La Fashion Week parisienne au jour le jour
Du lundi 26 septembre au mardi 4 octobre se déroule la Fashion Week parisienne. Au cours de ces huit jours, 105 maisons présenteront leurs collections au cours de 64 défilés et 41 présentations. Dont on vous en livre ici le compte rendu, jour après jour.
Mardi
Kristen Stewart, muse d’une collection cinématographique signée Chanel
L’actrice américaine Kristen Stewart a incarné l’allure de Chanel pour une collection prêt-à-porter glamour et scintillante présentée mardi à Paris, qu’on revêtirait plutôt pendant le festival de Cannes qu’au bureau.
Le défilé, dans une salle obscure du Grand Palais éphémère, a démarré par la projection d’un film mettant en scène Kristen Stewart sortant d’une diffusion de « L’année dernière à Marienbad ». C’est Gabrielle Chanel qui avait créé en 1961 les robes de Delphine Seyrig pour ce film d’Alain Resnais.
Coupe courte à la garçonne décoiffée, elle y est habillée en robe du soir noire avec un gros nœud sur la poitrine, puis en longue robe argentée et en mini-tailleur en tweed…
On a revu ces looks pendant le défilé pour lequel Kristen Stewart, en boots noires et ensemble mini-jupe noir et blanc, figurait parmi les invités au premier rang avec la top Naomi Campbell, les chanteuses américaine Halsey, burundaise Khadja Nin, la mannequin et DJ américano-coréenne Soo Joo Park et Charlotte Casiraghi de la famille princière de Monaco, ambassadrice de Chanel.
Avec son allure androgyne et décalée, Kristen Stewart crée toujours l’événement sur le tapis rouge et ses looks sont décortiqués par les magazines de mode qui la présentent comme une des célébrités les mieux habillées.
La nuit et les paillettes
« Des personnes qui m’entourent, elle est la plus proche de Gabrielle Chanel, du moins de l’idée que j’en ai. Elle comprend Chanel, son vêtement. Et avec elle, il devient encore plus moderne », souligne la directrice artistique de Chanel Virginie Viard, dans la note d’intention du défilé.
La maison a fait un effort pour plus de diversité: outre la mannequin néerlandaise Jill Kortleve, star des défilés depuis plusieurs saisons, au moins deux autres font la taille moyenne des Françaises (40-42).
Sur le podium, c’est le noir et blanc qui prime, pour une allure sophistiquée conçue par Gabrielle Chanel autour de l’idée de liberté de mouvement.
Et tout brille, même les chaussettes ou les bas qu’on porte avec des tenues mini, dans des chaussures noires ou bicolores – là aussi blanc et noir – avec une bride à nœud.
Certains ensembles satinés composés de short et d’un haut au dos nu évoquent des déshabillés.
Le tailleur Chanel, emblématique de la griffe, se décline dans toutes ses formes, avec jupe, short ou pantalon, orné de sequins, de broderies ou de plumes.
Nœuds, boas, gants hauts, bottines strassées, jersey travaillé comme des écailles, robe dorée en panne de velours ou noire fendue sur le côté: tous les éléments s’y prêtent.
« Les films que l’on a vus, ceux qui nous possèdent et ceux aussi que l’on se fait, Marienbad, la Nouvelle Vague, l’allure selon Gabrielle Chanel, Karl (Lagerfeld), la nuit, les plumes, les paillettes, les talons: j’aime quand les choses se mélangent », détaille Virginie Viard.
Quelques touches de couleur se détachent dans ce paysage cinématographique, comme le vert pâle d’un tailleur-jupe avec un sac à main assorti, le rose d’une chemise portée sous une combinaison beige saumon, ou le mauve d’un autre tailleur.
Une sublime sélection de petites robes noires clôt le défilé. Les coiffures sont minimalistes et épurées, les carrés courts sont lissés et les cheveux longs attachés par des barrettes bijoux. La bouche est foncée comme tachée de vin rouge.
Dimanche
Givenchy: féminité avec une touche de streetwear
Avec des talons, robes drapées et moulantes, le styliste américain de Givenchy, Matthew Williams, a misé sur la féminité dans sa collection printemps-été 2023, présentée dimanche à Paris sous la pluie.
Les soeurs Hadid ont foulé le podium en liège installé en plein air au Jardin des Plantes habillées en denim: Bella portait un bustier et une jupe midi et Gigi un ensemble veste-jupe.
