Véronique Leroy et Guillaume Henry chez Nina Ricci, l’imaginaire à l’oeuvre

Le temps d’un défilé, Véronique Leroy a pris ses quartiers, dans les salons de l’hôtel particulier de Mona Bismarck, avenue de New-York, Paris 16e,on n’aurait pas rêvé mieux comme décor pour sa demoiselle fantasmée,  » une jeune intellectuelle qui se construit une allure  » sexy  » – selon elle « . Avec elle, chaque mot compte, et ce qui est en suspens entre les lignes aussi, d’ailleurs, souvent, elle ajoute un petit sourire aux points de suspension qui terminent ses phrases. Depuis près d’un quart de siècle, la créatrice belge se raconte des histoires pour mieux construire des vêtements qui ont une âme, et l’un ne va pas sans l’autre. Du coup, sa garde-robe a toujours une dimension en plus, chargée d’imaginaire, mais rien d’écrasant : si ses vêtements sont placés sous le signe de la radicalité, ils laissent pourtant leur entière liberté à celles qui les portent. Sa demoiselle printemps-été 16 s’empare donc avec désinvolture d’une robe manteau à maxi-carreaux vichy en raphia de soie, d’une blouse en crêpe lourd à col 70 au bord coupé vif et surpiqué et d’une robe trois trous en maille crochet à jupe portefeuille qu’elle ceinture quand l’envie lui en prend d’un cuir drapé vert émeraude, moutarde ou violet. Forcément, tout ceci est non conventionnel, donc hors normes, hors diktats, hors champ et c’est en cela – plus la maîtrise de la coupe et l’inventivité des matières -, que Véronique Leroy force l’admiration.

Nina Ricci a fixé rendez-vous dans le salon d’honneur du Grand Palais, l’invitation cache en son sein une photo de l’Américaine Collier Schorr – gros plan estompé sur un morceau de visage que l’on devine adolescent, bouche rouge flamboyant. A la création, Guillaume Henry, deuxième saison dans cette maison qui n’ignore rien de la couture, c’est dire si la pression est à la hauteur de l’exigence, et de l’essence. Sous une lumière blanche, une première silhouette apparaît dans l’encadrement de la porte, là, tout au bout de cette espace un peu trop immense – on devine une robe-manteau de cuir noir posée à même la peau, diaphane et bouche taguée de rouge. Cette fille-là n’a plus grand-chose à voir avec celle qui six mois plus tôt, en caban oversize et jupe crayon de dentelles ouvrait la marche, elle a grandi, un peu dérapé, pris quelques coups, fait des choix qu’elle n’assume pas trop mal, la vie, quel tumulte. Que la garde-robe contemporaine de cette femme en devenir marie le cuir, l’organza, la brillance, la transparence, les plumes, la peau de vache et les couleurs qui dérangent n’est guère étonnant. De même, le choc entre le devant d’une robe-tablier – tel un vêtement de travail, utilitaire donc – et son dos effrontément sexy, décolleté profond, qui tient haut sur les fesses et s’attache au cou par un ruban flottant venant caresser la nudité. En trompe-l’oeil, un visage féminin s’affiche sur les robes tandis que les manches se jouent des longueurs et qu’un manteau oversize devrait pouvoir servir de carapace à une Nina qui parfois vacille. Un vestiaire, c’est un monde. Guillaume Henry l’a compris, qui se dépouille de son passé chez Carven où la fraîcheur était de mise. Il faut laisser sédimenter cette image du final, de dos, puis applaudir.

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