La fin d’un monde en mode

Au défilé Chanel pour l'été 2019, Karl Lagerfeld en compagnie de Virginie Viard, qui lui a succédé à la direction de la création de la griffe aux deux C. © GETTY IMAGES

Karl Lagerfeld a tiré sa révérence, Sonia Rykiel, la griffe, disparu à jamais de Saint-Germain-des-Prés, et Martin Margiela, la boutique, quitté Bruxelles.

C’est peut-être un détail pour vous mais cela veut dire beaucoup pour la fashion sphère, et l’industrie y afférente. Car ces trois évanescences marquent la fin d’une ère – celle d’un créateur démiurge qui présida aux destinées de Fendi, de la maison à son nom et de Chanel durant plus de trois décennies ; celle d’une époque où le prêt-à-porter était descendu dans la rue tout de maille vêtu se nourrissant de la belle jeunesse soixante-huitarde ; celle de l’aura du quartier Dansaert, à Bruxelles, institué  » royaume de la mode « , avec, à sa tête, un Belge qui révolutionna le secteur en déconstruisant le vêtement pour mieux le reconstruire.

Le cas Karl, d’abord, avec son décès le 19 février. Il était né à Hambourg en 1933, fut le premier styliste de l’histoire moderne, travailla la fourrure comme personne pour Fendi dès 1965 et revigora la maison Chanel qui vivotait depuis la mort de Mademoiselle, on était en 1983. A l’aube du xxie siècle : après un scandale financier et un régime drastique, il créa le nouveau Karl Lagerfeld, immortel, corseté, avec catogan, lunettes et mitaines, sa marionnette en somme. Cet homme extrêmement cultivé et érudit était ainsi devenu le symbole même de la mondialisation, faisant de lui un logo que l’on pouvait dessiner d’un coup de crayon aiguisé.

Le cas Rykiel ensuite, avec la mise en liquidation de la maison déjà orpheline de sa rousse et géniale fondatrice morte en 2016, qui avait eu le culot de malmener les ourlets et de mettre l’envers à l’endroit et la maille sur les peaux nues. En juillet, faute de repreneur, sa griffe, aux résultats désastreux et possédée à 80 % par le Fonds d’investissement chinois First Heritage Brands, était enterrée, entraînant le licenciement de ses 131 salariés, la fermeture définitive de son bateau amiral parisien et la fin de son prêt-à-porter germano-pratin concurrencé par la fast-fashion mondialisée.

Le cas Margiela enfin, avec, en août, la fin de la boutique bruxelloise éponyme, qui fut la première du nom et qui était encore la seule enseigne indépendante de la marque fondée en 1988 par le créateur visionnaire. La faute, pour faire court, à la zone piétonne encore et toujours en friche, au tourisme de masse, au succès de la vente en ligne et aux désirs inassouvis d’acheteurs désormais versatiles. Demain est un autre jour.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content