Le temps de l’upcycling: les créateurs redonnent vie aux matériaux de récup’

Chez Eva Velazquez, à Knokke, des vêtements d'époque revisités. © SPD

Le surcyclage a pris une ampleur sans précédent ces derniers mois, boosté par la crise sanitaire, le temps passé en confinement et les stocks d’invendus des marques. Même les griffes de luxe s’y mettent. Tout bénéficie pour la planète et pour la créativité.

Le phénomène n’est pas neuf, soyons clair. Il y a des années déjà, des créateurs visionnaires ont misé sur la carte de l’upcycling. Ainsi, depuis 2014, Eva Velazquez sauve, à son échelle, les vêtements anciens d’une petite mort. Elle chine des tenues d’époque, non griffées, les restaure et leur donne un nouvel élan, dans ses boutiques de Bruxelles et Knokke. « Quand on achète aujourd’hui, on a un peu perdu cette notion du temps qui donne une dimension complètement différente de ce que nous portons sur nous, dit-elle. J’explique et je transmets ça à mes clients. C’est comme une espèce d’éducation, sur les matières et la façon. C’est une petite goutte dans l’océan, mais si je touche une personne, c’est déjà génial. » Et la créatrice belge n’est qu’un exemple parmi d’autres, souvent anonymes même, parfois solidaires aussi, comme le furent les défilés organisés autrefois par Les Petits Riens et présentant des pièces de récup’ revisitées…

Chez Eva Velazquez, à Knokke, des vêtements d'époque revisités.
Chez Eva Velazquez, à Knokke, des vêtements d’époque revisités.© SPD
Collection capsule de
Collection capsule de© MAISON MICHEL

Mais ce qui est plus neuf, c’est que désormais, le surcyclage – comme on dit en bon français – a pris le chemin des catwalks et s’est immiscé dans les pratiques des grandes maisons. Certes Hermès, par exemple, avait déjà montré la voie du luxe revisité à bon escient avec son labo créatif petit h. Celui-ci revalorise, depuis 2010, les matériaux non utilisés ou non commercialisés par le sellier en des séries inédites d’objets.

L'atelier petit h.
L’atelier petit h. « C’est un lieu magique, où les matières de tous les départements de la maison sont entreposées. Ce sont des matières qui ne sont plus utilisées car elles ont un petit défaut, c’est une fin de collection ou il s’agit d’essais de bains de teinture qui n’ont finalement pas abouti dans les collections. »© SDP

Mais désormais l’upcycling s’érige en véritable lame de fond. Tout ça a commencé avec quelques avant-gardistes comme Marine Serre qui, depuis ses débuts, réutilise les matières textiles et les transcende en un dressing qui fait sens. Sa collection pour l’hiver 21-22 comprend des pièces en patchwork de cuir, de couvre-lits, d’écharpes et de tapis. Début 2021, elle s’est par ailleurs associée à la plate-forme de vente en ligne Mytheresa pour une ligne upcyclée. Côté outdoor, on pointera également Patagonia qui propose, depuis 2019, ReCrafted, une ligne de pièces uniques réalisées à partir de chutes de tissus. Maison Martin Margiela, pour sa part, a également emprunté ce chemin en 2020, avec sa gamme Recicla.

L'hiver 21-22 de Marine Serre, toujours caractérisé par les patchworks.
L’hiver 21-22 de Marine Serre, toujours caractérisé par les patchworks.© IMAXTREE

Merci la Covid!

Toutefois, avec la pandémie, les jours passés par les créateurs à domicile à se repenser et, surtout, les stocks excédentaires générés par la fermeture des boutiques, l’upcycling a pris définitivement son envol. Il faut dire que selon des chiffres annoncés par diverses sources, ces invendus représenteraient une valeur estimée à quelque 150 milliards d’euros. Ainsi, l’automne dernier, lors de son défilé, la Britannique Stella McCartney, déjà très engagée dans la durabilité, a présenté son Manifeste de A à Z pour faire bouger les lignes. Au R, on retrouvait « Repurpose », un mot qui résume la volonté de la Britannique de revaloriser, dans toutes ses collections, les chutes textiles et d’anciennes pièces.

Dans ses pas, les initiatives se sont multipliées avec notamment, cet été, une basket LV Trainer, chez Louis Vuitton Homme, fabriquée avec les cuirs upcyclés de modèles anciens ; ou encore des sacs Edith, griffés Chloé et conçus sur la base de versions vintage du même accessoire pour l’hiver à venir. On pourrait aussi pointer les couvre-chefs de la capsule Legacy Parade de Maison Michel et les sacs en cuir réutilisé et tressé de Loewe pour son Surplus Project, disponibles en novembre. Même le groupe LVMH a lancé une plate-forme, Nona Source, pour revendre à bons prix, aux jeunes labels et créateurs, les surplus de tissus de ses marques. Chez nous, c’est la Maison Natan notamment qui a embrayé avec une ligne de vêtements transformés, Circular. Pour ce faire, les pièces non vendues sont repensées sous une nouvelle forme.

La LV Trainer de Louis Vuitton, faite de modèles anciens.
La LV Trainer de Louis Vuitton, faite de modèles anciens.© GREGOIRE VIEILLE
La collection Circular de Natan, été 21.
La collection Circular de Natan, été 21.© Fashion Victim

Une bonne nouvelle donc pour la planète mode, et la planète Terre, quand on sait que, juste en Belgique, chaque personne se débarrasse en moyenne de 10 à 15 kg de vêtements par an. En marge de ces exemples sous les feux de la rampe, c’est d’ailleurs toute une génération de créateurs, d’influenceurs et de passionnés de couture qui popularise l’upcycling à sa façon. La multitude de comptes Instagram nés durant ces lockdowns en témoignent… et apportent l’inspiration à ceux qui voudraient s’y mettre. Une armée de fourmis ingénieuses, pour changer les choses.

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