Clare Waight Keller pour Uniqlo: C, le chic anglais à la mode japonaise

Uniqlo:C par Clare Waight Keller
Anne-Françoise Moyson

Clare Waight Keller + Uniqlo:C = Female essence. C’est le combo de la rentrée. Avec cette première collection automne-hiver hautement désirable, le géant japonais entame un nouveau chapitre mode, pimpé par la créatrice britannique Clare Waight Keller. Interview.

Elle a eu six mois pour peaufiner cette collection, c’est suffisamment rare pour être souligné. Et c’est un luxe, Clare Waight Keller le reconnaît, en souriant avec cette élégance british qui l’habite de la tête aux pieds. Elle a connu le rythme intense, pour ne pas dire infernal de la mode, elle s’en souvient, elle fut directrice artistique de Givenchy et de Chloé, notamment.

Clare Waight Keller, designeuse britannique

Formée au Ravensbourne College of Art puis diplômée en Fashion Knitwear au Royal College of Art, elle est passée chez Calvin Klein, Ralph Lauren, Gucci et Pringle of Scotland où elle redora le blason de la marque avec un talent certain. Depuis, elle n’a jamais démérité. Même Meghan Markle le pense, qui l’avait choisie pour dessiner sa robe de mariée.

Clare Waight Keller a fait le voyage jusqu’à Paris. Histoire de dévoiler en avant-première cette collection aux accents british et style boy-meets-girl. Pour l’occasion, la quinqua cool et stylée est en total look Uniqlo:C, la collection qu’elle signe pour le géant japonais lui ressemble, ce qui n’interdit pas qu’elle puisse aussi nous/vous ressembler.

« Je me suis replongée dans ma garde-robe à moi. Je me suis demandé ce que je porte depuis dix ans, que j’ai toujours gardé, jamais jeté et dont je ne me suis jamais débarrassée »

Elle a travaillé pour, c’est-à-dire plaire à une jeune fille de 16 ans tout comme à une dame de 60 ans. Et les intermédiaires aussi. Soit 33 pièces d’une simplicité parfaite, d’une redoutable efficacité et sans une faute de goût. Où se marient la fluidité, le mouvement et la féminité, dans des couleurs subtiles parfaite pour l’automne qui s’annonce. Evidemment qu’on veut tout, à commencer par le trench-coat à la fois classique et contemporain – un coup de maître(sse).

Comment avez-vous démarré cette première collection ?

Je me suis replongée dans ma garde-robe à moi. Je me suis demandé ce que je porte depuis dix ans, que j’ai toujours gardé, jamais jeté et dont je ne me suis jamais débarrassée. J’ai commencé par là. Ensuite, j’ai ajouté ce qui fait ma signature : la fluidité, la féminité, la transparence. C’est important pour moi parce que c’est vraiment mon esthétique. Et c’est ce que j’ai toujours aimé, une silhouette fluide, des volumes doux, une certaine intemporalité aussi et mon sens de la couleur, avec une palette très fraîche, féminine mais mixée à un sentiment boyish.

Grande première, on trouve désormais des chaussures chez Uniqlo ! Grâce à vous. Mais pourquoi avoir insisté ?

Quand je suis arrivée chez Uniqlo, j’ai demandé à Yuki Katsuta (Global Head of Research and Design, NDLR) : « Où sont les chaussures ? » Il m’a répondu qu’il n’y en avait pas et j’ai demandé si je pouvais essayer. Je trouve important de penser une silhouette complète, de créer un total look.  J’avais vraiment envie de tenter l’aventure, d’essayer quelques modèles…

Je voulais d’évidence des chaussures plates. Parce que je ne porte plus autant de talons qu’avant, je le confesse. Et je dois dire que c’est pas mal ! Mes filles aussi et leurs amis de 20 ans portent des chaussures plates tout le temps. Je trouve que cela leur donne une attitude sensiblement plus cool. Mais je me suis aussi demandé quelles étaient les trois chaussures de base dont j’aurais besoin en hiver. Soit un mocassin en début de saison, très facile à porter pieds nus ou avec une petite chaussette. Puis des Chelsea boots pour le début de l’automne et enfin, des bottes hautes à porter avec des robes. Elles sont toutes légères, et en cuir végétal, avec des semelles rembourrées, pour le confort absolu, c’est l’une de mes préoccupations majeures !

Uniqlo:C par Clare Waight Keller
Uniqlo:C par Clare Waight Keller

Vous aviez six mois pour penser cette collection, c’est un luxe rare…

Oui, et c’est un vrai luxe, je sais que cela peut paraître étrange de dire cela parce que je viens du luxe. Mais vous connaissez le calendrier du luxe : tous les trois mois, c’est une pré-collection, un défilé, puis la collection principale et ainsi de suite, soit six collections par an. Ici, j’en fais deux. J’ai eu plus de temps pour la développer. Et pour faire les essayages.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris chez Uniqlo ? 

La réunion pour présenter la collection. Il devait y avoir 30 personnes rassemblées là, tous membres du conseil d’administration… Je me disais « oh my gosh, comment être la plus claire possible ? » Je n’avais jamais fait ce genre de choses auparavant. Le président fondateur Tadashi Yanai n’avait encore vu aucune pièce de la collection… Et c’était aussi la première fois que je le rencontrais. C’était du sérieux, mais ils se sont montrés enthousiastes.

