Les blogueuses sont-elles achetées? Les internautes répondent

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Alors que le numéro de juillet de Glamour enquête sur le business des blogueuses de mode, les lecteurs du blog Café Mode s’étaient déjà exprimés sur le sujet début mai. Morceaux choisis.

Depuis cinq ans, l’influence des blogs de mode ne cesse de croître. Très intéressées par ce nouveau pouvoir de prescription, les marques tissent des liens de plus en plus étroits avec leurs auteurs, n’hésitant plus à les inviter à leurs défilés, à leur envoyer des produits ou à leur demander des billets sponsorisés via des agences. Déroutés, les internautes ont de plus en plus de mal à distinguer les authentiques coups de coeur des blogueuses de la publicité déguisée. Journaliste à Lexpress.fr/Styles mais également rédactrice du blog Café Mode, j’ai moi-même décidé de lancer le débat sur mon blog le 10 mai dernier. Les réactions ne se sont pas fait attendre.

Perte de fraîcheur

« Je préférais nettement la blogosphère du temps où les filles se prenaient en photo dans leur miroir et bidouillaient des looks avec trois fois rien » écrit Claire Poipoi, résumant ainsi le ras-le-bol de nombreuses lectrices de blogs féminins. « Lorsque j’ai commencé à lire des blogs […], j’adorais y trouver un avis authentique sur une crème de jour, des bons plans, etc… mais je savais que ça ne durerait pas et que les blogueurs seraient vite rattrapés par le commercial » surenchérit Bénédicte.

Dès lors, plusieurs décrochent, comme Valérie S, qui a décidé de ne plus lire certains blogs « très connus parce qu’ils n’avaient plus la fraîcheur de leurs débuts. Ce que j’attends d’un blog ce n’est pas une armada de produits testés en tout genre mais un échange d’idées, une ouverture culturelle… » Bobby lui fait écho: « Je ne veux plus lire sur 10 blogs différents la critique ‘spontanée’ de telle nouvelle crème de jour-super-efficace ou la redécouverte-quelle-surprise-! de telle marque de vêtements bas de gamme… le tout assorti, quel hasard, d’un petit bon de réduction pour passer commande en ligne... »

C’est attirant d’avoir des cadeaux… Je blâme plutôt les marques qui profitent de ce filon!

Personne n’est dupe

Au départ plus reines de la débrouille que modeuses à haut pouvoir d’achat, les fashionistas du web arborent pourtant de plus en plus de vêtements et d’accessoires onéreux. Une dérive que dénonce AMD: « Certaines nous vendent des rêves et nous laissent croire que nous, filles de 18 ans, il nous suffit d’ouvrir un blog pour être bien super sapées et porter du Chanel. Et c’est là que ça me dérange. »

Haro sur les billets sponsorisés
Parmi les reproches lancés aux blogueuses, se faire payer par une marque pour publier un article sur l’un de ses produits est la pratique la plus critiquée: « J’ai personnellement horreur des articles sponsorisés, qu’ils soient ou non déclarés comme tels. Le changement de ton par rapport au reste du blog est toujours perceptible, ça sonne toujours faux » remarque Stella. Une animosité qui se retourne également contre la marque: « C’est toujours attirant d’avoir des cadeaux que l’on ne peut pas s’acheter en temps normal […]. Finalement, je blâme plutôt les marques qui profitent de ce filon » assène ainsi Christell.

Transparence et cohérence
Tout le monde ne rejète pourtant pas en bloc les billets sponsorisés. L’essentiel est plutôt qu’ils soient clairement signalés: « Oui aux vrais bons plans, aux billets sponso qui peuvent réellement intéresser les lecteurs, aux compliments vrais et à l’affichage de la mention « article sponsorisé« . Non au mensonge, aux produits qui n’ont rien à voir avec le blog, à l’ambiguité » prône Nadia. Gachoucha va dans le même sens: « Je suis personnellement pour une plus grande transparence et j’avoue que j’aime bien lire « on m’a invité à tel événement, j’y suis allé et je vous en parle parce qu’effectivement cette marque me ressemble ». Je trouve que l’approche est cohérente. »

