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Le dilemme écologique du denim: comment porter un jean sans culpabiliser ?

Katrien Huysentruyt Journaliste

L’industrie du jeans est une catastrophe écologique. Mais grâce aux innovations – et aux efforts des consommateurs  –, il est possible aujourd’hui de porter cet incontournable du dressing sans (trop) malmener la planète.

Même si elles sont réputées solides, les toiles de Nîmes qui trônent dans nos penderies finissent par s’user. Et vient alors le jour où il devient indispensable d’acquérir un nouveau jeans… Quand on sait que ce secteur de la mode compte parmi les plus polluants, il y a toutefois de quoi douter: veut-on vraiment collaborer à cette catastrophe environnementale? En effet, l’obtention du kilo et demi de coton destiné à la confection d’un seul pantalon nécessite jusqu’à 1.500 litres d’eau.

Des produits chimiques lourds, nocifs pour l’homme et pour l’environnement sont employés pour donner au denim sa couleur caractéristique et son effet délavé. De plus, les boutons, fermetures Eclair et étiquettes rendent le recyclage compliqué. Et nous ne parlons même pas de la consommation d’énergie, des conditions de travail et de la détérioration de l’écosystème autour des usines. Et comme 4,5 milliards de jeans sont vendus chaque année, cela ne fait qu’aggraver la situation. 

Teintures écologiques

Au vu de ces chiffres, les fabricants ont dès lors intérêt, pour ne pas perdre une clientèle de plus en plus soucieuse de la planète, à rendre l’industrie du jeans plus durable. Les efforts se multiplient donc en ce sens. Ainsi, les cultivateurs de coton bio utilisent moins d’eau que pour le coton classique. Au lieu d’extraire de l’eau du sol, ils recourent davantage à de l’eau de pluie et s’interdisent les engrais et les pesticides artificiels.

Résultat: moins d’émissions de CO2 et moins de répercussions sur la santé des cultivateurs de coton. Les chercheurs sondent également activement des techniques de teinture alternatives, telles que la fermentation ou l’utilisation de déchets végétaux, de sucre ou de minéraux. Récemment, des scientifiques danois ont découvert une méthode prometteuse pour teindre le denim sans produits chimiques toxiques, à savoir par le biais de l’indican, une molécule apparentée à l’indigo.

Recyclé, loué, sur demande…

En parallèle, le recyclage, le surcyclage, la production sur commande et le leasing sont autant de possibilités écologiques. Certaines marques cochent seulement une des cases, alors que d’autres mettent tout en œuvre pour assurer la durabilité de leurs produits.

Ainsi la marque belge HNST mise sur le design circulaire astucieux: des tissus et des revêtements 100% naturels, pas de rivets mais des broderies, des boutons amovibles et réutilisables et des étiquettes en cellulose. Les Mud Jeans, circulaires eux aussi, peuvent être pris en leasing. La marque fournit également la réparation. Avec des prix démarrant à 130 euros, ces modèles ne sont finalement pas vraiment plus chers qu’un Levi’s 501. Le label britannique Hiut Denim offre, quant à lui, un service de réparation à vie pour les jeans artisanaux. Pour cela, il faut néanmoins ici compter 300 euros.  

Seconde main incontournable

Et quid du consommateur? Même si nous optons pour une pièce confectionnée de manière durable, nous avons notre part de responsabilité. Conserver dix pantalons dans sa garde-robe n’aide pas la planète. Voyons cela comme un «Cost Per Wear» écologique: notre compte en banque et l’environnement en profiteront si on porte une pièce souvent et longuement.

Et la meilleure façon de faire baisser ce CPW est d’acheter en deuxième main. A peu près tout le monde possède, à chaque phase de sa vie, un ou plusieurs jeans, que ce soit un mom jeans des années 80, des baggy pants des années 90, le Y2K skinny ou low rise: il en résulte des tas de jeans vintage potentiels parmi lesquels nous trouverons sûrement notre bonheur.

Cependant, notre trouvaille vintage ne pourra avoir une deuxième vie que moyennant un entretien selon les règles. Le denim doit être le moins possible en contact avec l’eau et le savon. Pour les connaisseurs, c’est le premier commandement: Chip Bergh, CEO de Levi’s, ne lave jamais ses jeans. Hiut Denim Co. a même lancé un énorme «No Wash Club», dont la règle absolue est: «six mois fermes sans lavage».

Cela permet de mieux maintenir la couleur, de ralentir l’usure du pantalon et d’éviter le gaspillage d’eau dû aux lavages superficiels. Lorsqu’une lessive s’impose vraiment, il faut retourner le pantalon et opter pour un lavage à la main à l’eau froide ou en machine sur programme délicat, sans essorage. Les adoucissants et le sèche-linge sont néfastes pour la forme et la couleur. S’il reçoit suffisamment d’amour et une retouche de temps en temps, un bon pantalon peut durer des dizaines d’années. 

Pour un vieillissement naturel, on privilégie le tout bio

L’interdiction de lavage vaut particulièrement pour le raw denim, l’original bleu foncé. Comme ce jeans n’a pas subi plusieurs lavages et traitements, il est le plus durable. Au lieu d’un exemplaire usé artificiellement, on a un jeans qui vieillit de manière naturelle: à force d’être porté. En ce qui concerne la composition, privilégions le coton (bio) pur.

Le skinny, mais aussi le jeans stretch, se compose toujours d’un mélange de coton et de matériel synthétique, difficile à recycler et d’un grand nombre de microplastiques qui se libèrent lors du lavage. Méfions-nous des promesses écologiques vagues et vérifions l’étiquette minutieusement, à l’affut d’une certification fiable telle que Cradle to Cradle Certified, Better Cotton Initiative ou le Global Organic Textile Standard européen, qui garantit que le coton a été cultivé de manière biologique et sans produits chimiques.

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