Chausseur de bonnes sœurs à ses origines à Emily in Paris aujourd’hui, Jonak débarque à Bruxelles (interview)

Jonak, à nos pieds © SDP
Anne-Françoise Moyson

Jonak s’est installé à Bruxelles ce printemps. Le chausseur français qui surfe joliment sur les tendances a ouvert sa première boutique belge avenue Louise. A la barre, avec sa sœur Lisa, Marcel Nakam, troisième génération, de ce label parisien qui a tout compris de nos envies. Interview de Marcel Nakam, directeur général de Jonak.

Pourquoi Bruxelles ?

Nakam Jonak
Marcel Nakam, directeur général de Jonak © SDP

Parce qu’elle est proche géographiquement, que la communauté belge est dans le top trois de nos followers sur Instagram et des ventes sur notre site internet et enfin, que la langue n’y est pas une barrière. Pour toutes ces raisons-là, on s’est dit qu’on allait tenter le coup et ouvrir à Bruxelles. Notre réseau compte une centaine de magasins, c’est le premier à l’international entièrement géré par la maison mère. Et s’il est personnalisé, notamment avec un lustre majestueux designé pour le lieu, il porte le tampon Jonak.

C’est-à-dire ?

C’est un parti pris souhaité de créer un ensemble très chic et très soft, qui mette vraiment en avant le produit, sur des étagères blanches. On apporte un côté cosy à la boutique avec des matériaux assez chauds, du bois, du chêne et des plantes, des ficus. On y rajoute de la modernité, avec des écrans qu’on appelle Instagram walls, on y diffuse notre fil Instagram, des vidéos de la marque, des images.

Jonak, chausseur responsable
Jonak, chausseur responsable © SDP

Après deux ans de confinement, l’expérience vécue en boutique est-elle toujours incontournable ?

On est une marque très tournée vers l’omnicanalité. La part d’Internet dans notre chiffre d’affaires est de 50 %. On est convaincu de l’importance des magasins physiques, c’est pour cette raison que l’on a ouvert à Bruxelles, que j’ai signé ce matin même une boutique à Aix-en-Provence et qu’à l’international, on continue à se développer. Le magasin a un rôle : il donne vie à une marque. Nous mettons en place des choses pour que nos clientes passent des bons moments, vivent une « shopping expérience », dans un lieu agréable, avec des équipes de vente aux petits soins, compétentes, qui font office de conseillères… Tout cela fait que « le magasin est mort, vive le magasin ! ». Les marque qui performent sont celles qui ont compris que le digital et le physique ne sont pas antinomiques mais complémentaires.

L'été selon Jonak
L’été selon Jonak © SDP

Vous êtes tombé dans la chaussure tout petit, dans la foulée de votre père et de vos grands-parents. Racontez !

Mes grands-parents avaient ouvert leur boutique à Saint-Germain-des-Prés en 1964. Quand mon grand-père est décédé en 1978, mon père l’a repris, avec sa mère. Il était le fils aîné, il avait 23 ans. En 1984, il ouvre rue de Rennes une petite boutique, qui est notre flagship store aujourd’hui. C’est là que se concentrent mes souvenirs d’enfance. Mon père est un passionné, je l’accompagnais au bureau, au sous-sol, avec mon frère, ma sœur Lisa et ma petite sœur qui vient de nous rejoindre. Il nous emmenait aussi aux salons, à Gardes, à Milan…

L'été Jonak
L’été Jonak © SDP

Vous rêviez alors d’être un chausseur contemporain ?

Enfant, on plaisantait entre nous, on disait qu’on travaillerait avec papa, alors que, à cet âge-là, on rêve plutôt d’être astronome ou président de la République. J’ai fait mon cursus en me pensant que je rejoindrais un jour l’entreprise familiale, j’ai fait une grande école de commerce, l’EM à Lyon puis je suis parti en Angleterre, travailler dans une banque d’investissement puis pour le groupe Beaumanoir en Chine et en France et en 2012, j’ai rejoint Jonak, avec ma sœur Lisa qui est directrice générale associée et qui a étudié à Dauphine puis a travaillé aux USA chez Interparfums et puis chez Beaumanoir.

C’est comment, travailler en famille ?

Très agréable. On est en confiance, on sait qu’on avance tous dans la même direction. Et comme on est trois, ma sœur, mon père et moi, comme on est un chiffre impair, cela permet de trancher. C’est un élément clef, on n’a jamais laissé de sujet en stand-by, tout à a toujours avancé.