Un clin d’oeil au streetwear cher au créateur américain, qui a apporté à la maison de luxe française clous, chaînes et sabots compensés baptisés Marshmallow en gomme noir, fabriqués à l’aide d’une technologie de pointe habituellement réservée aux chaussures de sport haute performance.
Dans un style complètement différent, Bella Hadid était chaussée de bottes chaussettes lacées et Gigi juchée sur des talons aiguilles de mules à bout pointu.
Un total look kaki avec un haut à capuche, bomber et pantalon satiné, est également surélevé sur des escarpins.
Les bermudas et pantalons cargo s’associent avec des blouses romantiques à volants transparents ou des vestes texturée.
Mais c’est la robe qui est la reine de cette collection: la silhouette est épurée, elle est près du corps, argentée ou brodée de perles, mini ou longue.
Bleu ciel et longue, elle laisse apercevoir la lingerie intégrée. Les rouges ont des dos travaillés avec un décolleté ou des rubans.
Certaines se portent avec de longs gants évoquant ces tenues chic et cinématographiques créés par le fondateur de la maison, Hubert de Givenchy, pour Audrey Hepburn.
Balenciaga dans la boue (avec Kanye West)
Casquette sous une capuche, pantalon en cuir et veste noire avec des poches multiples, chaussé de grosses baskets, Kanye West, ami du styliste géorgien de Balenciaga, Demna (Gvasalia), a inauguré le show à Villepinte, au nord de Paris, loin du faste de la Fashion week.
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Son ex-compagne et muse de Balenciaga, Kim Kardashian, était au premier rang de ce défilé sombre et dérangeant, qui s’est déroulé dans un décor de chantier avec une forte odeur de boue.
Les mannequins hommes en étaient les vedettes: tantôt en shorts et bombers noirs, tantôt en ensemble vert fluo composé de short et pull à capuche entre sportswear et tenues d’intérieur. Un jean blanc était taché de boue.
Certains d’entre eux ont arboré comme accessoires des porte-bébé ou des sacs à main colorés et enfantins évoquant les peluches. D’autres avaient de grands sacs roses pour faire des courses ou des sacs carrés portés sur l’épaule avec une manche intégrée, la pièce forte de cette collection printemps-été 2023.
Les femmes, en revanche, étaient chic pour ce défilé mixte en marge de la Fashion week féminine.
Elles ont eu droit à des talons aiguilles pour fouler la boue, que les hommes ont dû affronter en sabots et sneakers.
Robes roses, blanches ou noires moulantes, tenues scintillantes et transparentes en dialogue chromatique avec la boue, robes argentées ou à traine: elles semblaient prêtes à quitter cet univers anxiogène et à aller faire la fête.
« Faites l’amour et pas la guerre », a écrit Demna dans la note d’intention du défilé.
Après avoir récemment annoncé qu’il abandonnait son nom Gvasalia dans le monde de la mode, où il se présente désormais par son seul prénom, il a indiqué dimanche qu’il n’expliquerait plus ses collections.
En tant qu' »art visuel », la mode « n’a pas besoin d’histoire pour être vendue », a souligné Demna dans sa note, semblant se joindre aux nombreux designers qui n’accompagnent leur show d’aucun communiqué.
« Je déteste le cadre et les étiquettes », poursuit celui qui aime toutefois exhiber le logo Balenciaga sur ses créations.
En mars, le précédent défilé de prêt-à-porter de Demna, qui, enfant, avait fui la Géorgie en pleine guerre avec la Russie, avait été un vibrant hommage à l’Ukraine, qui vivait les premiers jours de l’invasion russe. Il avait alors expliqué que la mode perdait son droit d’exister et que la Fashion week devenait « absurde ».
Cet été, Demna est devenu l’un des ambassadeurs de la plateforme United24, qui sert à colleter des fonds pour la reconstruction de l’Ukraine. Balenciaga a d’ailleurs mis en vente un sweat-shirt, dont les bénéfices serviront à aider les réfugiés ukrainiens.
Samedi
Du summer body tout en courbe chez Ester Manas
La collection sensuelle printemps-été 2023 dévoile la peau et les courbes: « C’est l’ADN de la maison, soyons clairs ». Baptisée « Sunset body » (« Corps au coucher du soleil »), c’est une réflexion sur le « summer body », la ligne la plus parfaite possible qu’on est censé avoir pour aller à la plage, à force de régimes et de sport.
