Peter Pilotto: Sacré duo

Un duo talentueux tatoue ses prints sur une mode en vogue sexy et élegante. Et, en invité d’honneur, sur des sacs au petit singe. Le tandem de créateurs, griffé Peter Pilotto, formé à l’Académie d’Anvers et basé à Londres, fait belle impression.

Un duo talentueux tatoue ses prints sur une mode en vogue sexy et élegante. Et, en invité d’honneur, sur des sacs au petit singe. Le tandem de créateurs, griffé Peter Pilotto, formé à l’Académie d’Anvers et basé à Londres, fait belle impression.


East London, Shoreditch House, un club très privé, cinquième étage, vue sur les tours de la City, quelques hommes d’affaires lookés et une belle brochette d’housewives pas désespérées. Béton lissé, tapis à longs poils, fauteuils ultradesign, lustres à pampilles et candélabres en fer forgé, le joyeux bric-à-brac. Où mieux qu’ici raconter la naissance d’une collection capsule signée Peter Pilotto pour Kipling, la marque d’accessoires au petit singe? Car c’est à cette table même que Peter Pilotto et Christopher De Vos, le duo de créateurs qui signe ses créations du nom du premier, ont rencontré pour la première fois Isabelle Cheron, directrice artistique de Kipling. Et c’est à un jet de dé à coudre qu’ils sont basés, dans ce coin de Londres industriel et cosmopolite transformé depuis peu en quartier hautement désirable, Alexander McQueen ne créchait pas très loin.


La veille, dans ce même club, mais au quatrième étage, le tandem présentait sa ligne de sacs en Nylon, avec imprimés « galaxy » ou « machine », à découvrir en boutique dès septembre prochain et à porter comme la top belge de la campagne de pub, Anouck Lepère, nue, avec la collection entière en guise de feuille de vigne. Et pourquoi pas ? Avec eux, l’élégance est toujours un poil sexy. La preuve ? Leur garde-robe de cette saison qui parle de « l’illusion d’un jour d’été parfait », avec des paysages brûlés par le soleil, des feux d’artifice sur les eaux calmes de l’océan, des reflets reptiliens qui se transforment en imprimés abstraits et forts, sur des shorts à taille haute, des vestes aux épaules comme entravées, des minijupes architecturées, des robes courtes, près du corps et drapées, souvent.


Dans les duos de créateurs, il est parfois difficile de savoir qui est qui. Pas avec eux, 63 ans à deux. Peter est l’aîné, a des racines italiennes et autrichiennes, la voix douce et un nom qu’il partage volontiers. Christopher, cheveux blonds et barbe folle, est mi-péruvien, mi-belge et aujourd’hui en jet-lag non amorti – il revient de New York, il avait rendez-vous avec Anna Wintour, rédactrice en chef du Vogue américain, qui les a adoubés en les listant dans « son top ten des nouveaux talents les plus prometteurs ».


Ils n’ont rien de siamois, ne finissent pas les phrases l’un de l’autre mais rebondissent, se questionnent mutuellement, approfondissent leur réflexion, exactement comme quand ils créent ensemble, Peter plutôt aux prints et Christopher aux formes, et cela ne date pas d’hier. C’était à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers, très vite après la rentrée académique, en septembre 2000. Depuis, ils n’ont jamais cessé de « dialoguer », de pousser l’autre dans ses retranchements, avec avis, conseils demandés, prodigués, écoutés et parfois même « un peu de compétition », saine émulation.


Quand Peter reçoit le prix Maria Luisa qui lui donne des ailes et l’envie de lancer sa collection sous son nom, Christopher gagne notre Fashion Weekend, millésime 2005 avec sa collection de fin d’études baptisée « The Beautiful White Man ». Quand le premier construit son vocabulaire mode tout seul avec les moyens du bord, le second fait ses armes chez Rochas, période Olivier Theyskens, puis chez Vivienne Westwood. Quand Londres leur fait les yeux doux, ni une ni deux, ils décident d’y travailler en tandem et de défiler pour la première fois avec un printemps-été 2008 qui fait impression.


Leurs prints ne ressemblent décidément à aucun autres – l’infiniment grand, la planète Mercure, les ailes d’un papillon, autant de phénomènes naturels et de distorsions intergalactiques regardées de si près qu’elles éblouissent. Et qu’ils font monter à l’assaut de leurs silhouettes contemporaines. Rien de théâtral pourtant, c’est leur force, leur différence sur cette scène londonienne qui les porte aux nues. Ils n’en sont pas intimidés, ni paralysés, ils disent juste « now next ». De toute façon, la pression, ils se la mettent tout seuls, leur exigence d’excellence, au niveau 10 sur l’échelle de Rockwell, l’unité de mesure de la dureté des métaux. Et s’ils avaient un ingrédient secret ? Avec un sourire si juvénile, Peter Pilotto convoque alors le fantôme de Sir Winston Churchill, « de la sueur et des larmes. »

Anne-Françoise Moyson

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