Fenty, futur hit ?

Au lancement de sa marque Fenty, chez LVMH. © Belga Image

Après la beauté et la lingerie, les vêtements. Récemment, Rihanna lançait sa propre marque de mode, en collaboration avec LVMH. En s’associant à la superstar, le groupe de luxe rompt avec les codes. Et entend clairement séduire les jeunes générations.

Depuis quelques années, les groupes de luxe cherchent à se réinventer pour assurer leur avenir et rajeunir leur image, avec en ligne de mire la génération Z. Et à ce petit jeu, il semble que LVMH ait décroché le gros lot. Le leader mondial du secteur détient en effet 50 % des parts de la marque récemment lancée par la superstar Robyn Rihanna Fenty. Si tout se passe comme prévu, Fenty deviendra une référence dans la fashion sphère, l’exemple type de la création d’une griffe au XXIe siècle.

La réputation des deux associés n’est plus à faire. Badgalriri compte plus de 74 millions d’abonnés sur Instagram, et derrière le colosse LVMH se cachent Louis Vuitton, Dior, Fendi, Celine, Givenchy et bien d’autres piliers de la mode. Le groupe n’avait plus fait entrer de marque sur le marché depuis Christian Lacroix en 1987, un label qui n’a jamais été rentable et fut vendu, il y a une dizaine d’années, pour une bouchée de pain, mais qui était conçu sur un modèle traditionnel. Le cas Fenty est bien différent puisqu’il s’agit ici de s’ancrer résolument dans l’air du temps, en approchant de manière innovante un secteur en pleine mutation. Ainsi, pas question d’investir dans des défilés et des boutiques ni d’imposer des saisons. Et ce pour plusieurs raisons : le climat, mais également la mondialisation – c’est toujours l’été quelque part -, le rythme effréné de l’industrie textile… et de la vie en général.  » You see it, you love it, you want it, a déclaré la chanteuse originaire de la Barbade au quotidien Women’s Wear Daily. Je suis impatiente. J’aime l’idée que l’on puisse acheter une pièce dès qu’on la voit.  »

Je veux d’abord voir à quoi ressemble un modèle sur mes propres hanches et sur mes cuisses.

Dès lors, la collection accueillera chaque mois une nouveauté, les vêtements et accessoires n’étant disponibles que sur la Toile. Les stocks ne seront pas réapprovisionnés, et il n’y aura jamais de réductions. Ces  » capsules  » seront toutes signées par des créateurs de talent. La première a été imaginée par Matthew Adams Dolan, candidat au prix LVMH l’an passé et déjà considéré comme le petit protégé de Rihanna à l’époque. Pour la seconde, Fenty a fait appel à Conner Ives, un Américain ayant étudié au Central Saint Martins College de Londres et qui avait habillé le mannequin Adwoa Aboah pour le gala du MET de 2018. Ce système de fonctionnement qui crée le désir se rapproche de celui de labels streetwear comme Supreme – qui possède quand même quelques boutiques, en nombre très limité -, mais adapté ici au haut de gamme.

Rihanna au défilé Savage X Fenty, une ode à la diversité des corps.
Rihanna au défilé Savage X Fenty, une ode à la diversité des corps.© Getty Images

Fashion queen

Connue depuis le début des années 2000 pour ses hits, Rihanna n’est pas styliste. Mais qui s’arrête à cela de nos jours ? L’ère du créateur virtuose est révolue. Fonder une marque forte, c’est là l’essentiel. Et la jeune femme de 31 ans, passionnée par la mode, a déjà collaboré avec différents acteurs du secteur. Elle a été la première égérie de couleur de Dior en 2015 et a travaillé avec Nivea, M.A.C. et Armani. Jusqu’il y a peu, elle était aussi à la tête de la ligne Fenty x Puma, sous l’égide de… Kering, le grand rival de LVMH.

En tant qu’entrepreneuse, la star a par ailleurs marqué les esprits avec Savage x Fenty, de la lingerie inclusive présentée pendant la Fashion Week de New York, en septembre dernier, lors d’un show au casting surprenant et innovant puisqu’il comprenait des mannequins de toutes les carnations et morphologies, y compris des femmes enceintes. De quoi faire carrément de l’ombre aux anges aux corps parfaits de Victoria’s Secret.

Vient ensuite la gamme beauté de la reine de la pop, Fenty Beauty. Cette collection de make-up a été présentée en 2017 par Kendo, l’incubateur de griffes cosmétiques appartenant à LVMH, qui oeuvre principalement pour Sephora. Ici aussi, diversité et inclusion sont les maîtres-mots : les fonds de teint et les anticernes existent en plus de quarante nuances. Le succès a immédiatement été au rendez-vous, avec des recettes de plus d’un demi-milliard d’euros en un an. Il restait alors à conquérir l’Asie. Chose faite : Fenty Beauty est disponible, depuis septembre dernier, à Hong Kong et à Séoul, et devrait bientôt l’être en Chine.

Formes et rondeurs

Pour le prêt-à-porter, les attentes sont toutefois plus modestes. Le directeur de la stratégie de LVMH a expliqué au magazine WWD qu’un chiffre d’affaires de plus de vingt millions pour la première année serait exceptionnel. Fenty Beauty est disponible dans plus de 1 600 magasins Sephora, alors que le label mode ne disposera que d’un unique point de vente : son site Internet. De plus, les prix seront plus élevés que ceux du maquillage.

Le projet se veut donc prestigieux, mais entend surtout briser les codes. Rihanna est seulement le second créateur noir à travailler pour LVMH, après Virgil Abloh (Louis Vuitton), et troisième si on prend en compte le Britannique Ozwald Boateng, qui a dessiné les collections masculines de Givenchy entre 2004 et 2007. Et, plus important encore, elle est copropriétaire d’une maison, et porte le titre de PDG, contrairement à Virgil Abloh. Une femme de couleur à la tête d’une marque de luxe, c’est une révolution.

Fenty promet par ailleurs des coupes généreuses adaptées à un éventail plus large de silhouettes.  » Je suis moi-même « curvy » « , a expliqué la créatrice au New York Times. Si je ne peux pas porter mes créations, cela n’a pas de sens. Je veux d’abord voir à quoi ressemble un modèle sur mes propres hanches et sur mes cuisses. Suis-je satisfaite du résultat ? Ou cette pièce n’est-elle destinée qu’à une top professionnelle ? « 

Tout cela fait en réalité partie de l’opération de renouvellement à grande échelle mise en place par LVMH. L’an passé, le groupe a engagé de nouveaux directeurs artistiques à la tête de toutes ses lignes masculines. Cette année, il lance Fenty, mais également Patou (lire par ailleurs). Le colosse vient aussi d’investir dans le label de Stella McCartney, le parfait exemple d’une démarche écoresponsable, pour apporter une touche green à son portefeuille en perpétuelle évolution.

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