« La collection est partie du fait que beaucoup de femmes ont une obsession un peu ridicule, qui est le « summer body ». On c’est posé la question: +C’est quoi? Le corps dans lequel on va s’aimer le mieux+ », explique la créatrice dans les coulisses du défilé au Palais de Tokyo.
Les robes « seconde peau » sont taille unique et extensibles, marque de fabrique du duo composé d’Ester Manas et Balthazar Delepierre, demi-finalistes du Prix LVMH en 2020 et vainqueurs du Prix Galeries Lafayette au Festival international de Hyères en 2018 pour leur collection « Big Again ».
La palette copie celle du coucher du soleil, vibrant avec le rose, l’orange, le violet ou la lavande. Les tenues sont ornées de volants et de froufrous, histoire de « faire des vagues » et surtout se faire remarquer et affirmer: « J’existe ».
Etant donné que les clientes, les filles dans la rue, ont envie de ça, la mode doit se plier
La mode à l’heure du body positiv
Outre les robes de soirée qu’on enfile après une journée à la plage avec des cheveux pleins de sable, la collection offre des maillots de bain très échancrés et des robes de mariée sexy.
Venu des pays anglo-saxons, le mouvement « body positive », qui lutte contre les normes stéréotypées, gagne du terrain en France et s’infiltre sur les podiums –la mannequin star américaine ronde Ashley Graham a ainsi défilé mercredi pour Balmain en mini-robe–, sans toutefois faire la loi.
« Avec les réseaux sociaux, il y a une prise de pouvoir des femmes rondes là où elles étaient solitaires avant. Il y a une communauté immense qui est en train de se créer où elles peuvent discuter entre elles et s’affirmer », souligne Ester Manas.
« Il y a quelque chose de très rassurant dedans. Etant donné que les clientes, les filles dans la rue, ont envie de ça, la mode doit se plier », ajoute-t-elle, même si son défilé fait figure d’exception qui confirme la règle.
Les rondes « existent, mais pas forcément dans le luxe où il est un peu difficile d’avoir accès à de belles choses quand on est « grande taille ». C’est ce qu’on essaie de changer ».
La styliste est pour la « démocratisation totale » de la mode, qu’elle juge trop « élitiste ». « Les femmes minces achètent aussi chez nous, le but est qu’on soit toutes à la même table », conclut-elle.
« C’est un immense défilé et je suis heureuse d’en faire partie », confie à l’AFP la mannequin britannique Alva Claire. « Regardez ce casting, c’est l’avenir de la mode »
Jeudi
L’optimisme de Rick Owens
Maître des défilés apocalyptiques, l’Américain Rick Owens a livré jeudi un message d’optimisme avec de l’eau jaillissant de fontaines et des tenues aux couleurs solaires.
Le styliste a investi la cour du palais de Tokyo, haut lieu de l’art contemporain, où il aime organiser ses défilés qui se terminent par une mise en feu spectaculaire des installations.
Pour la collection printemps-été 2023, il a accompagné le tout de jets de fontaine et a introduit des silhouettes rarement vues – des robes du soir volumineuses couleur framboise écrasée.
Dans la note d’intention du défilé, le créateur attribue ce changement à ses séjours en Egypte : « Je ne vois pas mes séjours en Egypte comme une évasion mais comme un moyen d’admirer avec soulagement ce qui survit après d’innombrables guerres », dit-il.
Certaines robes sinueuses en cuir translucide sont inspirées de méduses, espèce « âgé de 700 millions d’années ».
Elles sont faites à partir de peaux de vache, déchets de l’industrie agroalimentaires qui sont tannées avec des matières bio et de la glycérine naturelle qui donnent au cuir douceur et transparence.
Dans le souci d’éco-responsabilité, des manteaux sont faits en tulle en econyl, un fil italien fabriqué à partir de déchets recyclés des océans. Les vestes à volants en forme de cloche poursuivent le thème de la méduse.
Certaines silhouettes reprennent l’épaule surélevée fétiche de Rick Owens, évoquant des monstres caricaturaux. « Un encouragement à envisager l’ouverture d’esprit dans d’autres domaines en dehors de l’apparence », souligne le styliste.
