Dans les coulisses de la fabrication des uniformes d’hôtesses de l’air

A côté de ses collections de prêt-à-porter, Xandres conçoit les lignes vestimentaires de grandes sociétés, et ajuste les pièces, au cas par cas, pour que chaque employé se sente parfaitement à l’aise pour exercer son job. Depuis 2002, le label belge habille ainsi la cabine de Brussels Airlines. Visite guidée au siège de l’entreprise de mode.

L’enseigne au-dessus de la porte d’entrée du bâtiment affiche encore « Andres », souvenir d’une époque où la firme fondée par la famille Andries n’avait pas encore ajouté un X majuscule en préambule de son nom – la faute au chausseur André qui revendique la propriété du patronyme. Nous sommes à Destelbergen, non loin de Gand. C’est dans ce patelin est-flandrien qu’en 1927, cette entreprise prit son envol, se consacrant alors uniquement au secteur des vêtements professionnels. Il aura fallu attendre 1968 pour que la société sorte ses premières collections de prêt-à-porter, à commencer par une ligne de « pantalons élégants », s’inscrivant dans la logique de « cette année révolutionnaire pour la culture occidentale, pour la mode et notamment pour les femmes ».

© Frédéric Raevens

C’est donc plutôt naturellement qu’aujourd’hui encore, Xandres réalise 15% de son chiffre d’affaires total en confectionnant des tenues fonctionnelles pour de grandes sociétés, parmi lesquelles Brussels Airlines mais aussi Land Rover, Jaguar ou encore International Duty Free Belgium, qui exploite les boutiques des aéroports de Bruxelles et Charleroi. « On compte au total une dizaine de clients. L’uniforme est vraiment quelque chose qui se trouve dans notre ADN puisqu’on a commencé notre label avec des pantalons et des trenchs. On privilégie les partenariats de longue durée, qui représentent un volume substantiel, et où l’aspect fashion est aussi important que les contraintes techniques. On se voit par exemple mal fabriquer des combinaisons pour pompiers… Par contre, si on peut promouvoir la mode belge à l’étranger, c’est encore mieux pour nous. Et c’est évidemment le cas de Brussels Airlines », insiste Patrick Desrumaux, le CEO.

Tests grandeur nature

Une fois l’accueil et la zone de bureau franchis, on arrive à l’arrière du bâtiment, où se déploient un immense atelier et des milliers de mètres carrés de stocks. Sur les machines à coudre s’affairent quelques employées attentives alors que dans un autre coin du hangar, une équipe est occupée à empaqueter des commandes pour Brussels Airlines, justement. « Les nouvelles hôtesses de la compagnie reçoivent un kit de base dès qu’elles sont engagées. Chaque année, elles ont un budget pour recommander des vêtements ou des accessoires de la gamme. Elles ont la possibilité d’essayer les modèles chez notre partenaire, Carmi, à Zemst. Puis, nous collectons, via une plate-forme Web spécialement dédiée, leurs mensurations et faisons les ajustements ici pour que les tissus tombent parfaitement. Les galons sont également ajoutés sur la manche: une barre pour le cabine crew member, deux pour le chef de cabine, trois pour le chef de cabine des long-courriers », décrit Patrick Desrumaux. Et de préciser qu’il est important de réagir rapidement, le personnel étant interdit de vol sans cette tenue.

© Frédéric Raevens

En pénétrant dans la partie dédiée à l’entreposage pour Brussels Airlines, on comprend vite l’ampleur de la tâche. Des dizaines de vestes, manteaux, jupes, pantalons et robes de teintes bleues et rouges s’alignent sur les portants. « Quand on imagine ce type de vêtements, il y a beaucoup de contraintes, nous fait remarquer Marc Schoonjans, qui coordonne et développe les uniformes pour la compagnie aérienne, en longeant ces tringles parfaitement rangées. Tout d’abord, le code de l’aviation impose que les hôtesses soient reconnaissables à chaque instant et qu’il y ait une unité d’équipage, en cas d’urgence notamment. Par ailleurs, il faut des matières adéquates: ici, on a un mélange de laine, polyester, Lycra, couvert d’un finish déperlant et défroissant pour rester impeccable. Et puis, les filles doivent pouvoir passer de la Scandinavie à l’Afrique d’un jour à l’autre. La tenue s’organise donc par couches successives. »

En interne, chez Xandres, comme c’est le cas pour le prêt-à-porter d’ailleurs, chaque nouvelle pièce est testée par des employées de la maison. Une fois par semaine environ, elles reçoivent sur leur bureau un petit colis et doivent enfiler les habits toute la journée puis donner leur feed-back. « Nous avons 80 filles, ce qui permet d’expérimenter nos produits sur des personnes d’âges, de tailles ou de corpulences différents. Parfois, on se retrouve à se balader en hiver avec une tenue d’été ou vice-versa, c’est l’occasion de plaisanteries entre nous », s’amuse Charlotte De Volder, coordinatrice Xandres Corporate. Précision nécessaire: la société flamande ne s’occupe que de l’équipage féminin de Brussels Airlines, leur pendant masculin étant pris en charge par Cloud 64.