Amalgame

Toutes les blogueuses ne respectant pas ce souhait de transparence, quelques unes trinquent sans l’avoir forcément mérité: « Le problème c’est que finalement tout le monde est un peu mis dans le même panier. On m’accuse de plus en plus (à tort) de faire de la publicité déguisée. J’essaie pourtant de toujours dire clairement si quelque chose m’a été offert ou non » se plaint Eléonore Bridge. Nadia signale des dérives du même ordre: « Ce que je trouve gravissime, c’est de devoir dire que l’on a payé les fringues que l’on porte. Et ça m’arrive de plus en plus souvent, surtout si je parle d’un e-shop. »
Absence d’une réglementation claire

Face à l’opacité du système actuel, Eléonore souhaite « une réglementation comme elle existe aux US, au moins les choses seront claires. » Mario précise tout de même que la loi française encadre déjà ce type de pratique: « La mention « article sponsorisé » doit apparaître si le blogueur est rémunéré pour l’article qu’il publie. Est-ce respecté et contrôlé? Rien n’est moins sûr… » Comme souvent sur Internet, le problème n’est donc pas tant l’établissement de nouvelles règles que la nécessité de faire respecter celles qui existent déjà.

Au lecteur de faire la part des choses

En attendant, Annak fait preuve de bon sens: « Lectrices, faites le tri vous-même. C’est mieux encore qu’une loi. » Karène est d’accord: « Si le lecteur n’est pas d’accord avec ce type de pratique à lui de passer son chemin. Personne ne nous force à lire ce type de blog. » Et Valentine d’enfoncer le clou: « Au fond, à chacune, aussi, de lire des blogs intéressants. C’est comme acheter telle ou telle presse, ça dépend aussi de ce qu’on y cherche… »

Gachoucha, de son côté, guette les ruptures de ton: « Si les lecteurs aiment le blogueur, souvent ils s’accommodent de la pub qui va avec. Là où cela se complique, c’est quand un blogueur « rompt le contrat » de départ et se met à faire de la pub à tout va alors qu’il n’en faisait pas du tout. »
Professionnalisation

Derrière ces considérations se pose la question de l’indépendance financière: « Faut-il chercher à tout prix à vivre de son blog? » s’interroge Audrey. Géraldine, elle, en apprécie « l’amateurisme (sans aucune connotation négative). Le propre d’un blog, originellement, est d’être un lieu d’expression non professionnel. Il est issu du plaisir, de l’envie de prendre la parole. […] C’est cette non professionnalisation (amateurisme + indépendance économique) qui a fait son succès, c’est également en elle, me semble-t-il, que réside sa crédibilité. »
Certains journalistes fonctionnent à fond aux cadeaux, et les photos de looks se choisissent en fonction des annonceurs du journal.
Dès lors, que se passe-t-il lorsque des blogueuses parviennent à vivre de leur site? Gachoucha, qui a décidément beaucoup réfléchi sur le sujet (au point de rédiger une thèse sur les blogueuses), apporte un début de réponse: « Il est sûr que savoir que l’on peut (très bien) gagner sa vie en faisant un blog ne risque pas d’attirer les meilleures motivations de la terre. Maintenant, je suis convaincue que seuls les blogs qui ont su créer un contenu pertinent et de qualité et/ou créer un vrai lien, authentique, avec leur lecteurs vont durer. »

L’écueil de la presse

Difficile d’évoquer l’indépendance des blogueuses sans faire un parallèle avec la presse: « C’est vrai aussi que le même problème se pose dans la presse écrite. Certains journalistes fonctionnent à fond aux cadeaux et […] les photos de looks se choisissent en fonction des annonceurs du journal. En gros c’est de plus en plus rare de trouver une parole vraie non sponsorisée! » se désole Fiona.

Journaliste à Elle mais également blogueuse, Sophie Fontanel apporte son éclairage: « C’est vrai que tous les magazines sont soumis eux aussi à la pression des annonceurs. Un journal comme Elle doit résister à ça et gérer ça tous les jours. La force d’un journal, c’est qu’on est plusieurs pour affronter la marque puissante, et on peut leur opposer une loi du journalisme. » La blogueuse, elle, doit se débrouiller seule.

Et vous, que pensez-vous des liaisons tumultueuses qu’entretiennent les blogueuses mode avec les marques? Réagissez en commentaire.

Géraldine Dormoy

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