Défilés homme printemps-été 18: une envie de paix et de sobriété

Dior © IMAXTREE
Isabelle Willot

La faute à la crise ? Les Fashion Weeks qui viennent de se terminer ont mis en scène une mode raisonnable, recentrée sur les pièces-phares du vestiaire masculin. Sans tomber dans le jeunisme à tout prix, les grandes maisons parisiennes ont choisi de s’adresser à la nouvelle génération qui mène le monde d’aujourd’hui.

Hermès
Hermès© Imaxtree

Bien sûr, il y aura toujours les exceptions qui confirment la règle. Pour certaines marques qui ne jurent que par le logo, ce serait même une question de survie de continuer à en faire des tonnes. D’opérer comme si le monde n’était pas ce qu’il est aujourd’hui, que la peur – du chômage, du prochain attentat, d’un pétage de plomb du président américain, russe, turc… – ne nous enjoignait pas à une certaine prudence, même stylistique. A part quelques coups d’éclat observés, surtout à Milan chez Philipp Plein et Dolce & Gabbana notamment, les défilés Homme printemps-été 18 ont célébré ce que Pierre Mahéo, de la griffe parisienne Officine Générale, aime qualifier de  » belle normalité « . Sur les catwalks, cela s’est donc traduit par un retour aux fondamentaux d’une garde-robe masculine qui assume à nouveau les codes de la virilité. On en voudra pour preuve l’accès au statut de  » basique  » de ce que l’on appelle, en langage mode, le  » jumpsuit « , autrement dit la combinaison de pompiste, enfilée en lieu et place du costume traditionnel chez Lanvin. Dans le sous-titre, on ressentait, chez Fendi, Ermenegildo Zegna ou encore Berluti, une envie de sonner la fin de la récréation avec un vestiaire davantage pensé pour la rentrée des classes que pour les vacances.

Fendi
Fendi© Imaxtree

Ce besoin de se rassurer se traduit aussi dans le retour en force du tailoring, dans le choix de coupes sobres et de tons empreints de naturalité. Un discours de raison défendu depuis plus de quarante ans par Giorgio Armani et qui semble désormais faire l’unanimité. La figure d’un homme protecteur, responsable des siens et de ce qui l’entoure, était ainsi convoquée chez Balenciaga. Demna Gvasalia, le directeur artistique de cette marque mais également à la tête du label Vetements, qui donne le ton depuis quelques saisons, n’a pas hésité à mettre des enfants dans les bras de ses modèles déambulant le long des sentiers du bois de Boulogne. Il semble clair que pour les ténors du luxe – l’effet Macron, peut-être ? -, smart is the new sexy. En pleine ère des fake news, ce n’est sans doute pas un hasard non plus si Dries Van Noten avait mis le cap sur les locaux aujourd’hui à l’abandon de Libération. Le quotidien a connu son heure de gloire dans les années 70 et il y avait quelque chose de cette époque-là dans la collection du Belge. De l’avis des observateurs, l’omniprésence du kaki dans toutes ses nuances conférait à certaines de ses silhouettes des accents militaires, un des autres thèmes de cette saison tenaillée par la crise et la guerre qui gronde moins loin qu’il n’y paraît.

Balenciaga
Balenciaga© Imaxtree

L’heure n’est donc plus à afficher haut et fort ses revenus, même si c’est bien aux plus nantis que s’adressent les maisons défilant pendant ces semaines de la mode. L’aisance se traduit plutôt dans la forme confortable des vêtements et le choix de matières précieuses, parfois très techniques. Ces dernières sont bien présentes chez Hermès, notamment, avec un degré de sophistication rarement égalé jusqu’à présent et qualifié par Véronique Nichanian, directrice artistique de la ligne masculine, de  » laisser-aller sophistiqué « . On attribue souvent aux jeunes patrons issus de la nouvelle économie l’omniprésence de ce  » sportswear « , autrement dit le détournement dans la vie quotidienne, et même dans la sphère professionnelle, de pièces à l’origine destinées à la salle de fitness. Chez Louis Vuitton par exemple, des bermudas et des  » pantalons  » longs, inspirés des combinaisons de plongeurs, répondent à des imprimés fleuris façon chemise hawaïenne, également aperçus chez Paul Smith et AMI.

Louis Vuitton
Louis Vuitton© Imaxtree

A la fois source d’inspiration et objet de convoitise de tous ces labels établis, la génération Y est passée maître dans cet art des mélanges stylistiques. Chez Dior Homme, notre compatriote Kris Van Assche, qui vient de fêter ses dix ans à la tête du studio, a souligné sa fascination pour cette période de la vie où l’on n’est plus un enfant et pas encore tout à fait un homme. Miuccia Prada non plus ne l’a pas oublié, imaginant même pour les adulescents un terrain de jeu peuplé de super-héros de comics à l’américaine. Comme pour mieux rappeler, malgré ces temps troublés, que le bien finit toujours par gagner.

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