Dans les coulisses des créateurs de mode: visite de l’atelier de Sofie D’Hoore (2/3)
Entrer dans l’atelier d’une créatrice de mode, c’est un peu pénétrer dans son intimité. Visite privée chez Sofie D’Hoore, en plein centre de Bruxelles.
Elle s’est arrimée au canal de Bruxelles, dans le centre de la ville, derrière une façade industrieuse et dans une discrétion absolue. Seule une petite sonnette indique que Sofie D’Hoore a installé son atelier ici, boulevard Barthelemy. Elle ne goûte guère le tapage, être dans la lumière, encore moins photographiée. Seul lui importe son travail, ses collections, son expression singulière insufflée dans des vêtements de plus en plus affirmés au fil des ans.
Un lieu qui inspire
De cette ancienne brasserie remise à neuf, Sofie D’Hoore a fait son studio de création, aux troisième et quatrième étages, sur 300 mètres carrés «grosso modo», plus le rez-de-chaussée pour mieux ranger les archives. La fonctionnalité y prime, tables de coupe, machines à coudre, rouleaux de tissus, toutes saisons confondues, buste Stockman, étagères de classeurs gris, aux murs, pas de fioritures si ce n’est une photo de l’équipe rassemblée autour de l’actrice Frances McDormand, on a vraiment les clientes que l’on mérite.
Elle ne compte pas les années qui se sont écoulées dans cet atelier, elle se souvient juste qu’elle avait 33 ans quand elle a sauté sur l’occasion. C’était il y a vingt-huit ans, cinq ans après avoir lancé sa marque. Depuis, avec une assiduité et une régularité qui lui servent de rempart, elle y vient le matin et en repart à 22 heures. Et quand il s’agit d’esquisser les contours de la collection à venir, pendant un mois, sans relever la tête, quand l’après-midi touche à sa fin, elle dessine seule, chez elle, dans sa bibliothèque pleinement garnie.
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«J’essaie alors de trouver une nouvelle ligne de conduite. Ce n’est pas abstrait, je pense aux matières que je vais employer, c’est elles et leur tomber qui créent aussi la forme. Pour cet été, j’ai trouvé un taffetas de soie super léger, j’ai dessiné en l’ayant en tête. Ma provocation a été de faire des vêtements dans cette matière poids plume qui ne seraient pas classiques du tout.»
Sofie D’Hoore prise la solitude ; quand vient l’heure des dernières lignes droites, elle se fait ermite. Pas de resto, pas de dîner entre amis, à part sa garde rapprochée, son mari et son fils, «je suis une catastrophe» rit-elle doucement avant de s’interroger soudain, «c’est grave?». Qu’elle se rassure, son univers, nourri par l’art et les lectures, est suffisamment puissant pour lui permettre de se concentrer sur l’essentiel, sa gamme de couleurs, des imprimés d’antan retravaillés par ses soins, ses volumes. «C’est mon dada, confesse-t-elle, j’adore en créer de nouveaux.»
Un avant-gardisme assumé
Voilà pourquoi elle n’est jamais loin des trois modélistes qui bossent avec elle à traduire sa vision sur papier, ni de sa fine équipe, de son fidèle bras droit, de son gang de couturières qui pour l’heure se penchent sur les dernières pièces de la collection de l’hiver prochain. Avec elle, oubliez les tailles, elle bataille ferme pour convaincre les femmes.
«Elles sont obsédées, elles veulent toujours la plus petite taille possible pour avoir la confirmation qu’elles n’ont pas grossi. Je leur dis alors: «Essayez le vêtement et puis voyez comment vous vous sentez dedans».» On reconnaît là son avant-gardisme assumé avec cet entêtement qui force l’admiration. Assise sur sa table de coupe, si gracile dans ses vêtements oversized, Sofie D’Hoore n’est-elle pas sa meilleure ambassadrice?
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