Olivia Borlée: « Les règles dans le sport de haut niveau restent un tabou »

Anne-Françoise Moyson

En 2008, une dream team belge remportait la médaille d’or aux Jeux Olympiques de Pékin, dans le relais 4X100m, en un temps record de 42 secondes et 54 centièmes. En 2016, Olivia Borlée et Elodie Ouédraogo, deux des quatre championnes, créaient leur label mixant la forme et le fond en un activewear désirable, éthique, sustainable, made in Europe. Et adopté par celles qui comme elles savent que  » courir c’est déplacer sa gravité et trouver son alignement optimal.  » Interview sur le vif d’Olivia Borlée.

Vous avez changé le nom de votre label, pourquoi ?

On a laissé tomber notre nom parce qu’il représentait surtout notre passé, ce que l’on avait accompli et réalisé en tant qu’athlètes. On a choisi UNRUN, c’est la course qui n’a pas encore été courue, tout ce qu’on a envie encore d’accomplir. On avait besoin d’un symbole. Et nos lucky numbers, nos 4254 sont toujours présents, on ne voulait pas s’en débarrasser, c’est tout de même le début de l’histoire ! Avec la pandémie et après 5 ans, on a pris le temps de repenser nos collections et le positionnement de la marque. On s’est demandé vers où on avait envie d’aller, ce qu’on avait envie d’accomplir, quels étaient nos rêves et ce qu’on avait envie de changer autant dans notre marque que dans l’industrie de la mode. On a envie d’apporter du nouveau avec notre programme d’ambassadrices : on sponsorise désormais une quinzaine de jeunes sportives que l’on a choisies en Belgique, aux Etats-Unis, aux Pays-Bas, aux Philippines. On leur propose des vêtements mais on a surtout envie de leur offrir beaucoup plus, notamment, les mettre en contact avec de bons physio, des spécialistes de la nutrition, des coaches, des psychologues, qui comprennent vraiment les mécanismes du corps, qui peuvent changer des petits détails, les aider pour pouvoir mieux performer et éviter les blessures.

Olivia Borlée:

Sans accompagnement, on n’est rien ?

Non, et ce n’est pas toujours évident de trouver les bonnes personnes. On l’a encore vu aux derniers J.O., on mesure l’ampleur du problème. Les athlètes osent enfin prendre la parole. Elles mettent ainsi en lumière ce qui manque dans le sport pour les femmes. Ce monde-là est encore dominé par les homes et il y a de gros manquements. Les jeunes filles qui ont leurs règles n’osent par exemple pas en parler à leur coach, idem quand elles prennent la pilule et que cela a des effets désastreux sur leur corps et sur leurs performances. Nous voulons vraiment permettre à la parole de se libérer, en partageant notamment nos expériences et en guidant ces jeunes athlètes.

Vous avez connu ce genre d’expérience et vécu sous la loi du silence ?

Cela m’est arrivé, même si je me sens assez chanceuse parce que mon papa était mon coach, c’était beaucoup plus facile d’en parler. Mais cela reste malgré tout un tabou, on n’ose généralement pas évoquer les règles, la pilule contraceptive, le cycle féminin. Quand on fait du sport à haut niveau, il arrive fréquemment qu’on n’ait plus de règles, c’est le cas de beaucoup sportives et on trouve cela normal, or, cela ne l’est pas du tout. Et personne n’est là pour les aider d’autant qu’elles n’osent parfois même pas évoquer le sujet. Personnellement, quand j’ai pris la pilule, j’ai commencé à me blesser super fort, à faire de la rétention d’eau, je déchirais mes muscles. Il nous a fallu deux ans avant que quelqu’un ne parvienne à faire le lien. Tout cela parce que généralement on n’est pas entourée par des gynécologues femmes. C’est cela qui est fou dans le sport : on fait attention à chaque petit détail mais le cycle féminin, on n’en parle pas. Alors qu’on sait maintenant grâce à des études qui le prouvent, mais qu’il faudrait encore pousser plus loin, qu’il y a des périodes dans le cycle qui sont plus propices à certains entrainements que d’autres – la semaine avant les règles, par exemple, on a beaucoup plus de chance de se blesser. C’est ce type d’informations qu’on essaie d’aller chercher auprès des spécialistes et qu’on partage à nos ambassadrices.

