soudaine étreint, on ne cachera pas son émotion, rien d’ailleurs ne nous l’interdit.

Penelope Cruz
Penelope Cruz © REUTERS

Et puis la mode reprend ses droits et Chanel in the snow foule la neige, en 72 silhouettes raccord avec le décor : les bijoux en cascade semblent être des perles de glaçons, les mailles réchauffent les coeurs, les tweeds se font protecteur, agrandissant à qui mieux mieux leur motif pied de coq, les pantalons à plis enserrent la taille haute, se font parfois glacé et couleur violine, les blancs ont la couleur de la neige, le flou, la légèreté aérienne des flocons. Tout cela se porte avec des bottines de skis, bien entendu. Sauf les robes boule que l’on dirait haute couture tant elles cumulent les savoir-faire, elles préfèrent les jambes nues et les bottines immaculées.

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Comme un seul homme, la foule s’est levée pour applaudir tout à la fois monsieur Lagerfeld (1933-2019), les jeunes femmes qui incarnent avec délicatesse cette ultime collection du créateur prolifique, la maison qui ne recule devant rien pour offrir quelques instants de frisson à ses hôtes, les petites mains et autres artisans qui offrent dans l’ombre leur talent et leur sueur et Virginie Viard, désormais adoubée « Directrice Artistique des Collections Mode de Chanel Haute Couture, prêt-à-porter et Accessoires ». Et tandis que feu David Bowie raconte son histoire d’Heroes, on tombe, dans le dossier de presse, sur l’autoportrait de Karl Lagerfeld en grande conversation avec Mademoiselle Chanel, au crayon gras, signé de sa main et commenté de même : « The beat goes on ». Amen.

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