En images: dans les coulisses d’une manufacture de soie française qui perpétue une tradition séculaire

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Ressusciter de précieuses tentures du château de Versailles ou du Palais de Catherine II, habiller de soie des cabines de jets privés ou de yachts…: la Manufacture Prelle tisse le très haut de gamme et perpétue avec éclat la tradition des soyeux de Lyon.

C’est l’une des plus anciennes manufactures d’étoffes d’ameublement, née au milieu du XVIIIe siècle dans la capitale française de la soie, et la seule qui demeure familiale et indépendante.

Dès cette époque, la maison livre velours ciselés, brochés, brocarts ou lampas aux princes d’Europe et jusqu’à la cour de Catherine II de Russie. Et Prelle vient de refaire à l’identique le « Salon des Lyonnais » du palais d’été de la grande Catherine, déjà oeuvre du soyeux en 1866. « Nous visons le très haut de gamme, pas le volume. Nous sommes les seuls sur ce marché de niche », explique à l’AFP Guillaume Verzier, aux commandes de l’entreprise comptant 23 salariés.

Au sein des vastes ateliers, nichés dans le quartier de la Croix-Rousse, patrie des canuts, les ouvriers tisserands de la soie, cohabitent métiers à tisser modernes et savoir-faire ancestral. Chacun s’affaire, très concentré.

A l’étage, le temps semble s’être arrêté… Sous une impressionnante charpente en bois, douze anciens métiers à bras permettent de réaliser des étoffes extraordinairement complexes, impossibles à réaliser sur les machines modernes. « Les plus beaux velours ou brochés sont toujours faits à la main ». Pour les motifs les plus compliqués, il faut une journée pour tisser… deux centimètres.

Six mois ont ainsi été nécessaires pour retisser à l’identique un siège –en dépôt au Metropolitan Museum de New York– ayant appartenu à la reine Marie-Antoinette.

Ici, on travaille essentiellement la soie. Mais, « pour la restauration de la loge de l’Empereur à l’Opéra Garnier, par exemple, nous avons utilisé des fils de polyester non feu », normes anti-incendie obligent. Coton ou lin peuvent aussi être préférés afin d’éviter les brillances. « Notre créneau, c’est la reproduction d’étoffes anciennes pour les restaurations publiques (5 à 15% du chiffre d’affaires) et les tissus d’ameublement pour des particuliers fortunés », relève M. Verzier. Ces VVIP (Very, Very Important Person) « veulent retrouver dans leurs demeures, avions ou bateaux une ambiance XVIIIe » siècle français.

Croiseurs de fils

Une cliente suisse qui redécorait sa maison a ainsi consacré un million d’euros aux seules étoffes de chez Prelle. Un autre particulier « nous a commandé des mètres de tissus pour son Boeing 767 ». « Aux États-Unis, les gens se recréent une histoire. En Russie, on leur revend leur histoire », sourit le représentant de la huitième génération côté Verzier, cinquième côté Prelle.

L’homme d’affaires indien « Lakshmi Mittal nous a fait travailler dans son palace londonien. Il tenait au savoir-faire français », raconte M. Verzier. La soie provient aujourd’hui de Chine ou d’Amérique latine. « L’acheteur doit avoir un oeil très exercé ».

Pour la couleur, finies les teintures naturelles. Trop instables. Des teintures chimiques sont contretypées pour reproduire les colorations de l’époque. « Teindre, c’est un métier de chimiste. On sous-traite. Nous, on est croiseurs de fils. Faire des noeuds, ça on sait faire ! », s’exclame encore Guillaume Verzier. « On passe notre temps à brasser des kilos de fils et à faire de sacrés calculs. De nos jours, il y a des logiciels. Autrefois…. Les canuts devaient savoir lire, écrire et compter. « C’était l’aristocratie ouvrière ».

Et si le tissage mécanisé est rapide, la mise au point du métier est longue. « Il nous a ainsi fallu deux jours de préparation pour confectionner six mètres de tissu destinés à la cabine de luxe d’un bateau ».

Un cabinet de dessins complète les ateliers. La Manufacture doit d’ailleurs son existence au dessinateur Pierre-Toussaint Déchazelle, né en 1752. « La qualité du dessin a fait la réputation des soyeux lyonnais », rappelle M. Verzier.

Quant à la mémoire de la maison, elle est précieusement conservée dans des registres, sous l’oeil d’une archiviste. « Un trésor inestimable pour reproduire à l’identique les étoffes anciennes ». C’est à Lyon qu’est né le métier mécanique programmable à cartes perforées, inventé en 1801. Modernisé, le système est toujours utilisé.

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