Nos favoris de l’été: le sulfureux slibard
Bad boy australien, sportif émérite, icône gay et bête noire du cinéma, le slip de bain a envahi cet été, une bonne fois pour toutes, les plages et Instagram.
Si l’histoire du swimwear plonge ses racines dans l’Antiquité – avec des pagnes pour ces messieurs et des paléo-bikinis pour ces dames, portés sur la terre ferme puisque la baignade s’effectuait dans le plus simple appareil -, celle du slip de bain masculin est assez récente. En 1960, Speedo offre à Peter Travis un poste au sein de la société australienne; il est chargé de concevoir des vêtements de loisir dont un short hawaïen, particulièrement en vogue à l’époque. Rebuté par le manque d’originalité de la demande, il imagine un maillot avec lequel on peut aisément nager: une pièce triangulaire, posée bas sur les hanches et découvrant complètement les cuisses. L’année d’après, une poignée d’hommes se pavanent à Bondi Beach, dans la banlieue de Sydney, arborant le séduisant morceau de tissu. Il n’en faut pas davantage pour que l’inspecteur de plage convoque la police qui arrête ces adeptes du bronzage pour exhibitionnisme. Les accusations sont finalement rejetées par un magistrat au motif qu’aucun d’eux ne montrait… de poils pubiens. Et le simple fait divers s’érige en véritable coup de pub pour l’entreprise qui voit son nom devenir synonyme de « slip de bain » dans les pays anglo-saxons. Un mythe venait de naître.
Sport et homo-érotisme
Si sa popularité à la mer ou aux abords des lacs est d’une importance somme toute relative – à cause de son hyper-connotation et de son côté (très) révélateur -, l’objet clivant se fait une place de choix dans les sports nautiques grâce à son design élaboré. Aux jeux Olympiques de 1968, 27 des 29 médaillés d’or revêtaient cet équipement; aux JO de 1972, ce sont 21 des 22 records du monde qui ont été battus par des inconditionnels de speedos. Ensuite, il deviendra même la norme pour les plongeons de compétition et le water-polo.
En plus des sportifs pros ou amateurs, le slip de bain conquiert un autre public. Rapidement, les homosexuels, conscients de ses aspects érotiques, se l’approprient. Il est vrai qu’avec ses effets de coupe, de matière, de transparence ou de couleur, l’habit joue à fond la carte du caché-dévoilé et, paradoxalement, attire les regards sur ce qu’il dissimule. Dès lors, il évolue en choix vestimentaire lié à la sexualité ainsi qu’en marqueur identitaire culturel. D’ailleurs, les fabricants n’hésitent pas à produire des modèles spécifiquement destinés aux gays. En témoigne la griffe californienne Rufskin avec ses créations aux patronymes évocateurs tels que « Dick » ou « Big D ».
Instagram à défaut du cinéma
Sur le grand écran, le petit maillot ne s’illustrera jamais brillamment. James Bond, incarné par Sean Connery ou Daniel Craig, lui préférera le shorty moulant; Alain Delon (dans La piscine) et Jude Law (dans Le talentueux Mr. Ripley), le caleçon long. Pire encore: il obtiendra, injustement, le rôle de pièce digne d’être moquée. De Christian Clavier dans Les Bronzés jusqu’à Franck Dubosc dans Camping, en passant par Mike Myers dans Austin Powers, la liste est longue.
Qu’importe! A la manière d’une douce vengeance, il s’illustre joliment sur Instagram, collant délicatement à la peau satinée des éphèbes. Le palmarès des marques les plus représentées ces derniers temps? CDLP, KVRT STVFF, Ron Dorff, Kust., Commas et Ludovic de Saint Sernin. Soit des labels hautement désirables, tous nés après 2014. Et ce come-back remarquable ne se limite pas qu’au numérique. Cette saison, ce bout de textile balnéaire a défilé sur les podiums de Versace et de Dolce & Gabbana, s’est fait immortaliser dans le lookbook de Lazoschmidl et s’est imposé comme fashion statement dans la première collection de Matthew M. Williams pour Givenchy. Alors les gars, prêts à se jeter à l’eau?
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