Uniqlo:C par Clare Waight Keller
Uniqlo:C par Clare Waight Keller

Avez-vous dû faire des compromis sur les matières pour veiller au coût ?

Pas vraiment. Travailler avec du cachemire, ce n’est pas du tout un compromis ! Et c’est pareil pour les autres matières, des 100 % coton ou 100 % nylon, ce sont des fibres pures, qui permettent aussi le recyclage. Mais oui, les coûts des matières et les prix représentent un véritable défi, il faut réfléchir à ses choix. Alors il se peut que je choisisse parfois un tissu légèrement différent parce que je veux obtenir du volume ou bien je choisis un tissu plus haut de gamme parce que la coupe est plus simple…  Il s’agit en réalité d’équilibrer le tout !

Quel est le tout début de votre création ? Des images, des matières, des mots ?

Je commence généralement par des images, puis les tissus et la couleur. J’essaie de travailler avec les tissus le plus tôt possible, car leur poids importe et leur tomber aussi. Cela se répercute sur la silhouette. Si j’ai un tissu particulier, qui est assez lourd, je me dis alors qu’il me faut quelques pièces plus légères pour l’accompagner. C’est ainsi que cela fonctionne.  Et puis quand il s’agit de construire la collection, je pense toujours d’abord à l’outerwear, aux vêtements d’extérieur, car ce sont les silhouettes les plus fortes, le manteau ou la veste en sont généralement le moteur. Et ensuite, je pense à la fluidité.

Uniqlo:C par Clare Waight Keller
Uniqlo:C par Clare Waight Keller

L’ombre de Karl Lagerfeld plane sur votre carrière…

Oui… Il était si gentil. Quand je l’ai rencontré pour la première fois chez Chloé, c’était la deuxième année en 2012, il était venu voir l’exposition Chloé. Attitudes, au Palais de Tokyo. Et nous étions restés en contact. Karl m’écrivait toujours, pour me souhaiter bonne chance pour le défilé, et surtout quand je défilais en couture – c’était son centre d’intérêt principal. Il me disait qu’il aimait mes robes flamboyantes ou les épaules d’une de mes vestes, et qu’il aimerait acheter certaines pièces ! Il m’a toujours donné d’excellents conseils et toujours été bienveillant envers moi. Sa présence, dans l’industrie de la mode, me manque…

A votre tour, jouez-vous les mentors auprès jeunes créateurs ?

Oui, j’accompagne une jeune créatrice que j’ai rencontrée au Prix LVMH, Supriya Lele. Elle est née dans ma ville natale, à Birmingham.  Nous nous sommes rencontrées en 2020, quand elle était finaliste.  Depuis, nous sommes restées en contact. Elle a traversé une période très difficile pendant le confinement. Elle m’appelait pour me demander des conseils… Je pense qu’il est très important pour les jeunes créateurs d’avoir quelqu’un à qui parler. Parce que cela peut être très solitaire, vous savez, ce métier, surtout quand on débute et qu’on tente de traverser de telles périodes sombres et difficiles économiquement. Aujourd’hui, elle continue, j’en suis ravie. Et pour moi, c’est intéressant d’être à l’affût de nouveaux talents. J’aime le fait qu’il y ait tant de diversité aujourd’hui dans le monde de la mode.

Uniqlo:C par Clare Waight Keller
Uniqlo:C par Clare Waight Keller

Vous avez un jour dit que Jill Sander était votre héroïne…

J’adore Jill Sander. Et Miuccia Prada. Si je les adore, c’est aussi parce qu’elles ont créé leur propre entreprise et qu’elles ont été des pionnières de la mode dans leur pays. Jill Sander a été le fer de lance de la mode allemande et Miuccia, de la mode italienne. Et puis surtout j’aime le fait que ce soient des femmes qui aient réussi cela. Elles étaient au top dans les années 90 quand j’étais étudiante. La mode japonaise était alors aussi très populaire. Je me souviens de la venue d’Issey Miyake à Londres. Et surtout de Yohji Yamamoto, c’est lui qui m’a remis mon diplôme, avec Rosita Missoni…  Je dois dire que j’ai toujours aimé les femmes dans la mode. Et j’ai adoré les étudier. Beaucoup d’entre elles sont hélas oubliées… C’est pourquoi j’aime toujours y faire référence.

Comment est né votre amour du vêtement ?

Par ma mère. Nous avions une machine à coudre à la maison, installée dans un coin de la salle à manger. Ma mère découpait les patrons sur la table, épinglait les tissus et les cousait sous mes yeux. Très jeune, j’avais donc tout autour de moi, à portée de main. J’ai été exposée très inconsciemment, je suppose, assez tôt.  Puis, en grandissant, je suis devenue son assistante et j’ai dû l’aider. Et puis j’ai continué à coudre. A la fin de sa vie, elle aimait toujours la couture et elle conservait les vêtements que je créais, peu importe la maison pour laquelle je travaillais, elle gardait tout ça précieusement. Après sa mort, j’ai tout retrouvé bien rangé dans ses armoires, comme un bel héritage…

Uniqlo :C en vente dans 1500 boutiques Uniqlo à travers le monde et sur uniqlo.com dès le 15 septembre 2023.

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