Etsy : la révolte gronde

Aurélie Wehrlin Journaliste

Jak pensait avoir trouvé la perle rare avec Etsy, le site d’e-commerce spécialisé dans les créations artisanales. Cinq ans plus tard, le vendeur en ligne vient grossir les rangs des déçus et en colère par les conditions d’utilisation de la plateforme.

« Nous avons été attirés par le côté +petits commerces, faibles commissions, bonne place de marché+, mais une fois que nous nous sommes bien installés, ils ont commencé à resserrer leur étau et à nous saigner à blanc », a indiqué le trentenaire, qui gère son magasin en ligne depuis Glasgow (Ecosse). Etsy, basée à New York, revendique plus de 5 milliards de ventes annuelles, avec 5 millions d’utilisateurs et 90 millions d’acheteurs. Elle a récemment provoqué la fureur de ses vendeurs en augmentant les frais prélevés sur chaque transaction (à 6,5% au lieu de 5%).  Plus de 10.000 d’entre eux ont décidé de fermer boutique pendant une semaine, à partir du 11 avril, pour une « grève » d’un nouveau genre. Kristy Cassidy, une vendeuse de vêtements gothiques et de robes de mariées de Rhode Island (Etats-Unis), a mené l’offensive contre la nouvelle politique d’Etsy.

« Plutôt que de récompenser les vendeurs, dont le travail lui a permis de devenir l’une des entreprises tech les plus profitables au monde, Etsy nous arnaque, nous ignore, et adopte une attitude condescendante », a-t-elle déclaré dans une pétition en ligne, qui revendique aujourd’hui plus de 80.000 signatures. Des vendeurs du monde entier ont rejoint son appel, certains accusant la plateforme d’autoriser l’arrivée massive d’objets fabriqués en ateliers, ou d’imposer un coûteux système de surveillance. « Quand nous comparons nos commissions à celles des autres plateformes… nous pensons être équitables », a répondu mi-avril au Wall Street Journal le patron du groupe, Josh Silverman.

« Appropriation et surveillance »

Même colère quelques semaines plus tôt chez les utilisateurs de la plateforme de partage de video Vimeo, chez Amazon ou encore Uber.  « Nous entrons maintenant dans une période de révolte et de rébellion », affirme Vili Lehdonvirta, professeur à l’université d’Oxford, qui s’attaque au pouvoir des plateformes dans un livre à venir, « Cloud Empires » (Les empereurs du cloud).  Pour lui, beaucoup de ces mouvements ont peu de chance de succès à court terme, mais à long terme, la perspective est moins certaine.

Selon Vidi Lehdonvirta, le comportement d’Etsy a un petit air de déjà vu, chez Amazon ou eBay par exemple: les plateformes créent un espace protégé ou vendeurs et acheteurs peuvent se retrouver, avec des garanties en matière de sécurité et de standards de qualité. Et puis leur domination devient trop forte. Au sein du think-tank allemand Iza, le spécialiste du marché du travail Werner Eichhorst estime que des entreprises comme Etsy, Uber, ou les livreurs de repas ont des modèles « très ambigus » qui leur permettent d’exercer « un pouvoir complet d’appropriation et de surveillance » sur leurs utilisateurs. Pour lui, les investisseurs dans Etsy – cotée depuis 2015 à la Bourse de New York – semblent plus intéressés par les profits que par le bien-être des vendeurs, et il ne serait pas forcément surprenant qu’Etsy augmente encore sa commission. Les deux observateurs invitent toutefois les plateformes à être prudentes, car leurs vendeurs peuvent décider de partir ailleurs, ou de fonder des coopératives.

« Elle peuvent réussir à monter la pression très doucement, mais si elles semblent s’affranchir des normes ou font quelque chose de choquant, alors les gens se révoltent », affirme Vidi Lehdonvirta, laissant entendre que Etsy se trouvait dans cette situation.

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