© Frédéric Raevens

Le vortex autour du cou

Si la collaboration entre ces deux fleurons de l’économie belge a débuté en 2002, elle a connu un profond relooking en 2007. En 2011, l’uniforme carmin a encore été ajouté au vestiaire, pour célébrer l’annonce des premiers vols vers New York – le vol inaugural ayant eu lieu en 2012. Une couleur choisie « parce qu’elle va à toutes les femmes et attire l’attention », explique le responsable de Brussels Airlines. A cette époque, a aussi été dessiné le dernier foulard officiel en date, dont le motif s’inspire du vortex, soit le mouvement de l’air quand un avion fend le ciel. « C’est une ligne en constante évolution, poursuit notre guide. Nous sommes maintenant en train d’étudier les pantalons des pilotes féminins pour les rendre plus confortables. On réalise parfois même des éditions spéciales du foulard. Ça a été le cas pour les Diables Rouges, avec un carré plus petit, plus sportif, et pour le festival Tomorrowland, l’étoffe était à cette occasion légèrement oversized, dans un esprit plus fashion. » Et d’insister sur le fait que même au sein de la collection, il y a des normes à respecter: la robe, entre autres, se porte avec le trench rouge alors que le manteau d’hiver est réservé au tailleur bleu.

Sur les étagères en bois, tout au fond de l’entrepôt, on retrouve enfin les caisses contenant les accessoires qui viennent parfaire la silhouette de ces filles de l’air. Et c’est là qu’on se rend compte que rien, vraiment rien, n’est laissé au hasard. Ainsi, la veste bleue se doit d’être décorée d’une aile en acier et le chapeau d’un petit avion rouge, une copie de l’Airbus A330 peinte aux Etats-Unis dans le ton de la compagnie belge. Et le responsable des uniformes de relever: « Nous sommes dans un milieu de connaisseurs, nous nous devions de proposer une réplique exacte de l’avion, sinon nous aurions eu l’air ridicules. » L’art du microdétail qui fait mouche… Et qui nous fera sans aucun doute regarder autrement les hôtesses et stewards, la prochaine fois que nous nous envolerons.

En chiffres

– Brussels Airlines compte 70% de femmes et 30% d’hommes en cabine. Si on y inclut les jobs au sol, on arrive à une proportion de 50-50. On dénombre par ailleurs 70 femmes pilotes contre 600 hommes. L’âge moyen du personnel est de 41 ans.

– 24 pièces composent le set dont se voit dotée une hôtesse de la compagnie en commençant sa carrière, accessoires compris.

– Xandres produit 15 000 pièces par an – sacs, gants… inclus – pour Brussels Airlines.

– Le siège de Xandres à Destelbergen occupe 8.000 m².

Revue de détails

Lors de leur engagement, les hôtesses et stewards reçoivent un petit guide qui leur indique comment se maquiller, se raser la barbe, se coiffer, nouer leur foulard ou encore assortir les différents éléments de l’uniforme. Tout est maîtrisé! Démonstration avec quelques recommandations pour la gent féminine… Le chemisier: il se porte rentré dans la jupe ou le pantalon avec deux boutons maximum ouverts. Le col doit être replié par-dessus la veste. Le pantalon: il tombe au milieu du talon de la chaussure et se porte avec des mi-bas ou des chaussettes pour autant qu’elles ne soient pas visibles. La jupe arrive, elle, au genou et est ajustée, ni trop lâche, ni trop serrée. Le maquillage: il est discret mais pas invisible, et inclut un rouge à lèvres. Les tatouages sont masqués. Les ongles : le vernis écaillé est inacceptable, tout comme le nail art, et les couleurs doivent rester « discrètes » (rouge foncé, blanc transparent ou marron). La coiffure: si la longueur des cheveux dépasse l’épaule, ceux-ci sont attachés. La queue de cheval est peignée ou tressée, et remontée en chignon si elle descend trop bas dans le dos. Les pinces en griffe sont proscrites, tout comme le wet look et les teintures extravagantes (bleu, rouge…). Les bijoux: deux bracelets, un collier et trois bagues maximum peuvent être arborés. Les boucles d’oreilles doivent toujours être portées par paire. Le sac: il ne peut être ouvert, trop chargé ou porté en bandoulière.

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