La mode à l’état brut: comment porter le vêtement utilitaire?

vêtement utilitaire © imaxtree/SDP
Catherine Pleeck

Le trench, la parka, la marinière ou la combinaison d’ouvrier : conçues à la base pour travailler, ces pièces fonctionnelles se taillent une jolie place dans le vestiaire de ville. Avec réinterprétations à la clé.

Non, les podiums des défilés ne sont pas réservés à la dentelle, à la soie, aux robes du soir et aux autres tenues d’exception. On y voit également parader des pièces aussi basiques et fonctionnelles qu’un pantalon en denim brut, une veste imperméable ou une chemise militaire.

Cet été, c’est le trench qui a la cote. Il se pare de plumes d’autruche chez Prada, se porte asymétrique chez Michael Kors, court et totalement déconstruit chez le maître du genre, Burberry.

Marc Jacobs
Marc Jacobs© imaxtree/SDP

La parka n’est pas en reste, avec un joli travail créatif, notamment chez Stella McCartney, Marc Jacobs et Isabel Marant. Et si la marinière ne se démode toujours pas, la combinaison d’ouvrier, qui s’est imposée sur le devant de la scène il y a quelques saisons déjà, sort son épingle du jeu chez Vanessa Seward ou Sonia Rykiel.

« Ces vêtements fonctionnels plaisent particulièrement, confirme l’historien de la mode Xavier Chaumette. La mode est un phénomène cyclique. Après une période un peu baroque et excentrique, on aime revenir à des valeurs refuges. Ce sont des pièces qui rassurent, elles sont assez pudiques, loin du répertoire sexy. Elles permettent d’éviter toute erreur éventuelle de style et s’adaptent facilement à n’importe quelle personnalité. Pour les créateurs, pas besoin d’inventer quelque chose de neuf ; il suffit de réinterpréter ces classiques. »

Ceux-ci s’amusent donc à combiner des matières raffinées à des formes ou détails issus de vestiaires utilitaires. Ils actualisent à peine les volumes historiques, pour les rendre désirables ou les font évoluer grâce aux découvertes et évolutions technologiques de l’époque, comme le Zip en plastique, la toile en Nylon imperméable, le bouton-pression ou, plus récemment, les matières au pouvoir thermorégulateur. Tout est possible, du moment que l’ADN de base est respecté.

Vanessa Seward
Vanessa Seward© imaxtree/SDP

Si ce workwear est autant apprécié aujourd’hui, c’est aussi parce qu’il a un riche passé. « Son caractère un peu masculin est synonyme d’émancipation de la femme, précise l’historien français. Il est porteur de liberté et d’égalitarisme, comme le rappelle d’ailleurs la maison Dior depuis que Maria Grazia Chiuri est arrivée à la tête de sa création. » A noter qu’il a également pu se faire politique lorsque, durant la Révolution française, le pantalon a été adopté en signe de protestation contre la culotte des aristocrates.

« Ce dressing, conçu à la base pour les ouvriers, les militaires, les ruraux et les domestiques, sera aussi repris par la noblesse à la fin du xviiie siècle, mais pour d’autres raisons, poursuit Xavier Chaumette. Le monde a alors changé. Les chemises empesées et les corsets ne conviennent plus aux nouveaux modes de vie. Les nantis se mettent à faire du tourisme, séjournent l’été à la campagne, pratiquent un sport… Il leur faut donc trouver une façon plus confortable et pratique de s’habiller. » Une nouvelle tendance qui inspirera plus tard des créateurs comme Chanel et Patou. Ces derniers reprendront l’aspect solide, protecteur, rationnel et sobre de ces pièces, pour les introduire dans la haute couture, donnant par là un caractère fashion, et donc un peu plus éphémère, à un vêtement initialement pensé pour durer…

Parka attitude

Parka en taffetas, Pinko, 541 euros
Parka en taffetas, Pinko, 541 euros© imaxtree/SDP

Avec l’engouement pour de nouveaux modes de déplacement – vélo et scooter en particulier -, cette veste, initialement portée par les Inuits, s’est largement répandue ces dernières années.

Ses caractéristiques clés ? Un esprit sportswear, une coupe droite, une longueur s’arrêtant entre les hanches et le milieu des cuisses, une matière imperméable et coupe-vent, un col rabattu, une capuche, des poches plaquées, un système de liens coulissants au niveau des hanches, du bas du vêtement et des manches, des pressions ou un boutonnage cachés par un rabat…

Cela en fait des éléments parmi lesquels les créateurs peuvent piocher, afin de donner un air neuf à la parka !

Afin de casser son image beaucoup trop casual, on n’hésitera pas à la mixer à des talons ou un haut féminin, sans oublier de la laisser largement ouverte, lorsque la météo le permet.

Marin d’eau douce

Tee-shirt en jersey de coton, A.P.C., 110 euros
Tee-shirt en jersey de coton, A.P.C., 110 euros© imaxtree/SDP

A l’origine, la marinière était le maillot de corps des marins, ses rayures permettant de mieux les repérer s’ils tombaient à l’eau, à en croire la petite histoire.

« Les tricots blancs se portaient cachés, indique l’historien de la mode Xavier Chaumette. Ce sont les ouvriers qui ont commencé à les mettre en évidence, ce qui a fini par entrer dans les habitudes vestimentaires. »

Côté mode, nul besoin de rappeler que c’est Coco Chanel qui a introduit ce tee-shirt en jersey bleu et blanc ligné, durant la pénurie de la Première Guerre mondiale. Une pièce simple et pratique, qui contribue à libérer le corps de la femme.

Depuis lors, ce basique bicolore est revu et corrigé chaque été par bon nombre de créateurs. Et s’apprécie tout autant sur un petit short blanc, un denim clair que sur des talons de 12 centimètres.

La bonne combinaison

Combinaison en denim, Ba&sh, 230 euros
Combinaison en denim, Ba&sh, 230 euros© imaxtree/SDP

Désormais, le jeans est un habitué des catwalks.

« Ce vêtement usuel a tous les atouts d’une pièce idéale, et ce pour deux raisons, explique Xavier Chaumette. Non seulement il incarne parfaitement l’égalité homme-femme. Mais il évoque aussi la liberté et le progrès américain. »

Dans une version modernisée, il s’apprécie brut, façon bleu de travail.

A la mode cet été, mais aussi l’hiver prochain.

Une teinte monochrome à porter de pied en cap, accompagnée d’escarpins, de sabots ou de sandales féminines, histoire de ne pas passer pour le pompiste du coin…

Trench spotting

Sacai
Sacai© imaxtree/SDP

On le reconnaît à sa couleur sable et à sa matière imperméable. Souvent ceinturé, le trench-coat a été inventé par le tailleur britannique Thomas Burberry en 1879.

Popularisé durant la Première Guerre mondiale, il fut alors équipé d’épaulettes, afin de rendre le rang de l’officier visible, et d’un rabat sur le torse, pour protéger le revolver.

Un basique désormais iconique, qui se porte aussi bien accompagné de sneakers, dans un style streetwear, que mixé à une robe du soir, dans une optique plus sophistiquée.

Reste à trancher : la ceinture, lâche ou serrée au maximum ? A chacun de choisir son camp.

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