Coralie Barbier, styliste et directrice créative de Mosaert se confie: « L’envie créative est revenue »

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Coralie Barbier, directrice artistique de Mosaert et épouse de Stromae se confie, à l'occasion du lancement de la nouvelle collection de Mosaert © Marine Ferain
Anne-Françoise Moyson

Le label Mosaert, cofondé par Stromae, dévoile sa 8e capsule. Coralie Barbier, styliste et directrice créative, a dessiné des leggings, des singlets, des shorts cyclistes, des bobs, un ensemble doudoune très stylés. 34 pièces qui célèbrent les points de beauté et toutes les peaux, dans leur belle multitude. Interview.

Quelle est l’inspiration de cette capsule n°8 ?

J’avais envie de travailler sur la peau, j’ai fait des recherches en amont sur toutes les peaux, et même sur les vergetures, les cicatrices, sur les points de beauté et les taches de rousseurs… J’ai toujours adoré les taches de rousseur, une de mes meilleures amies en avait, elle en faisait un complexe, alors que je trouve cela super beau – je les ai toujours vues comme du pointillisme. J’ai essayé de faire un mélange de deux versions de couleurs de peau, beige et brune et une autre qui fait plus écho au pointillisme. J’ai dessiné le tee-shirt et le legging l’été passé, c’était le point de départ. Et puis j’ai eu envie de contraster les pièces près du corps avec de l’oversize. Et je désirais aussi des pièces unies, au motif plus sobre : dans la doudoune, c’est le matelassage en nuage qui crée le motif, je n’avais pas envie de polluer le tout avec d’autres imprimés.

La capsule 8 signée Mosaert ©Antoine Melis © Antoine Melis

Une doudoune pour l’été… on s’en fiche des saisons ?

J’avoue, je ne m’attarde pas trop sur les saisons, on n’a jamais vraiment suivi le calendrier des collections, on fait une collection par an ou tous les deux ans, on est un label créatif, on n’est pas tenu aux rythmes de  l’industrie de la mode. Du coup, je fais comme je le sens, au gré du moment où je la dessine. Et puis nous vendons beaucoup à l’étranger, où les saisons n’ont pas toujours de sens.

Vos prints sont toujours faits maison…

Oui, avec le duo de graphistes Bold At Work dont on est super proches et avec qui on a fait tout le visuel pour l’album Racine carrée. On a fait des superpositions de couleurs et de formes et on les a déclinées dans deux couleurs. J’aurais aimé les décliner, comme la palette de maquillage Fenty, dans toutes les couleurs de peau, si j’en avais eu la possibilité, mais comme je veux conserver une production éco-responsable, c’était compliqué.

©Marine Ferain

Le fil rouge chez Mosaert, c’est toujours la couleur et le graphisme ?

Oui, j’avoue, j’aime la mode ludique, et cela passe quand même par la couleur. Souvent je travaille l’imprimé avant même de faire le modèle, c’est le point de départ. Et la couleur est vraiment importante, j’ai besoin d’avoir ma gamme, là, pour l’instant, je prépare la capsule 9, elle est presque dessinée, mais je bloque parce que ma gamme n’est pas aboutie comme j’en ai envie…

La première collection de Mosaert date de 2014, elle a évolué depuis ses débuts…

Le point de départ de la marque, c’était Racine carrée, de Stromae, basée sur la wax africaine, avec des couleurs déjà et des coupes simples. Puis le projet s’est détaché du concept musical, avec notamment les collaborations avec le Bon Marché ou avec Repetto. Et depuis la capsule 5, on a redesigné notre logo, avec le nuage, le projet est devenu plus personnel, moins lié à celui de Stromae, on a cependant gardé le côté unisexe, confortable et les imprimés.

Revoir aussi : En images: la soirée de lancement de la première collection capsule de Stromae/Mosaert

Coralie Barbier, directrice créative du label Mosaert rend hommage aux taches de rousseur ©Antoine Melis © Antoine Melis

En quoi est-ce plus personnel ?                

Je crois que c’est moi qui ai un peu changé. J’avais épuisé les prints très chargés, très figuratifs, j’avais envie de choses plus abstraites. Et cela tient aussi au fait d’être au sein du label Mosaert, que le projet musical de Stromae a évolué et que cela fait évoluer mes envies créatives. Pour l’album Multitude, l’inspiration repose sur le folklore et les musiques du monde. Je me suis donc inspirée du folklore dans les coupes mais pas dans les motifs, on est parti sur des pièces unies. Et pour la chanson L’Enfer, tout est devenu plus épuré, l’air de rien, cela m’a aussi fait changer.

La belle multitude selon Mosaert ©Antoine Melis © Antoine Melis

Comment faites-vous pour conjuguer les projets d’album, de clip et celui plus mode de Mosaert ?

