Los Angeles, la nouvelle capitale de la mode ?

© Dior

Révélatrice d’un mouvement amorcé plus tôt, la dernière Fashion Week américaine a vu s’opérer un glissement de la côte est vers la Californie. De là à affirmer que la Cité des anges, plus libertaire que New York, est en passe de détrôner sa rivale dans la course fashion, il y a un pas…

Dans la cartographie très particulière des capitales de mode, il faut désormais compter avec Los Angeles. Mais avec ses singularités, le soleil californien au-dessus, l’océan Pacifique d’un côté, le désert Mojave de l’autre, cela vous forge un visage. Alors quand Tommy Hilfiger décide de défiler à Venice Beach, il invente un Tommyland plus californien que nature, avec fête foraine, food trucks, avocado toasts, filles en micro-shorts, hipsters en rollers, graffeurs inspirés, combi VW bicolores, Millennials en VIP et Fergie sur scène. Au décor ultracool, il ajoute une machine de guerre destinée à amplifier le  » see now buy now « , cette nouvelle attitude qui veut que ce que l’on voit sur les podiums est d’emblée disponible et qu’il a adoptée avec un pragmatisme cher à l’American dream. Le 8 février dernier, Gigi Hadid ouvrait le bal, visible en Livestream dans le monde entier et achetable illico dans les pop-up stores de ce show ambiance Coachella ou via l’appli Tommyland Snap : Shop. Il suffisait de scanner la silhouette qui défilait et hop, direction le site pour la commander. A la fin de la journée, sur 55 looks portés, 18 étaient épuisés, hashtag sold-out.

Si un créateur new-yorkais, chantre d’une mode WASP, vient ainsi se la jouer cool sur la côté ouest, c’est parce que d’autres y ont fait le déplacement avant lui, transformant la Cité des anges en haut lieu du désir modeux. Dès 2012, Hedi Slimane, fraîchement nommé directeur artistique de la maison Saint Laurent, exige en effet que le studio de création quitte la Ville lumière et emménage dans cette mégapole qu’il a faite sienne cinq ans plus tôt. En février 2016, il snobait définitivement la Fashion Week parisienne et défilait en un show chant du cygne au Palladium Hollywood, 6215 Sunset Boulevard – mieux qu’une déclaration d’amour au mythe californien. Depuis, Tom Ford a installé son équipe  » Femme  » dans l’ancienne Regen Projects Gallery qui fut le studio du Français, réitérant sa volonté de s’ancrer là. C’est qu’en février 2015, il avait déjà présenté son automne-hiver dans la Mecque du cinéma.  » J’ai une forte connexion avec cette ville « , avait-il commenté, tout se tient.

UNE ÉNERGIE CRÉATIVE

Raf Maes, cofondateur de Komono, label belge de montres et de lunettes, a lui aussi pris racine à Los Angeles, il y a plus de deux ans. Dans ses bagages, des rêves de  » conquête  » qu’il pensait ne pouvoir réaliser que s’il s’installait ici :  » La culture d’entreprise est très différente, elle est basée sur la réactivité et le réseau, difficile de contrôler cela à distance, surtout avec une différence de neuf heures. Le rythme est certes rapide mais cette ville a beaucoup à offrir, il y a tellement d’énergie créative : on peut commencer à parler avec quelqu’un dans un ascenseur et, une semaine plus tard, se mettre à travailler ensemble, c’est fantastique. Et puis le climat rend tout plus agréable. Même s’il faut travailler dur tous les jours ; le marché est très concurrentiel, agressif et absolument pas fidèle par rapport à l’Europe, il n’y a pas beaucoup de temps pour rêver à l’American dream. Mais nous avons évidemment une vision forte et de grands projets pour la marque, nous nous sommes engagés à traduire cette vision ici et à réussir. Jusqu’à présent, j’avoue que cela marche pas mal.  »

Il faut reconnaître que Los Angeles a quelques atouts (lire par ailleurs), à commencer par le cinéma, qui a toujours eu des connivences avec la mode, c’est l’effet tapis rouge que l’on pourrait traduire par  » there is no business like show-business « . Vient ensuite l’art, qui de même nourrit les arts appliqués et l’industrie du vêtement. Or Downtown L.A. se réinvente depuis quelque temps, grâce à une nouvelle scène artistique bouillonnante, prestigieuse et concomitamment underground. Sterling Ruby a posé ses matières premières, ses Yard paintings et sa créativité polymorphe sur Soto Street, Vernon – le créateur Raf Simons en connaît le chemin, ils sont amis. En 2014, prolongement de cette complicité, ils signaient une collection Homme à quatre mains, ce n’était pas la première fois qu’ils mêlaient ainsi intimement leurs inspirations, le Belge avait déjà rendu hommage à la puissance des toiles de l’artiste en 2012, lors de ses débuts en haute couture pour Dior. Depuis, il a quitté la maison pour diriger le studio de Calvin Klein, mais la griffe de l’avenue Montaigne a retenu la leçon : c’est à L.A. que cela vibre. Le 11 mai dernier, la Cité des anges prêtait son cadre allégorique au défilé Croisière siglé Christian Dior, cqfd.

Par Anne-Françoise Moyson

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