MODE | Ils ont créé leur marque en plein confinement et s’en félicitent
Ces neufs entrepreneurs n’ont pas attendu la fin de la pandémie pour réaliser leur rêve. Ils ont même profité de cette période en suspens pour initier leur marque. On leur souhaite le meilleur.
EALE: « Je savais que ce ne serait pas rentable mais que je pourrais partager ma passion. »
L’idée. Des podiums à la création, un grand écart? Pas vraiment pour la top liégeoise Claire De Regge, qui a défilé pour Burberry, Alexander Wang et Marine Serre, entre autres. « J’ai été repérée par une amie mannequin de mon papa quand j’avais 14 ans. Le mannequinat n’était pas une vocation pour moi, plutôt une chouette opportunité que j’aurais été bête de refuser. Donc, je me suis lancée après mes études secondaires en arts plastiques. Je n’ai pas pu dire non au mannequinat, mais la bijouterie, c’est ce que je voulais vraiment faire de ma vie. Petite déjà, j’étais une vraie « Madame Bijoux » avec des bagues en toc à tous les doigts et un enchevêtrement de colliers. »
Une esthétique maximaliste passée à l’épure pour sa marque, EALE. « Mes bijoux sont très fins et délicats, je veux qu’ils puissent être portés tous les jours et j’aime qu’on voie le travail manuel derrière: l’imperfection de mes bijoux fait leur perfection et chacun d’eux est unique puisque je fais tout à la main », résume la jeune femme.
J’aime qu’on voie le travail manuel derrière: l’imperfection de mes bijoux fait leur perfection.
EALE
Le timing. Créer sa marque, Claire en rêvait de longue date, mais il aura fallu attendre une pandémie pour lui donner l’occasion de se lancer. « J’ai installé un atelier avec un coin pour la fonte et un laminoir dans mon bureau. Grâce à ça, j’ai pu mettre le premier confinement à profit pour amorcer cette reconversion à laquelle je pensais depuis longtemps. Se lancer en pleine pandémie, ça peut sembler fou, sauf que je n’ai pas pour objectif de devenir une grande entreprise ni de faire ça à temps plein. Je veux que ça reste une passion. Je n’ai pas eu peur car je savais que ce ne serait pas rentable mais que je pourrais partager ma passion. »
La créatrice. Claire De Regge, 27 ans, a suivi un cursus secondaire en arts plastiques à Liège, sa ville natale, avant de se lancer dans le mannequinat. Elle s’est essayée à la peinture avant de créer des bijoux. Elle prépare désormais en parallèle une reconversion dans la déco d’intérieur.
Les points de vente. Pour garder des prix accessibles et toucher le plus grand nombre, Claire travaille sur commande, à passer via ses réseaux sociaux ou son site.
ATAMAN: « J’ai choisi mes tissus les plus colorés, pour ne pas sombrer dans la dépression. Ma collection était née. »
L’idée. Mustafa Ataman est le fruit de deux cultures. L’Empire ottoman a laissé des traces en lui – ce goût assumé pour le maximalisme coloré, « cette richesse, ce too much ». Là-dessus, la Belgique est venue mettre sa patte, un désir pour les silhouettes « chics » des année 50, tailles affinées et volume dans le bas. Le joyeux mélange donne une griffe à la féminité revendiquée, dans des matières brillantes faussement assagies par des coupes droites – « On ne possède pas un vêtement, on le devient. »
Le timing. « Pendant le premier confinement, je me suis retrouvé avec mes tissus issus des stocks des grandes maisons parisiennes que j’achetais depuis des années. J’ai choisi les plus colorés, pour ne pas sombrer dans la dépression, il fallait que j’en fasse quelque chose d’énergique. Ma collection était née. » Mi-mai 2020, il s’installait place du Grand Sablon, chez Balthasar, pour un pop-up qui apporta la preuve que les femmes se voyaient bien en Ataman. Depuis, fort de cette reconnaissance, il a finalisé sa collection, inspiration préraphaélite, mousselines de soie et laines fines dans une gamme de vert, burgundy, tuile, rose et rouge pour une fluidité légère et printanière – la morosité n’y survivra pas.
On ne possède pas un vêtement, on le devient.
Ataman
Le créateur. Mustafa Ataman a grandi en Belgique, passé ses vacances chez ses grands-parents au bord de la mer Noire, rêvé d’être architecte mais trouvé que la mode, « c’était plus amusant ». Il a étudié à la Haute école Francisco Ferrer, décroché un contrat à Paris chez David Szeto, où il a « tout appris » des volumes et des associations chromatiques. En 2012, il intègre le bureau de style de Hakaan, à Istanbul: « Une grosse structure, j’y ai découvert le retail et comment développer une collection collectivement. » De retour chez nous, en 2015, il pose les jalons de sa marque mais il faudra attendre la déprime du confinement pour qu’il se lance vraiment, fièrement.
