Plus de style, moins de show: et si les défilés repassaient au salon?

Un défilé de Dior il y a plusieurs décennies: plus de style, moins de show. © PAT ENGLISH

A l’origine, les défilés se tenaient dans les salons des couturiers avant de devenir des shows hollywoodiens. Mais la distanciation sociale est passée par là, les Fashion Weeks ont été forcées de s’adapter. Entre digital et hommage à ces présentations d’antan.

Au début de l’été, par écran interposé, on a découvert la couture de Viktor&Rolf, filmée dans les salles d’apparat du Waldorf Astoria à Amsterdam avec, en voix off, celle du chanteur Mika déroulant un texte pastiche des défilés d’antan où se succède la délicate composition des tenues et où il est question de « négligé » et de « taille empire ». Des robes grand soir, un salon intime, pour un peu, on se croirait revenu au siècle de Charles Frederick Worth, le couturier anglais qui, dès 1958, attiré par les lumières de Paris, en a fait la capitale de la mode. Il a alors le génie de proposer une garde-robe renouvelée chaque saison et d’inviter à demeure les galantes qui ne jurent que par lui. Très vite, il abandonne les présentations sur cintres et sur poupées, fait endosser ses créations par sa femme qui lui sert de modèle vivant et par des « sosies », qui ressemblent dans l’allure aux clientes fortunées. Dans son sillage, les autres s’y mettent, définissant ainsi les prémices de cet exercice que l’on croyait jusqu’il y a peu immuable, soit la présentation de vêtements en live devant un public de professionnels, journalistes, acheteurs et clientes, pour ce qui concerne la couture. Il en reste des images surannées. On y entend presque le silence religieux qui était alors de mise, pas de musique, juste la voix de la directrice de salon qui, tel un aboyeur solennel, annonce la silhouette. Et le froufrou des modèles qui déambulent avec, à la main, un carton numéroté qui renvoie à une liste où chacun peut lire les indications nécessaires au décryptage des toilettes dévoilées. Si ça leur chante, les clientes ont même le droit d’arrêter le mannequin, histoire de toucher le tissu ou de jauger la coupe d’un oeil averti.

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Jusque dans les années 60, rien ne tremble. André Courrèges bouscule alors la grand-messe, invite ses mannequins à danser, ose des défilés en musique et en écourte passablement la durée. De 1h30, on passe à 40 minutes – aujourd’hui, enfin avant le Covid, péniblement, on atteignait les 12 minutes. On quitte les salons, le décor change, le podium s’érige et prend de la hauteur, jusqu’à culminer au Zénith, avec Thierry Mugler, en 1984. S’y pressent 2.000 invités et 4.000 spectateurs lambda qui ont payé le prix plein pour s’étourdir devant deux cent cinquante modèles aux titres enjôleurs, « Aubes du futur », « Onctueuse construction » ou « Perle baroque ». On redescend ensuite un peu les pieds sur terre avec les Japonais et leurs présentations empreintes de paupérisme, sans empêcher les autres de préférer souvent les shows hollywoodiens.

Mais ça, c’était avant la pandémie et l’obligation de se réinventer, de s’emparer des outils numériques pour donner à voir online des collections rabotées. Finie l’unité de temps et de lieu – elle qui permettait aux invités VIP de vivre en une poignée de minutes un grand frisson, le cas échéant, destiné à délivrer le message d’une saison ensuite déclinée médiatiquement sur tous les supports de ce monde connecté. L’histoire semble se contracter pourtant avec ce goût latent et avéré pour hier. En lieu et place de son défilé couture, dans un film signé Matteo Garrone, la maison Dior ne s’est-elle pas inspirée ouvertement du Petit théâtre de la mode? On avait failli oublier cet événement daté de 1945 – il s’agissait alors de montrer à la planète entière la suprématie de Paris en la matière. Grâce à deux cents poupées hautes de 70 centimètres, habillées par les plus prestigieuses griffes alors en vogue qui voyagèrent en ambassadrices jusqu’à New York, Vienne ou Barcelone, un succès. Le luxe en miniature a ainsi permis de redorer un blason. L’actuel retour aux sources pourrait bien servir d’échappatoire.

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