Femmes fortes et hommes sensuels chez Gauchere
Chez Marie-Christine Statz, créatrice allemande de la marque parisienne Gauchere, les femmes sont fortes et les hommes sensuels dans une collection mixte qui veut « sortir des clichés et casser les codes ».
« Les mêmes looks peuvent être portés par les femmes et les hommes. C’est une question d’attitude », explique la styliste à l’AFP en coulisses.
Les hommes portent des dos nu, les femmes aussi, mais elles privilégient les tailleurs pantalons bleu, gris ou noir avec des épaules prononcées.
Les vêtements torsadés avec des découpes sont le motif récurrent de la collection qui met en lumière la vulnérabilité et en fait une force.
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Les hauts fluides à dos nus et les robes équilibrent les vestes structurées oversize.
Les formes rectangulaires sont adoucies par le froissé et des plis irréguliers.
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« Ce n’est peut-être pas joli, un peu brut, sans filtres. C’est authentique , c’est cela qui donne la force », conclut Marie-Christine Statz.
Mercredi
Dries Van Noten fleuri
Le créateur belge a choisi le thème « de l’obscurité à la lumière » pour son premier défilé physique femme depuis 2020. Pendant la crise sanitaire, il avait présenté ses collections dans des films malgré le retour aux défilés physiques depuis plus d’un an.
Après les premières pièces noires d’une élégance impeccable (tailleurs, vestes aux épaules surdimensionnées ou robes sculpturale), le défilé a pris progressivement des couleurs avec de bijoux massifs en passant par des pièces pastels pour terminer dans des imprimés fleuris.
Les chaussures aux talons incurvés et fioritures ne passent pas inaperçues.
Transparence et légèreté contrastent avec la structure: ainsi une veste masculine se porte avec une jupe en mousseline. Les éléments de texture – smocks, crochets, fronces et volants – sont travaillés à la main.
Princesses en baskets chez la Danoise Cecilie Bahnsen
La Danoise Cecilie Bahnsen, l’une des rares représentantes de la mode scandinave à la Fashion week parisienne, a fait défiler des princesses en baskets avec une nouvelle collection de robes volumineuses, cool et romantiques en couleurs claires.
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Malgré leur construction élaborée mariant asymétries, rubans et découpes, elles sont faciles à porter avec des chaussures plates ou superposées sur un jean.
« Les filles (…) pourraient mettre une robe un mardi matin pluvieux pour se sentir bien, ou aller à une fête un samedi soir (…). J’aime l’idée de pouvoir créer quelque chose de précieux pour chaque jour », explique Cecilie Bahnsen dans la note du défilé.
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Amples, ces robes vont à toutes les morphologies, ce que prouve le casting varié pour le défilé, qui s’est déroulé sous la pluie dans la cour de la Monnaie de Paris.
Rochas théâtral, de froufrous et crinolines
Directeur artistique de la maison française Rochas, Charles de Vilmorin s’est invité au mythique théâtre des Folies Bergère, où s’étaient produits Joséphine Baker, Jean Gabin, Dalida ou le couturier Jean Paul Gaultier, avec son premier spectacle.
Abondance de volants et de froufrous, coiffures punk, talons bijoux: la collection correspondait à l’esprit du lieu.
Les corsets portés sur une chemise blanche et les robes paniers y sont autorisés, mais la collection propose aussi des pièces plus conventionnelles comme un tailleur pantalon à carreaux ou des robes longues blanche ou fuchsia.
MARDI
Les femmes enveloppées de Saint Laurent
Au son du ruissellement de l’eau de la fontaine du Trocadéro face à la tour Eiffel, les mannequins très minces juchées sur des talons aiguilles ont arboré mardi soir des silhouettes ultralongues et couvrant la tête.
Une esthétique inspirée de la pièce culte de Martha Graham de 1930 sur le deuil et la souffrance. Assise sur un banc et entravée dans un long tube triangulaire de jersey d’où émergent seulement le mains, les pieds et le visage, elle se balance et se débat en étirant le tissu.
Pour la collection de prêt-à-porter printemps-été 2023, le styliste belge de la maison française Anthony Vaccarello, dans la recherche d’un « raffinement », se fascine par ce visuel qui avait déjà été exploité à plusieurs reprises par Yves Saint Laurent.