Les points de vente. Sur son site et chez Balthasar, 40, place du Grand Sablon, à 1000 Bruxelles dès la mi-mars.
WARENHUYS: « La pandémie a dirigé bon nombre de personnes vers les vélos, ce qui joue en ma faveur. »
L’idée. Maren Huysmans n’a jamais trouvé de vêtements de pluie appropriés pour faire le trajet domicile-travail à vélo. « Une coupe moche ou pas pratique pour pédaler et une matière favorisant la transpiration: ces pièces sont souvent mal pensées alors que ce sont des éléments essentiels de la garde-robe. Surtout en Belgique! », affirme-t-elle. En réponse, la jeune femme a imaginé une collection stylée, intemporelle et pratique, avec une ceinture pour que la cape ne s’envole pas dans tous les sens, des boucles pour que celle-ci couvre le guidon, une capuche qui ne limite pas le champ de vision ainsi qu’une ventilation pour éviter l’effet moite. « J’ai dessiné la coupe au millimètre près. Je propose cinq tailles, pour éviter que la cape ne ressemble à un sac », précise-t-elle.
Le timing. « Ma première idée date d’il y a cinq bonnes années mais je travaillais dessus avec des hauts et des bas. Durant le premier confinement, j’ai décidé de m’y mettre à fond », raconte-t-elle. Fin 2020, elle a mené une campagne de crowdfunding grâce à laquelle elle a rassemblé près de 23.000 euros pour produire sa collection. Les premières vestes ont été livrées ce mois-ci.
La créatrice. Maren Huysmans, 29 ans, a étudié à l’Institut Saint-Luc de Gand, d’où elle est sortie créatrice graphique en 2013. Désirant « faire quelque chose de mes propres mains », elle a suivi ensuite des cours pour devenir tailleuse et dessinatrice de patrons.
Les points de vente. « La pandémie a dirigé bon nombre de personnes vers les vélos (électriques), ce qui joue en ma faveur. Je lance, ce mois-ci, ma propre boutique en ligne, se réjouit-elle. A long terme, je souhaite toutefois avoir des points de vente physiques. Idéalement, mes vestes se retrouveraient aussi bien dans des boutiques de mode que dans des concept stores ou dans les meilleurs magasins de vélos. »
CHARLOTTE THOMAS
La marque de Charlotte Thomas, 25 ans, se situe au carrefour des arts graphiques et du textile. Avec ses patrons abstraits, basés sur des formes géométriques et des lettres, elle a conçu une collection limitée de pulls en maille. « La veille du premier confinement, je devais aller chercher mes pulls chez le fabriquant. Mauvais timing: les séances photo programmées, les visites de magasins et les plans pour les pop-up sont tombés à l’eau. Si j’avais su cela à l’avance, j’aurais probablement retardé le lancement. Bien qu’en fin de compte, j’ai bien vendu via ma boutique en ligne. Et j’ai trouvé deux points de vente grâce à Instagram. » La jeune femme se dit inspirée notamment par l’utilisation des couleurs d’artistes telle Nathalie Du Pasquier du groupe Memphis. Sa méthode de travail se rapprocherait également de celle de la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker – « Ses mouvements abstraits semblent très libres tout en travaillant avec une structure stricte de grilles, de lignes et de motifs qui servent de point de repère. » Par la suite, Charlotte Thomas aimerait étendre sa gamme à d’autres produits, notamment un plaid, un tapis et peut-être du papier peint. D’ici l’été, elle devrait aussi sortir un nouveau vêtement.
WOLFIN
Depuis toujours, Inge De Muynck, 48 ans, est à la recherche d’un exutoire pour sa créativité. Avec des résultats pas toujours concluants. Elle ne fut pas acceptée à l’académie de mode et ses études en « confection » ne lui plaisaient pas. Lio, sa propre marque de bijoux, fut une réussite comme projet complémentaire, mais semblait ne pas être compatible avec un travail, une famille et une rénovation. « Un jour, quelqu’un m’a dit: pourquoi ne lancerais-tu pas ta ligne de lunettes? Une idée brillante, étant donné que je tenais le commerce d’optique de mes grands-parents avec mon frère. » C’était en 2017. En septembre 2020, la quadra a sorti sa marque Wolfin, comprenant des lunettes de vue et de soleil. « Ce ne sont pas des modèles extravagants ou des couleurs vives. Ce sont des montures qui rendent plus beau. Mais avant tout, ces lunettes racontent une histoire. Oui, Wolfin est pour l’empowerment. Dans la campagne publicitaire, vous ne retrouverez aucun mannequin mais bien de vraies femmes ayant des histoires passionnantes, qui sont à lire sur le site. » Cet automne naîtra le petit frère de Wolfin: Alfa, qui proposera des lunettes pour hommes.
