La mode et le sport, l’histoire d’un combo gagnant

Peter Knapp, Maillots de bain, pour Elle, 1971 Models in swimwear, phot by Peter Knapp, 1971 © Peter Knapp
Peter Knapp, Maillots de bain, pour Elle, 1971 Models in swimwear, photo by Peter Knapp, 1971 © © Peter Knapp
Anne-Françoise Moyson

Le Palais Galliera, à Paris, expose La Mode en mouvement. Ce parcours chronologique retrace une certaine histoire de la mode, du XVIIIe siècle à ce jour. Il y est question de corps sportifs, de sportswear, de tenues libérées, de cycliste, d’amazone et de baskets.

Il n’aura échappé à personne que Paris a désormais les couleurs des Olympiades. Se faisant l’écho de ces Jeux, le Palais Galliera expose vêtements et accessoires qui ont trait à la liberté de mouvement, depuis le XVIIIe siècle jusqu’à nos jours. Soit 200 pièces, placées en miroir où « le vêtement conçu pour l’activité physique et sportive est mis en regard du vêtement du quotidien ». Où l’on comprend l’évolution des tenues féminines ainsi désentravées, la masculinisation du vêtement pensé pour les dames, la modification des corps et leur libération, les canons de beauté mouvants et les innovations techniques si précieuses à la performance sportive.

Avec La mode en mouvement, on apprend un tas de choses fascinantes, qui décortiquent les modes et les époques. Ainsi, la naissance du sport moderne et le développement de l’activité physique trouvent leur origine au XVIIIe siècle en Angleterre, grâce aux aristocrates amateurs de loisirs de plein air, vite copiés par la société française, les élites d’abord, le peuple ensuite. La promenade est alors à la mode – cours, jardins publics, boulevards servent à la parade de citoyens qui « font usage de leurs pieds » tandis que les médecins prônant l’exercice physique s’interrogent sur le bien-fondé des contraintes vestimentaires, les baleines ne nuiraient-elle pas à la santé ?  

Robe à la française et jupe. Gros de Tours broché. Passementerie de soie. 1760-1775. Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris. © Palais Galliera / Paris Musées

On découvre dans la foulée que, Outre-Manche, les courses de chevaux, chasse au renard, boxe et lutte sont des passe-temps « groupés sous le noms de « sports », dérivé du français médiéval « desport » qui signifie « amusement ».

On apprend aussi que très vite, les théories hygiénistes font boule de neige, vive les bains de mer. Dès le début du XIXe siècle, les premières stations balnéaires éclosent. Et la mode qui va avec. Mais pas n’importe laquelle, elle est régie par des arrêtés municipaux, qui fixent les règles : les hommes et les femmes doivent se baigner séparément, se changer dans des cabines roulantes que les vagues viennent lécher et porter des costumes de bain couvrant, manches longues, pantalon aux mollet, en serge de laine, lin ou flanelle, avec corset, bas de laine, espadrilles et bonnet ou chapeau. On est loin du trikini.

Costume de bain, Belle Jardinière, vers 1815 © Palais Galliera / Paris Musées © © Palais Galliera / Paris Musées

On comprend aussi qu’avec le vélo, c’est une autre paire de manche. Surtout quand les femmes se mettent à enfourcher la monture, dans le sillage d’un engouement nouveau initié par la création en 1880 du Championnat de France de vélocipède. La Faculté de médecine y voit un danger pour la fertilité tandis que d’autres en appellent à la décence. Car pour monter sur une bicyclette, les femmes portent la culotte, ce vêtement fendu en deux piqué au vestiaire masculin. Forcément beaucoup y perdent leur latin, la frontière entre les genres étant ainsi floutée, o my god.

Vive le sportswear

 « La mode actuelle doit se conformer à la mentalité « sport ». Elle doit répondre aux exigences de notre vie active. » L’analyse est de Lucien Lelong, couturier français. Elle date de 1925. La Première Guerre est passée par là, et Coco Chanel et son jersey, de même Suzanne Lenglen – elle a remporté Wimbledon et jeté sa jupe longue aux orties pour oser porter une robe courte signée Jean Patou, qui dévoile ses jambes, et surtout, lui permet de bouger, donc de gagner.

Le sportswear américain peut débarquer, la minijupe, la combinaison chère à Courrèges, l’ensemble cocktail cycliste et veste à sequins de Chanel aussi.

. Ensemble tailleur « Surf » et planche, CHANEL par Karl Lagerfeld Printemps-Eté 1991. ‘Surf’ suit and board, CHANEL by Karl Lagerfeld Spring-Summer 1991. © CHANEL / Linda Evangelista / Collection prêt-à-porter Printemps-Été 1991
Ensemble tailleur « Surf » et planche, CHANEL par Karl Lagerfeld Printemps-Eté 1991. © CHANEL / Linda Evangelista / Collection prêt-à-porter Printemps-Été 1991 © © CHANEL / Linda Evangelista / Collection prêt-à-porter Printemps-Été 1991

Au tournant du XIXe siècle, le sportswear devient roi : « à l’ère de la mondialisation économique et culturelle et d’une forme d’uniformisation du goût relayée par les réseaux sociaux, les échanges entre les créateurs de mode et les équipementiers sont plus que jamais renforcés ». Avec Y-3, label sportswear né de l’union entre Yohji Yamamoto et Adidas, en 2003. Suivi de Balenciaga et Adidas, Sacai et Nike puis Gucci et Adidas en 2022, entremêlant leurs deux logos pour n’en faire qu’un.

Sneaker Converse, 2009 © Palais Galliera / Paris Musées © © Palais Galliera / Paris Musées

Et pour clore cette plongée dans La mode en mouvement, on s’initie si besoin à l’histoire des sneakers. Pour que la basket existe, il a fallu que Charles Goodyear mette au point son procédé de vulcanisation, c’était en 1839. S’ensuivirent la Converse Chuck Taylor All Star (1923), pour les pros uniquement mais très vite détournée et portée sur le bitume new-yorkais et ailleurs ; la Stan Smith (1964), la Superstar (1969), la Air Jordan de Nike (1985). Puis ayant flairé l’affaire, les maisons de luxe s’y mettent, début 2000, de Balenciaga à Dior, de Chanel à Valentino. Aujourd’hui icône de mode, la basket est tout à la fois objet muséal, de collection et de convoitise – un combo qui dit combien notre époque est décidément capitaliste et fétichiste.

La mode en mouvement, Palais Galliera. Jusqu’au 7 septembre 2024.

palaisgalliera.paris.fr

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