Je n’arrive pas à travailler sur une collection quand je suis à fond sur un projet, c’est compliqué de passer de l’un à l’autre. Cette capsule 8, je l’ai donc dessinée l’été passé. On avait fait toutes les grosses lignes créatives de Multitude, le show était fait, tous les visuels liés à la musique, la création du live, on travaille à trois, Paul, Luc et moi, cela prend du temps, de l’énergie… J’ai adoré faire ce projet, les tenues de scènes, j’adore cette partie de mon travail mais dessiner autre chose que le projet Multitude, c’était compliqué. Quand je suis rentrée l’été passé, le fait d’être chez moi dans mon cocon, avec mes amis, cela m’a permis de créer et de me détacher, même si les voyages que j’ai fait pour l’album et les recherches pour les clips m’ont nourrie à mort. L’envie créative est revenue et l’envie de faire autre chose qui n’avait rien à voir avec Multitude… C’était cool de faire autre chose.

Avec l’annulation de la tournée, avez-vous la sensation d’un projet arrêté en plein vol ?

Il a un peu voyagé, on a pu montrer ce que l’on avait à montrer. Pour le reste, je laisserai Paul répondre, cela lui appartient plus… La démarche de prendre soin de soi, il n’y a rien de plus important. Et faire attention, cela rend aussi ce projet beau. Il a été créé, il a abouti, le live a existé, la musique existe et continue à tourner, pour nous, ce projet existe même s’il a juste été écourté.

« L’envie créative est revenue et l’envie de faire autre chose qui n’avait rien à voir avec Multitude… »
©Marine Ferain

Vous portez du Mosaert ?

Un peu au début et puis très vite je n’en ai plus porté. J’ai beaucoup mis la capsule 6, les leggings surtout… Mais cette huitième capsule, je vais la porter, d’autant que c’est la plus personnelle. Je l’ai dessinée un peu plus pour moi, et pour une fois, je vais la mettre. En réalité, si je n’ose pas porter du Mosaert, c’est parce que je trouve ça bizarre d’être dans ses propres créations, mais j’ai décidé que j’allais changer, je vois bien que d’autres créateurs portent leurs pièces… En fait, je n’ai jamais eu beaucoup confiance en moi. Mais être maman et vieillir me changent… On m’avait dit que plus on vieillit, plus on a confiance en soi, c’est ça, le challenge. Cette collection m’a fait du bien, elle m’a permis de communiquer sur mes goûts et mes valeurs, avec ce travail sur la peau et ses différences, valeurs que porte aussi le label.

Qu’est-ce qui vous inspire ?

Les voyages. Avec Paul, on peut rester des heures sur un banc à regarder les gens, à Bruxelles ou ailleurs… La mode, c’est un jour j : un jour, on s’est fait un chouette look et le lendemain bof, le panel est multiple. Et j’aime m’imaginer les gens derrière leur look…

Mosaert capsule 8
Look doudoune pour été mosaertien © Antoine Melis

Vous vous racontez une histoire le matin pour vous habiller ?

Non, et depuis que je suis devenue maman, je regarde le confort, c’est un peu horrible… Par contre, le soir avant de m’endormir, si j’ai un truc prévu, un anniversaire, pas forcément la fashion week, je me fais des silhouettes dans ma tête pour m’endormir… Et puis je m’endors et quand je me réveille le lendemain, je ne sais plus ce que j’avais imaginé.

Cela fait 9 ans que la marque Mosaert existe, c’est long ou c’est court ?

Cela me parait court et en même temps quand je vois tout ce qu’on a fait dans l’ensemble, les costumes des clips, le Met gala, les visuels, les capsules, les collaborations avec Repetto et Le Bon Marché, on les a bien remplies mais c’est passé vite… Ce qui est cool, c’est que je m’amuse toujours.

Ressentez-vous une différence à créer pour la musique et pour la mode ?

Oui, ce n’est vraiment pas la même manière de créer. Quand je crée pour quelqu’un, en l’occurrence quand c’est Paul, il a sa personnalité, je m’adapte à ce qu’il est, je connais les matières qu’il aime, je sais qu’il ose beaucoup. Et en termes de production et de coûts, je peux me permettre plus de choses, des broderies, un côté plus couture pour la scène. Pour les clips, c’est encore autre chose, il faut plus une vision globale de l’idée, ce n’est pas vraiment une proposition mode… Et les capsules, elles sont de plus en plus personnelles, je dessine en pensant à plein de gens différents. Je n’ai pas, comme avec Paul, une personne à qui penser, je pense plus large, je pense à moi, à ceux que je connais…  Et puis on fait aussi attention à nos prix… Les deux collections n’ont donc pas les mêmes contraintes mais je me sens chanceuse de pouvoir faire les deux.

mosaert.com

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