VAN M
Cela faisait des années que Thomas Durin en rêvait, c’est un voyage au Brésil, fin 2019, qui servit d’accélérateur de particules. Il en est revenu nourri « de couleurs, d’artistes, de motifs, de musiques, d’odeurs, de mouvements » qu’il a réinterprétés dans sa première collection Van M, genre féminin, écoresponsable et éthique, traçable et locale. « Ma garde-robe était déjà dessinée dans ma tête, le confinement m’a permis de réfléchir et de poser les bases de ma marque, je ne voulais pas perdre l’opportunité de la développer, tout s’est bien enchaîné. » Après un galop d’essai cet hiver, il présente en digital et durant la Fashion Week parisienne les 18 pièces essentielles de sa slow garde-robe printemps-été toujours inspirée par ce voyage au Brésil et par les trottoirs si graphiques de São Paulo. Son made in Belgium fait la part belle au coton biologique, au cuir végétal, marin et de Liège et s’engage dans la foulée aux côtés de l’organisation One Planted Tree pour soutenir la reforestation dans la Mata Atlantica et dans le bassin du fleuve Amazone. Son mantra: « Dress to care. »
HOWL
Pour Sofie Claes, créer la marque Howl, c’est « de l’activisme créatif »: « Je vis dans le respect de l’environnement et je suis végétarienne mais je travaille dans une des industries les plus polluantes. Ça sonnait faux », dit-elle. Envisageant un temps de devenir traiteur végétarien, elle décide finalement, en décembre dernier, de lancer les Wolfpacks: des pièces basiques telles que des tee-shirts qui conviennent à un vaste public. Le 18 mars prochain, lors de la Journée mondiale du recyclage, elle sortira sa première collection capsule composée uniquement de pièces fabriquées à partir de vieux vêtements. Pour chaque article vendu, 5 euros seront reversés à l’ASBL espagnole Dronecoria, qui plante des arbres. Si la créatrice de 36 ans – qui a bossé pour Haider Ackermann et Ann Demeulemeester – rêvait depuis longtemps de développer ce label durable, c’est la Covid qui l’a aidée à franchir le pas: « Je voulais profiter de cette crise; cette période marque peut-être une étape charnière pour la mode. » Actuellement, les articles sont en vente sans intermédiaires, via son site Web. Un pop-up store est toutefois en gestation.
CHARLOTTE BEAUDE
C’est l’élégance de sa grand-mère qui déclencha sa passion pour la mode. Pourtant, la Bruxelloise Charlotte Beaude (29 ans) a choisi d’étudier l’architecture d’intérieur et le design de produit, avant de changer de cap. « En 2018, j’ai pris la décision de créer ma marque d’accessoires fabriquée en France et en Italie, raconte-t-elle. Après deux années de préparation, j’ai sorti l’an passé ma première ligne de sacs à main en cuir de veau ainsi qu’une série de foulards en soie. » En plus du sac classique, elle propose une pochette matelassée et un sac bourse comme alternative plus décontractée. Cet été, elle lancera un nouveau modèle. Des ceintures, une collection de plage ainsi qu’une ligne Homme sont également au programme. La marque respire le glamour et le luxe d’autrefois. « Ma grand-mère et ses amies étaient toujours tirées à quatre épingles. Cette classe et ce chic me manquent aujourd’hui. Je tente de les faire revivre. »
PAOLINA
L’envie était là depuis un temps, celle de créer une marque de chemises taille unique, inspirée par ses souvenirs de vacances d’enfance en Catalogne. « Je n’en avais parlé à personne, pour ne pas me laisser influencer, se souvient Macha Dormal. Mais j’avais décidé de me lancer en 2020. » Les trois premiers prototypes sortent des ateliers le vendredi 13 mars… la veille du confinement. Mais la jeune femme ne se laisse pas abattre. Le temps clément joue pour elle. Les réseaux sociaux aussi, notamment les posts de personnalités sur Instagram qui attirent l’attention des pros sur Paolina. Même si la plupart des ventes se font en ligne, la griffe se retrouve vite dans la boutique bruxelloise Cachemire Coton Soie et intègrera bientôt Le Bon Marché, à Paris. « Le lockdown a joué pour moi car les gens ont eu tendance à davantage faire leur shopping en ligne », admet Macha Dormal. Et à chercher des vêtements chics et cool, pour travailler à la maison. Son activité dans l’entreprise familiale, ralentie par la Covid, lui a aussi laissé du temps pour sa marque, devenue depuis son job à temps plein. La collection été 21 compte une quinzaine de modèles, comme toujours en éditions limitées numérotées
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