Michaël Verheyden, designer: « Devoir être créatif entre 9 et 17 heures au bureau ne stimule en rien l’originalité »

© AARON LAPEIRRE

Michaël Verheyden (43 ans) s’est découvert une passion pour la mode durant ses études en design industriel et en défilant pour Raf Simons. Il a fait ses débuts en 2002 en tant que créateur de sacs à main et a remporté un Henry van de Velde Award pour les jeunes talents. Depuis 2010, il se concentre sur les accessoires d’intérieur, les meubles et les luminaires. Ses dernières créations sont exposées à la Galerie Pierre Marie Giraud à Bruxelles.

J’ai su très tôt que je voulais être designer. Mitaines inspirées de Michael Jackson, fausse guitare en carton comme les Guns N’ Roses, arbalète de la série télévisée William Tell: petit, je fabriquais des objets en rapport avec mes héros. Mon enfance n’a pas été rose. Mes parents ont divorcé tôt et on se moquait de mon physique frêle et de mes grandes lunettes. Mais cela m’a appris que j’aime travailler seul et j’ai rapidement su ce que je voulais étudier.

La créativité ne se force pas. Vous pouvez vous entraîner à développer des idées, mais la première étincelle doit venir naturellement. Pour moi, elle arrive quand je me détends: à la fenêtre en train de profiter de la vue, en jouant avec le chat ou en m’allongeant dans le canapé, le soir. Pendant la journée par contre, l’heure est plutôt à l’organisation… Je ne suis pas surpris que les créateurs qui travaillent pour des entreprises dans la mode ou le design copient autant les autres. Devoir être créatif entre 9 et 17 heures au bureau ne stimule en rien l’originalité.

Le bonheur, c’est de pouvoir faire ce que l’on aime. Pendant les dix premières années de ma carrière, je fabriquais des sacs et des accessoires en cuir comme je le voulais, mais cela ne payait pas mes factures. J’ai donc commencé à enseigner à Sint-Lukas à Bruxelles et j’ai travaillé sur des expos et d’autres missions. Aujourd’hui, je peux consacrer mes journées à ma passion, et en vivre. Cela fait toute la différence. Martin Margiela décrit cette situation dans son documentaire In His Own Words: recevoir des éloges, mais se préoccuper sans cesse de l’argent, ça vous ronge.

L’artisanat prend du temps. Aujourd’hui, les clients et les consommateurs veulent quelque chose d’unique et d’artisanal, mais pour le lendemain. La vague de rénovations et de remises en état que la pandémie a déclenchée a renforcé cette tendance. Nous disposons d’un réseau d’artisans et de spécialistes qui fabriquent les pièces et nous nous occupons de l’assemblage et de la finition, mais sans un tel système, c’est difficile. Le design, c’est aussi un business, et en fin de compte, c’est le client qui décide.

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Le matérialisme est une notion à revoir. Je vois encore beaucoup d’incohérence dans mon entourage. Il est nécessaire de défendre l’environnement et de lutter contre l’exploitation, mais il faut alors s’entourer d’objets durables, fabriqués à un salaire équitable, et que l’on peut utiliser pendant longtemps. De tels principes disparaissent bien trop rapidement lorsque les consommateurs disposent d’une alternative moins chère. Il en va de même pour les voyages et autres expériences: vous pouvez les considérer comme plus importants que les biens, mais tenez compte de l’énergie qu’ils coûtent.

Jouer de la musique est mon exutoire. Je suis guitariste d’In Trees, Promenade Seven et de nombreux autres groupes depuis mes 16 ans. Pour moi, il n’y a rien de plus honnête que le public pendant un concert: s’il n’aime pas, il n’applaudit pas. Les compliments des enfants sur mes créations me touchent aussi énormément. Ils ne sont pas experts en mode ou en design, mais leurs mots sont sincères.

Plus les journées de travail sont longues, moins on est efficace. A la maison, ma compagne et moi essayons de nous arrêter à temps et de laisser de la place pour d’autres activités. Travailler tard, très peu pour nous. Les journées de boulot interminables nous épuisent. Rien ne vaut une tête reposée. Nous n’avons pas besoin de longues vacances. Nous aimons prendre du recul, mais ne nous demandez pas de passer deux semaines au bord d’une piscine ( rires).

Les échecs nous font avancer. Vous découvrirez peut-être que vous devez faire les choses différemment ou que vos points forts sont ailleurs, mais vous devez au moins essayer. Jeune, j’ai supposé trop vite que j’étais prêt à me lancer à l’international. La collection de sacs à main n’a jamais décollé, mais cette expérience a contribué au succès de la collection de déco. Sans mes erreurs de débutant, je n’en serais pas là aujourd’hui.

Galerie Pierre Marie Giraud, 7, rue de Praetere, à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 21 avril. michaelverheyden.be, pierremariegiraud.com

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