La mode qui fait le trottoir
Un film inspiré par le dernier défilé Louis Vuitton mais sans lien direct avec la marque de luxe fait le buzz. Certains y voient en effet une valorisation de la prostitution. Et si, finalement, tout cela était bien hypocrite ?
Le spectacle était pourtant joli, avec sa cinquantaine de mannequins sortant de chambres d’hôtel en carton-pâte, visages pâles, lèvres carmin et perruques noires décoiffées vissées sur le crâne. Sur leurs épaules, juste posés, des manteaux d’homme. En dessous, des déshabillés de soie, des nuisettes ou des robes transparentes en dentelle brodée. Porté par Kate Moss, qui arborait une des tenues les plus sages de cette collection hiver 13-14, ou même par cette top parcourant le podium un téton à l’air, ce vestiaire sexy provoquait un effet waouw garanti. Avec le sens de la mise en scène qu’on lui connaît, Marc Jacobs avait encore frappé fort, faisant une fois de plus du show Vuitton un moment puissant de la Fashion Week parisienne. La presse avait adoré, s’amusant même de ces projections d’hommes et de femmes se rhabillant sur les murs desdites chambres, s’ébaudissant de l’humour du créateur. Pensez donc : lui qui pèse plusieurs millions d’euros et génère pas loin de 45 % des revenus du groupe de luxe LVMH avait eu le bon goût de rappeler que tout cela ne lui est pas monté à la tête en apparaissant pour le traditionnel salut final… en pyjama, raccord à son décor. Tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes modeux.
Ça, c’était le 7 mars dernier, dans la cour carrée du Louvre. Ce n’est qu’après, dans l’univers virtuel du Net, des blogs et des tweets, que la belle mécanique s’enraye. Un clip, inspiré par le défilé, gêne aux entournures. Réalisé par James Lima, un habitué des tournages pour les grandes marques de mode, dont Prada, il a été commandé par la rédactrice en chef du très branché magazine britannique Love, Katie Grand. Laquelle est aussi une amie de Marc Jacobs, dont on murmure qu’elle est l’éminence grise. Mais que laisse voir ce « sulfureux » petit film ? Des it-modèles du moment – Cara Delevingne, Georgia May Jagger, Saskia de Brauw… – arpentant les trottoirs de Paname et montant dans des voitures de clients, fardées et (dés)habillées tout pareil que dans la scénographie orchestrée pour Vuitton, images entrecoupées de prises de vues backstage lors de la préparation du show. Les associations féministes dénoncent ce qu’elles perçoivent comme une glamourisation de la prostitution. La griffe, de son côté, dément toute filiation avec le film sulfureux. La blogosphère, oubliant qu’elle avait crié au génie quelques semaines auparavant, s’indigne. Faux débat. Jouer les vierges effarouchées mais après coup n’a jamais fait avancer la cause des femmes… ?
Delphine Kindermans, Rédactrice en chef
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