Comment les avez-vous choisies ?

Ce sont toutes des coups de coeur. Et parfois elles viennent à nous et nous demandent de l’aide. On suit beaucoup ce qui se passe dans le monde de l’athlétisme, on essaie d’aller dénicher des talents. On est une jeune marque, on ne sait donc pas les sponsoriser comme le ferait Nike ou Adidas, mais on essaie de promouvoir de belles valeurs et de grandir avec elles. Elles sont très touchées de ce que l’on essaie de faire avec UNRUN4254, des collections plus éthiques, plus écologiques. On a même eu des athlètes qui devaient choisir entre Nike et nous, elles ont préféré venir chez nous, pour avoir ce côté plus exceptionnel qui les booste aussi dans leur day to day.

Votre collection SS22 s’inspire des athlètes qui ont bercé votre enfance…

Olivia Borlée:

Comme toujours ! Elle est inspirée des athlètes qui ont compté alors, Flo Jo la première et Gail Devers, grande athlète américaine des années 90, trois fois médaillée d’or, dans le 100 mètres féminin au J.O. de Barcelone en 1992, aux J.O. d’Atlanta en 1996 et dans le 4 X 100 mètres féminin lors de ces mêmes J.0. d’Atlanta. On lui avait diagnostiqué la maladie de Graves-Basedow, elle avait risqué l’amputation, c’est une icône et un symbole de courage et de détermination. Toute la collection avec les flatlocks, les coutures plates, lui est dédiée.

Olivia Borlée:

Vous revendiquez une démarche sustainable. Est-ce un argument de vente ?

On travaille avec de beaux cotons organiques produits au Portugal, tout est fait en Tunisie et en Roumanie. On a aussi du tissu biodégradable, on peut le mettre dans le compost et il se dégrade en 5 ans contre 150 pour un polyamide classique. On a mis un an et demi pour le développer, le tester, parvenir à la bonne compression, on voulait être sûres qu’il convient parfaitement pour faire du sport. On ne communique pas toujours suffisamment sur cet aspect-là parce que, pour nous, c’est tellement évident, depuis le début, par les usines, les fournisseurs que l’on a choisis. On essaie de faire des steps en avant et de toujours innover dans ce domaine-là. Même avec nos packagings qui sont réutilisables. On a aussi instauré sur notre site un guide pour pouvoir trouver la taille parfaite. L’Université de Gand a développé un algorithme qui permet avec quelques mesures de créer son avatar sur notre site et cet outil propose alors la taille idéale. On veut offrir la meilleure expérience à nos consommateurs, c’est notre devoir et éviter les problèmes de sizing et les retours, même si on n’en a pas beaucoup.

Olivia Borlée:

Des projets à court terme ?

A très court terme, jusqu’au 8 avril, la vente de nos archives à Maasmechelen Village. Ensuite, en mai, on a un gros projet d’upcycling avec un collectif qui travaille à Amsterdam, Reconstruct. On leur a donné des pièces et des tissus de nos fins de stocks et elles vont recréer neuf looks. Tout au long de la chaine, on essaie de trouver des solutions éco-responsables. Et puis un peu plus tard on a un chouette projet avec Swarovski, ils sont super emballés, ils aiment notre produit, on sortira une sortira une collection capsule. Et puis un jour peut-être, un petit legging pour ma fille, je rêve de lui en faire un…

Les athlètes-ambassadrices d’UNRUN

Pour la Belgique : Camille Laus, Hanne Claes, Kiné Gaye, Angel Agwazie, Léa Bayekula, Elise Mehuys, Naomi Van den Broeck et Kim Clijsters

Pour les Pays-Bas : Eveline Saalberg et Maureen Ellsworth

Pour les USA : Jasmine Todd et Kiana Davis

Pour les Philippines:Robyn Brown

UNRUN4254 X Maasmechelen Village. Jusqu’au 8 avril, en exclusivité, vente des archives d’UNRUN4254

Unrun4254.com

Olivia Borlée:
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