Les lunettes artisanales: du fait main pour une pièce unique

Loft © SDP
Katrien Huysentruyt Journaliste

L’artisanat a plus que jamais la cote. Désormais, même les lunettes solaires se tournent vers le fait main pour offrir au bout de notre nez un peu de luxe durable et authentique.

« Les gens qui portent des lunettes cherchent de plus en plus souvent une pièce unique, quelque chose d’innovant. Le fait que leur paire de lunettes corresponde parfaitement à leur style ou à leur personnalité représente une valeur ajoutée. Ils veulent surtout un accessoire durable: ils attachent beaucoup d’importance à la qualité. Avec des montures artisanales, il est aussi plus facile d’effectuer une réparation ou de commander un élément. On est sûr d’avoir cette garantie. » C’est le constat que porte Tom Buysse, le fondateur du lunetier Loft, qui ne vend, en Belgique et aux Pays-Bas, que des montures uniques et fabriquées manuellement.

Andy Wolf
Andy Wolf© SDP

Jusqu’à présent, la plupart des lunettes de soleil étaient fabriquées dans des usines situées en Asie et en Italie, les marques traditionnelles travaillant de manière automatisée. Face à cette standardisation, il n’est donc pas étonnannt que le consommateur de plus en plus exigeant lorgne dans d’autres directions, plus qualitatives à ses yeux. Des marques artisanales comme Theo, Anne & Valentin, Masunaga, Moscot ou Lunor fabriquent en effet leurs lunettes elles-mêmes et disposent de leurs propres ateliers ou collaborent avec des artisans, principalement du Jura. De cette manière ces labels peuvent tout gérer de A à Z: le design, les échantillons, les expérimentations de matériaux et les finitions. Les montures peuvent aussi être adaptées en fonction de la tête, du nez, de la position des oreilles… Une démarche responsable qui prend néanmoins beaucoup de temps: « Chaque élément est produit manuellement, chaque exemplaire passe par 70 à 200 étapes, précise Tom Buysse. Les marques non artisanales mettent les lunettes dans des moules et les polissent chimiquement. Il suffit que le dernier tour de vis soit effectué en Italie pour obtenir le label « Handmade in Italy ». On peut comparer ça à la mode durable par rapport à la fast fashion: les griffes qui produisent manuellement accordent beaucoup d’importance à leurs artisans et les traitent en conséquence. »

On peut comparer ça à la mode durable par rapport à la fast fashion

Mykita
Mykita© SDP

Mais pour Marie-Pier Larose, manager pour la marque belge Komono, la fabrication de lunettes haut de gamme nécessite l’intervention de la main de l’homme, quel que soit le lieu de production. « On associe souvent le « Made in Italy » avec de la haute qualité, mais nos fabriquants chinois se situent certainement au même niveau. En fait, pour notre secteur, les clichés liés au « Made in China » ne sont plus valables: plus de la moitié du processus se déroule manuellement et s’appuie sur l’expertise des travailleurs. La production en soi, sans compter le développement, prend de 75 à 100 jours, en fonction des matériaux. » Par ailleurs, Komono a mis sur pied cette année une collection capsule en provenance d’Italie du Nord.

Zylo
Zylo© SDP

Avec ou sans licence

Komono est cependant l’un des rares fabricants indépendants. Le monde des lunettes se trouve surtout aux mains de groupes internationaux qui achètent les licences de marques connues pour les vendre sous ce nom. Le plus important de ces groupes, Luxottica, fabrique non seulement les lignes Prada et Chanel mais possède aussi le plus grand fabricant de lentilles (Essilor), des chaînes d’opticiens comme Pearle et même une assurance-santé, EyeMed. Tom Buysse avertit: « Les sociétés de licence ne sont pas très transparentes sur leur production. Elles fabriquent des modèles pour des maisons de haute couture sans qu’un seul de leurs représentants y ait été impliqué. Avec les rachats, elles infiltrent toutes les strates du marché et agrandissent leur monopole. Et le consommateur ne sait rien de tout ça. »

Mais existe-t-il vraiment une différence entre un produit de masse vendu chez Primark et une paires de Ray-ban par exemple? « Dans les foires dédiées aux opticiens, il y a le « hall asiatique », où l’on peut commander des containers entiers à bas prix. Il s’agit là des lunettes de soleil qu’on trouve dans les chaînes de prêt-à-porter. Sans vouloir porter préjudice aux grandes marques: la différence de qualité entre un exemplaire fast fashion à 15 euros et certaines paires à 150 euros avec un logo n’est pas énorme si on les compare à une pièce artisanale », estime Tom Buysse.

Oliver Peoples - Takumi
Oliver Peoples – Takumi© SDP

La marque californienne Oliver Peoples (propriété de Luxottica) a sorti, cependant, il y a peu, une collection Takumi, hommage au savoir-faire artisanal… japonais. « Le fait que des marques de licence commencent justement maintenant à collaborer avec des producteurs artisanaux joue sur la demande des consommateurs mais en dit beaucoup sur leurs méthodes de production habituelles », regrette Tom Buysse.

Conscientisation générale

Reste que les gammes artisanales peuvent paraître plus chères au grand public. Ce que réfute Tom Buysse: « Pour 80% de nos montures, il faut compter au maximum 300 euros, pas plus que pour une marque de luxe. Les griffes que nous vendons ne se distinguent pas par leurs grands logos mais par leur qualité. Certains s’inscrivent sur liste d’attente pour un sac Birkin parce que c’est prestigieux, mais d’autres économisent pour un exemplaire vintage parce que le sac est beau et fabriqué à la main. Cela vaut aussi pour les lunettes. Il y a également des opticiens qui fabriquent eux-mêmes des montures pour leurs clients, à très petite échelle et à la demande. C’est plus intéressant qu’une pièce à la mode. »

Andy Wolf
Andy Wolf© PHOTOS: SDP

Une bonne nouvelle pour la durabilité donc, d’autant que l’heure est à une consommation raisonnée. « Ces dernières années, les tendances évoluent moins rapidement. Les formes ne changent pas aussi vite et sont moins liées à une époque. Certains modèles peuvent rester plus longtemps dans notre assortiment. En plus, les clients qui viennent pour un nouveau modèle font souvent réparer leur ancienne paire », conclut Tom Buysse.

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