Dylan Guillard, dandy kinky et jeune créateur prometteur issu de La Cambre Mode(s)

La pièce-maitresse de la collection de Master 2 de Dylan Guillard © Jorre Janssens

Soutenir la jeune création, telle est l’une des missions du Vif Weekend. Voilà pourquoi nous honorons un.e étudiant.e issu.e de La Cambre mode(s). Dylan Guillard est notre lauréat 2023. Avec sa collection «dandy kinky», il twiste le vestiaire masculin et explore le tailoring avec une grande maîtrise.

Il a quitté Bruxelles pour Paris, sa vie d’étudiant est terminée. Dylan Guillard vient d’être engagé chez Saint Laurent, il y avait été stagiaire l’été dernier, y avait fait ses preuves. Aujourd’hui, il récolte les fruits de son travail. Il a toujours été sensible au vestiaire masculin – «Il y a tant de possibilités à explorer alors que chez la femme, tout a été fait», dit-il, paré à s’emparer du sujet du genre et des codes vestimentaires, avec un raffinement dans les détails qui prouve son savoir-faire. Il connaît le vocabulaire classique, qu’il détourne.

En juin dernier, Dylan faisait défiler sa collection de fin d’études à La Cambre mode(s), il ne sait pas s’il a le droit d’en être fier: «C’est compliqué, parce qu’on a tout le temps le nez dedans, on est toujours à douter, on voit les défauts.» Qu’il se rassure, elle a plu, cette collection, puisqu’on a vu son immense trench sur la chanteuse Noémie Wolfs, que ses vêtements sont ici imprimés en majesté, qu’il est notre lauréat et qu’il est de surcroît nominé aux Belgian Fashion Awards, dans la catégorie Most promising graduate of the Year. On dit bravo.

© Jorre Janssens

Le vêtement a-t-il toujours été une obsession pour vous?

Ça sonne cliché, mais tout petit, je jouais aux Barbie avec ma sœur, je leur faisais des vêtements. Je dessinais aussi, beaucoup, j’avais toujours une feuille et un crayon à portée de main, je n’avais pas besoin de jouets… Je rêvais d’un métier artistique. Mais je n’osais pas le dire à mes parents alors je leur ai vendu un avenir dans les sciences. J’ai commencé une licence en biologie à Caen, mais ce n’était pas du tout ce que j’avais envie de vivre, j’ai alors fait une mise à niveau en arts appliqués et puis un BTS en design de mode à Strasbourg.

En 2017, vous arrivez à Bruxelles pour tenter d’entrer à La Cambre mode(s)…

Je voulais étudier à La Cambre, je n’avais que ça en tête. Je savais que c’était une école réputée, difficile, avec une bonne pédagogie. J’aime les défis, j’ai toujours été radical dans mes choix, je n’avais pas de plan B, c’était La Cambre ou rien… J’ai passé l’examen d’entrée, j’avais l’impression d’être dans MasterChef, avec les éliminations successives. Sur 180 candidats, on est 14 à avoir été pris.

D’où vous vient cet amour du tailoring?

J’aime les manteaux, les matières un peu lourdes, c’est instinctif, le flou, ce n’est pas ma tasse de thé. Je l’ai découvert à partir de ma troisième année où l’on est confronté à un exercice tailleur. Un ami, tailleur pour le théâtre royal de la Monnaie, m’a appris le savoir-faire d’antan, tout le travail à la main… Le tailoring, c’est l’art du temps et de la patience. Et je me suis offert ce plaisir-là.

Qu’avez-vous appris sur vous durant vos études?

Que je suis assez classique dans mes références! J’ai aimé travailler autour du vestiaire de l’homme classique pour l’amener dans un autre univers, le rendre un peu plus gay et lui apporter un petit aspect «kinky», «coquin», comme si je lui ouvrais son esprit. En troisième, on devait choisir un dandy, j’avais pris Patrick Bateman, le héros de Bret Easton Ellis dans American Psycho, avec ses costumes yuppie et ses longs manteaux. Et puis l’univers du «kinky» est arrivé, avec des harnais, des paniers de pique-nique… C’est à partir de là que je me suis trouvé − le cuir, les métalleries, l’artisanat, tout cela mêlé me correspond. Après, j’avoue être provoc’, j’aime tirer sur la corde, en essayant de garder un équilibre pour que ce ne soit pas too much ou vulgaire.

© Jorre Janssens

Le défilé de fin d’études, c’est l’acmé d’un cursus. Comment l’avez-vous vécu?

Je n’ai rien vu de mon défilé. Je passais dernier, j’étais stressé, j’étais avec les mannequins jusqu’au bout, pour les habiller, parce que ce sont des pièces compliquées, avec des principes de twist. J’en suis sorti fatigué, je n’ai même pas été à l’after show, j’avais juste envie de me poser et laisser la pression redescendre. Et elle était énorme. Je ne voulais pas faire moins bien qu’en Master 1, du coup, je n’arrivais pas à prendre de décisions. Pourtant je m’étais dit que c’était la dernière année où je pouvais m’amuser à faire des vêtements conceptuels, j’ai donc poussé à l’extrême. Les profs nous l’avaient conseillé: «Faites votre collection, une fois dans l’industrie de la mode, ce ne sera plus aussi conceptuel.»

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Vous rêvez de lancer votre propre label?

Non, c’est beaucoup de stress et impossible au niveau financier. Mon objectif ultime, c’est de devenir directeur artistique. Pas spécialement pour être dans la lumière mais pour pouvoir être décisionnaire, faire ce que je veux et n’avoir aucun frein créatif.

Où vous voyez-vous dans 5 ou 10 ans?

Une cartomancienne m’a dit que d’ici neuf ans j’arriverais à 80% de mon objectif, être directeur artistique. Je vais tout donner.

Photos: Jorre Janssens — Direction artistique: Pierre Daras & Tony Delcampe — Make-up: Jenneke Croubels @CHANEL — Mannequin: Hugo Gillain @UnitModelManagement

En bref Dylan Guillard (29 ans)

Il est né à Evreux, en Normandie.

Il entame des études de biologie à Caen pour suivre ensuite un BTS de design de mode à Strasbourg.

En 2017, il s’inscrit à La Cambre mode(s) et en sort diplômé six ans plus tard.

Il est engagé chez Saint Laurent à Paris en septembre 2023.

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