Le printemps Jonak
Le printemps Jonak © SDP

Comment fait-on pour passer de chaussures de bonnes sœurs à des souliers hype ?

En 1964, quand mes parents s’installent à Saint-Germain-des-Prés, ils chaussent tout le monde. Or, dans le quartier, il y avait beaucoup de couvents. Ils avaient donc une clientèle de bonnes sœurs qui achetaient des chaussures confortables. Quand mon père rejoint l’entreprise en 1968, il se dit : « Il faut que j’apporte ma patte. Je ne vais pas faire que des chaussures confortables. » Il travaille alors avec un oncle dans le Sud de la France où ils font ses collections. Et puis fin 90, en voyageant en Espagne, il découvre le modèle Zara qui était assez impressionnant. Il se dit qu’en termes de tendances, il faut avoir un niveau de créativité qui soit le même. On avait la chance de produire en Europe. Naturellement, il se tourne alors vers le Portugal et passe d’un modèle où on achète des collections auprès de fournisseurs à une création maison. Aujourd’hui on est à plus de 90 % de créations. On est ainsi garant de notre marque et de notre image. On a des équipes créatives à Paris et au Portugal, c’est l’un de nos points forts.

“On essaie de donner du pouvoir à la créativité. ”Marcel Nakam
“On essaie de donner du pouvoir à la créativité. ”Marcel Nakam © SDP

La particularité de Jonak, c’est de proposer des nouveautés tout au long de la saison et du réassort tous les 15 jours…

On en parle souvent en famille, avec notre père : la force de notre business model, c’est notre production en circuit court au Portugal, un peu Espagne et Italie. A l’heure où je vous parle, on continue de créer des produits pour l’été. On est en mai, on va encore valider quelques paires de chaussures et début juin, elles seront en magasin. Alors que les autres travaillent sur l’été prochain voire l’hiver d’après, nous on travaille sur l’hiver à venir mais aussi sur cette collection printemps-été. On continue à la développer, on essaie de donner du pouvoir à la créativité, nos équipes achat et style ne se restreignent jamais. Si on repère une tendance, qu’on y croit, le mois suivant, elle est en magasin.

Parmi les centaines de références, entre 400 et 500, quelle est votre modèle préféré pour cette saison ?

Le sabot, le Madeleine. Il est produit en Espagne, son prix est juste, 99 euros et pour moi, il est iconique.

Le Madeleine en cognac
Le Madeleine en cognac © SDP
Le sabot Madeleine
Le sabot Madeleine © SDP

Vous avez fabriqué 500 000 paires en 2020…

Aujourd’hui, on est plutôt à 700 000 paires pour 2022. On espère arriver au million de paires d’ici 2024. On les vend toutes, on a un modèle assez vertueux, comme on est en circuit court, on produit très peu en amont et surtout on produit en petite série. Quand un produit fonctionne, on réassort très rapidement. On a donc peu de résiduel. On n’est donc pas dans du surstock.

Vous vous engagez à « être un chausseur responsable ». Concrètement ?

On a la chance d’être une entreprise familiale qui n’est pas guidée par des impératifs financiers. C’est un choix historique sur lequel on n’est jamais revenu. Et notre force est de produire en Europe. On sait où l’on produit, avec qui. Au Portugal, ce sont de petits ateliers. Ils s’imposent dans la chaussure, parce qu’ils n’ont pas de mal à être dans la modernité : ils s’équipent de machines et d’outils modernes mais restent à taille humaine. Quant à nos cuirs, ils sont tous certifiés Leather Working Group. Nous pratiquons un modèle vertueux puisqu’on n’a pas de surproduction. Et pour la petite partie résiduelle, on en donne une grande partie chaque année à des associations caritatives. Pour le reste, on essaie d’insuffler ce côté familial, ces valeurs et faire en sorte que nos équipes soient heureuses.

On a vu une paire de Jonak dans Emily in Paris. Le genre de truc qui booste ?

C’était une bonne surprise. On n’était absolument pas au courant mais on a découvert notre modèle Blaise dans plusieurs épisodes de la saison 2. On n’a pas fait de placement de produit : la styliste de la série avait été les acheter aux Galeries Lafayette. On espère qu’il y aura d’autres Jonak dans la saison 3.

www.jonak

Jonak, 50 A, avenue Louise, 1050 Bruxelles

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