John Galliano chez Maison Martin Margiela

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Le créateur qui fut excessif au point d’être renvoyé, ostracisé, condamné réintègre l’arène fashion dans une maison fondée par le plus discret des Belges.

Cela faisait des semaines que son nom était accolé à celui d’une maison qui a fait de la discrétion une façon de créer, de vivre, de travailler, de communiquer. Avec armes et bagages, John Galliano arrive donc, c’est officiel, aux commandes de la création chez Maison Martin Margiela, que les habitués appellent « MMM », « Margiela », voire « Martin » pour les amoureux de la première heure.

L’idée pourrait sembler incongrue, elle ne l’est pas tant finalement.

Parce que John Galliano est doué, personne ne peut le nier. Il a marqué la mode du XXe siècle et celle du XXIe. Pour le meilleur (ses collections et ses défilés) et pour le pire (ses propos racistes et antisémites qui provoquèrent son renvoi de chez Dior en 2009). Un nom pareil chez MMM ne pourra que faire du buzz, attirer une nouvelle clientèle et élargir le spectre commercial, de même que la notoriété – le but final du grand patron Renzo Rosso et de son groupe OTB qui possède la maison depuis 2002.

Parce que l’on sentait bien depuis quelques saisons que les équipes de création étaient parfois un peu déboussolées. La faute à des visions divergentes sur ce qu’il fallait faire ou pas, à grand renfort de consultants extérieurs. Ce qui ne met absolument pas en cause le talent et le travail fournit par les créateurs qui ont des lettres et de la mémoire – s’ils travaillent chez MMM, ce n’est pas par hasard, le spectre (bienveillant) de Martin Margiela n’est jamais loin quand il s’agit de repenser la garde-robe d’une femme ou d’un homme contemporain, sa façon de porter les vêtements et les accessoires, sa manière d’être au monde et aux autres. L’anonymat leur allait bien, c’était la règle de cette maison qui privilégiait le « nous » collectif en lieu et place du « je » égotique. Pourtant le nom de Matthieu Blazy, responsable de l’Artisanale et de la collection Défilé, avait fini par être écrit noir sur blanc dans la presse spécialisée, ce n’était pas un gossip mais une juste reconnaissance de ses très belles capacités – que nous avions déjà repérées quand il était encore étudiant à La Cambre mode(s) avant de se former chez Raf Simons puis MMM.

Parce que l’on est bien entré dans une autre ère. Ou du moins assiste-t-on à la fin de l’ancienne. Et que dès lors toute initiative, même avec effet de manches, est bonne à prendre, puisqu’il faut réinventer et réenchanter la mode. Il y a un peu plus d’une semaine, ce vendredi 26 septembre 2014, dans les salons de l’Hôtel Salomon de Rothschild, dans le très chic 8ème arrondissement parisien, MMM défilait. Les propositions stylistiques étaient référentielles (très beau travail sur le costume, avec rayures tennis) et primesautières (jolie envolée de marguerites constellées sur les tabi, les bagues, les blousons), même si le show n’avait plus ce côté « coup de gueule » puissant de ceux d’antan. Autre temps, autre moeurs. A l’entrée, on croisa certes les équipes en blouse blanche, chargées de l’accueil, comme d’habitude, mais on tomba aussi sur des cerbères en costume noir et cravate rouge, les « hôtesses » de la mode qui filtrent l’accès à tous les défilés (sauf celui) – ce qui fit dire à un connaisseur que c’était la définitivement la fin d’un monde.

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