Des robes longues et souvent transparentes en maille de jersey se portent telles quelles ou sont équilibrées avec des pièces masculines: des manteaux en laine aux épaules fortes ainsi que des bombers et trenchs en cuir.
Vert bouteille, encre, bordeaux, moutarde, caramel et les incontournables or et noir: la
palette des couleurs est riche est sophistiquée. Les jambes sont nues, sublimées par des sandales qui soulignent le contraste avec la ligne monumentale des manteaux.
Des pièces en satin inspirées de pyjamas apportent la décontraction à la collection juxtaposée à un effet puissant des accessoires en bois sculptural et des bijoux en or.
La scénographie du défilé autour des fontaines permettant d’observer les silhouettes sous tous les angles révèle la fragilité des dos nus et la puissance des larges épaules structurées.
L’empowerment par les talons et corsets chez Dior
Talons et corsets, ces pièces contraignantes dont les femmes ont mis des siècles à se libérer, reviennent en force pour leur donner du pouvoir dans la collection de Dior inspirée par Catherine de Médicis, présentée mardi à Paris dans une ambiance baroque.
« L’idée qui m’amusait, c’est qu’il y a des éléments dans les vêtements qui servent à construire un imaginaire régalien », raconte à l’AFP l’Italienne Maria Grazia Chiuri, directrice artistique des collections féminines de Dior.
Féministe, elle détourne ces éléments qu’on n’aurait jamais associés à son univers créatif pour ce « power dressing ironique », moderne et fonctionnel malgré les références historiques.
« Je ne l’ai pas fait dans le passé et je suis satisfaite parce que la référence vient de Catherine de Médicis », explique-t-elle.
De petite taille, Catherine de Médicis, cette Italienne arrivée à la cour de France en 1533, a été la première à utiliser les compensés pour être plus grande et a structuré sa silhouette pour s’imposer.
Chez Maria Grazia Chiuri, le corset qui a une forme quasi géométrique n’est pas intégré et devient « un objet avec lequel on joue pour se faire plaisir »: on peut le porter sur un T-shirt ou une chemise et on n’a pas besoin d’aide pour l’enfiler.
Les robes qui évoquent des paniers, s’adaptent au corps avec des bandes réglables qui leur apportent une dimension « fonctionnelle » indissociable du « power dressing », ce courant vestimentaire féminin destiné à faire preuve d’autorité, apparu dans les années 1970 et ayant connu son apogée dans les années 1980.
La guêpière tantôt cachée, tantôt manifeste esquisse une silhouette sensuelle, rappelant les larges jupes portées à la cour de Catherine de Médicis.
La collection abonde en broderie et dentelles, chères à cette aristocrate qui les avaient imposées aux manufactures royales françaises.
Invitant aux déambulations urbaines, l’un des imprimés-phare de la collection vient d’un foulard de l’époque de Christian Dior qui représente un fragment du plan de Paris autour de l’avenue Montaigne où la maison s’est développée.
Le défilé est accompagné d’un spectacle de danse par le duo néerlandais Imre et Marne van Opstal, soeur et frère qui explorent dans leur chorégraphie les limites du corps et de l’esprit.
La mise en scène pour présenter la collection de prêt-à-porter printemps-été 2023 se veut aussi une « fête baroque » comme on les organisait dans les grandes villes pendant les périodes de transition, somptueuses et théâtrales mais traversées par une inquiétude diffuse.
« Dans ce moment historique lourd, la mode est le seul territoire où on peut encore jouer, c’est ce que j’ai voulu faire en ce moment. La situation est tragique, il faut trouver des motivations pour travailler », souligne Maria Grazia Chiuri.
Le défilé se déroule dans un pavillon transformé en grotte dans le Jardin des Tuileries où Catherine de Médicis organisait des fêtes. « A l’époque les jardins baroques, c’était les espaces qui étaient hors de contrôle par rapport au palais qui, au contraire, était rigide et codifié », déclare à l’AFP l’artiste française Eva Jospin qui a sculpté cette grotte en strates de carton, son matériau de prédilection, « un déchet qu’on magnifie ».
« Il y a une grande liberté dans cette façon d’envisager la création, l’idée de créer son propre monde. Quand on traverse des temps difficiles, créer son propre monde est une ressource énorme dans lequel nous pouvons tous puiser », conclut-elle.